Qui mieux qu'
Alexandre Vialatte pour écrire la préface de l'édition Gallimard 1958 de Monsieur Pickwick pour le Livre de Poche Classique ? Je vous en recopie un passage :
"C'est pourquoi il (Dickens) créa Pickwick et le Pickwick Club, pour son plaisir et pour le nôtre, comme un banquet de 360 convives, où s'asseoir et où nous asseoir, fourchette en main, serviette au cou, buvant le punch et fraternisant dans une espèce de nuage d'or créé par l'optimisme et la fumée des sauces, parmi les plus invraisemblables polichinelles qu'un poète ait jamais créés... Quand ils parurent, alors que le plus beau feuilleton n'est qu'un entracte dans l'existence, ce fut la vie réelle qui devint un entracte entre deux livraisons de Pickwick.
La vie réelle ? Un long souci d'argent. Nous n'avons pas besoin de vie réelle. Nous avons besoin d'un rêve ou de gros petits hommes joviaux, avides de punch et de bière aux noix, ... rendent le vrai improbable et l'incroyable vrai.
...
La vie est devenue une histoire de Dickens.
Celle de Monsieur Pickwick est parmi les plus belles. Parce qu'au fond elle mène à l'âge d'Or. Elle conduit Monsieur Pickwick jusqu'à sa terre promise. Qui était en lui ; sans qu'il le sût ; ni son auteur. Ils étaient partis au hasard pour fournir des feuilletons sans nombre, le zigzag étant leur méthode et la digression leur essence, l'auberge leur étape, l'aventure leur chemin. Ils ne trouvèrent leur étoile qu'en route. Elle mena Monsieur Pickwick à la philanthropie et aux formes les plus sublimes du sentiment qu'on nomme la sociabilité. Ils ne s'en seraient jamais douté.
Tels sont les fruits de l'obligation de livrer un feuilleton par semaine et du besoin d'aimer son héros, quand l'auteur, pressé par le temps, se laisse aller à sa pente naturelle. Celle de Dickens était le bon coeur, la haine de l'injustice, la réforme sociale, l'horreur du chat fourré et de la prison pour dettes, la détestation du méchant, le verre en main, l'amitié cordiale. Aimant son fils, il le fit soudain à son image."