Reçu le 26 janvier 2024 / Masse Critique Littérature
(***irrésistibles premières lignes d'un texte que je viens de recevoir d'un éditeur bruxellois/ en partenariat avec Babelio)
"J'aurai soixante- soixante-quinze ans dans six mois et vingt- huit nuits.Il me reste à peu près la moitié de mes dents.De quoi mordre encore dans la chair des jours."
Merci à l'éditeur bruxellois M.E.O que je découvre en même temps que cet écrivain, romancier, poète, philologue, chroniqueur, homme de théâtre, un travailleur acharné, et amoureux engagé vis à vis de la Nature.
Ce texte est cependant le tout 1er roman de ce jeune octogénaire...qui a dû longuement mûrir cette narration; le personnage central masculin, Frédéric, exprime et s'interroge en profondeur sur sa vie et cette vieillesse qui se confirme..Que peut - il en faire, en mieux...en comparaison d'une existence assez plate et banale ?!
Un écrivain au parcours brillant, tissé de mille curiosités...
Ce roman est un petit trésor, interpellant, émouvant, dérangeant...qui va nous faire accompagner deux personnages attachants, intéressants : Frédéric (75 ans) et Marie ( dont on ne saura pas exactement l'âge...visiblement sa cadette, travaillant encore quelque peu, rédigeant des articles ), des solitaires , tous les deux, marqués à la base par des drames très différents, ayant toutefois impacté très douloureusement leur existence, chacun n'ayant jamais construit ni couple ni famille...
Ils se sont inscrits à une agence de rencontres...et chacun est furieux, désappointé des personnes insipides présentées...un dernier rendez- vous leur est proposé, et leur abonnement prendra fin !
Cela sera ainsi qu'ils feront connaissance....Une très belle rencontre tendre, lucide, respectueuse qui les fera en quelque sorte faire oeuvre commune de
" réparation, restauration" de leurs existence réciproque si " trouée , si cabossée "!...
"- Tu as dû sentir, Frédéric, que je n'étais pas là pour refaire ma vie.M' en débarrasser n'était pas la meilleure solution non plus.
Il fallait trouver quelque chose comme une pause, un entracte, plus consistant toutefois que la pièce elle-même. Rencontrer quelqu'un, un peu troué comme moi, vidé de tout sauf de l'arrière- goût de la vie.(...)
Qui n'a pas , cachés dans un herbier, des pétales de tendresse cueillis dans son jardin ? Sans quoi, tu crèves plus tard comme une pomme véreuse. Tu es tout noir à l'intérieur, vidé de ton jus.Pour tenir, il faut que tu aies gardé le goût, la trace, même minuscule, d'un atome de temps plein."
Tour à tour drôle, ironique, grave, poétique, l'auteur excelle par un style, des dialogues spontanés, vivants, passant par toutes les émotions ...Exercice périlleux car
Michel Ducobu s'attaque à des sujets très " casse- gueule " où on pourrait tomber très rapidement dans les plaintes et les
larmoiements insupportables !!
Parmi ces sujets sensibles : L'approche et l'appréhension de la vieillesse, l'isolement, la solitude voulue ou subie, la sexualité et la vie amoureuse des Seniors, et en filigrane, le droit de choisir en toute conscience et dignité " Sa Fin" ...
Eh bien rien de triste, loin de là ...
Frédéric et Marie, joyeux, heureux de s'être trouvés, mais aussi conscients, possédant tous deux la faculté de se moquer d'eux- même , des mauvais tours de la vie, ont l'intelligence et surtout le désir de se rendre la vie aussi plaisante et colorée que possible le temps qu'ils passent ensemble; ils partiront en escapade...dont une échappée sur une île grecque...Ils ne veulents pas réfléchir plus loin...ils sont juste bien et en vie...ensemble...
Entre temps, Frédéric fera une sacrée frayeur à Marie, en voulant absolument, réussir un défi de natation... il en sortira indemne grâce à son aide.Le besoin de se sentir, sans doute, plus vivant...Ils sont très complémentaires, ayant des centres d'intérêts très différents, leur noyau dur c'est de ne pas avoir su ou pu adhérer totalement à la Vie....
Poignant, bouleversant, lumineux, analyses tout en en finesse de la difficulté de Vivre, et du sens qu'on peut y trouver ou non, d'autant lorsque l'âge avance et oblige aux bilans drastiques..!
J'ai lu quasi d'une traite ce roman qui m'a prise à la gorge, en souriant aussi, souvent; toutefois la fin m'a percutée de plein fouet et totalement surprise ! Je ne soufflerai pas un mot de plus , là dessus!
Très heureuse d'avoir croisé la plume fort élégante de ce poète, proche de la nature, et visiblement sensible à la Beauté, sous toutes ses formes, dont un fort intérêt qu'il exprime à travers Frédéric, pour l'Art.....j'ai ainsi fait la connaissance d'un important peintre impressionniste belge (* dont j'ignorais tout): le peintre Albert Dandoy....