Pensées sans penseur

Le maître Seung Sahn, qui s’était déjà rendu célèbre par sa façon de jeter des questions à la tête de ses étudiants jusqu’à ce qu’ils fussent forcés d’avouer leur ignorance, et qui leur criait ensuite : « Tenez-vous-en à ne rien savoir ! », fouilla dans les profondeurs de son vêtement et en sortit une orange. « Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il au lama, dites-moi ce que c’est. » La question était typique du début d’un échange, et nous le sentions prêt à bondir sur la première réponse qui lui serait faite.

Le Tibétain égrenait son mala sans bouger ni se départir de son calme, et ne manifesta aucun signe de vouloir répondre.

« Qu’est-ce que c’est ? » insista le maître zen en mettant l’orange sous le nez du Tibétain.

Prenant tout son temps, Kalou Rimpoché se pencha vers le moine tibétain qui lui servait de traducteur, et ils se parlèrent à voix basse pendant plusieurs minutes. Finalement, le traducteur fit face au public :

« Rimpoché dit : “Qu’est-ce qu’il veut ? Il n’y a donc pas d’oranges dans son pays ?” »

Le dialogue s’arrêta là.

La méditation n’est pas un refus du monde extérieur. Le ralentissement qu’elle demande est au service d’un examen plus attentif de l’esprit dans son activité journalière. Cet examen est, par définition, psychologique.

Comme le dit le célèbre maître zen, Dōgen :

Étudier le bouddhisme, c’est étudier le soi,
Étudier le soi, c’est oublier le soi,
Oublier le soi, c’est être un parmi d’autres.