Un livre court, un peu plus de 120 pages, lu et relu, pour m'imprégner de cette atmosphère extraordinaire.
Le récit a une trame simple, mais comme toujours chez
Duras, les niveaux de lecture et l'ouverture des possibles sont à l'origine d'un monde complexe et poétique.
Une femme, Marie Desbaredes, qui accompagne son enfant à une leçon de piano est le témoin d'un meurtre d'une femme par son amant dans un bar voisin. Elle reviendra régulièrement sur les lieux avec son enfant et cherchera avec Chauvin, un homme rencontré dans le bar, à comprendre ce qui a pu amener l'homme à tuer la femme, et dans quelle mesure ce n'est pas l'amante qui lui a demandé d'aller jusque cette extrémité. Au fur et à mesure, Anne et Chauvin fusionneront avec ces deux là, jusqu'à ce que Chauvin stoppe brutalement cette plongée terrible, et qu'ils se séparent.
Mais, en résumant ainsi, on ne rend pas compte de toute la richesse de ce roman, impeccablement construit en 8 chapitres.
On pourrait évoquer tout ce qui plane: la tension qui traverse tout le roman, la détresse d'Anne, femme délaissée par son mari, Directeur des usines de la Côte, qui n'apparaît que comme une ombre méprisante le soir où elle rentre tard et ivre à une soirée organisée chez elle, la difficulté d'élever un enfant qui n'est peut-être pas le fils de son mari, la violence des hommes qui affleure dans le récit, la fascination de la mort que l'on ressent pour elle comme une liberation heureuse, etc...
Et puis il y a l'atmosphère de cette ville portuaire, merveilleusement décrite, le temps chaud qui engourdit les esprits, la sensualité d'Anne, et la passion sans doute ancienne que lui porte Chauvin.
Et toute une symbolique: le rouge du sang, du vin dans lequel se noie Anne, le tricot rouge de la patronne du bar ; la maison d'Anne, prison dans laquelle elle guette les bruits du dehors, et tant d'autres choses..
Et l'écriture, bien sûr, magique, comme toujours.