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sur 509 notes
Le récit est avant tout l'apprentissage de la vie d'un jeune garçon, Joe surnommé Oups par son grand-père Mooshum, confronté à la brutalité, la violence et l'injustice mais aussi la vie de la communauté amérindienne parquée dans une réserve où leurs droits sont restreints, dont les terres ont été confisquées, volées et où les non-amérindiens ont tout pouvoir, où règne l'injustice envers cette communauté qui, ne l'oublions pas, était présente lors de la découverte du continent. 

De la même façon que Joe arrache des pousses d'arbres autour de sa maison, il va s'investir d'une mission : celle de sauver sa famille, touchée par un dramatique événement, qui transforme la douceur familiale en cahot.

Des petits arbres avaient attaqué les fondations de notre maison. Ce n'étaient que de jeunes plants piqués d'une ou deux feuilles raides et saines. Les tiges avaient tout de même réussi à s'insinuer dans de menues fissures parcourant les bardeaux bruns qui recouvraient les parpaings. Elles avaient poussé dans le mur invisible et il était difficile de les extirper.

Joe découvrira que son père, qu'il admire n'est qu'un juge de petite affaires se résumant à des conflits dans la communauté, que sa mère si vivante se transformera en fantôme silencieux, que le couple uni qu'ils formaient est au bord de la désintégration et que tout l'équilibre de sa vie est compromis.

Il aurait mieux valu n'importe quoi plutôt qu'elle prenne l'escalier dans cette suspension glacée des sentiments. Elle portait une robe bleue toute simple, ce soir-là. Pas de bas. Une paire de mocassins noirs Minnetonka. Tout en montant marche après marche, elle regardait droit devant elle et sa main tenait fermement la rampe. Ses pas étaient silencieux. Elle semblait flotter. Mon père et moi l'avons suivie jusqu'à la porte de la chambre, et je crois qu'en la regardant nous avons tous les deux eu l'impression qu'elle s'élevait vers un lieu d'extrême solitude dont on risquait de ne jamais la ramener.

Trouver le coupable va devenir son obsession et  va mettre à jour des dossiers sombres, des trafics , des non-dits, des révélations dans lesquelles celle que l'on a répudiée car différente va sauver celui qui va se transformer en monstre, où la justice ne sera pas rendue à la hauteur du crime, où la trahison peut survenir de personne que l'on aimait....

Je devais faire ce que je devais faire. Cet acte était devant moi. Dans l'étrange lumière, une sensation d'affolement m'a à ce point submergé que les larmes me sont montées aux yeux et qu'un seul son étranglé, un sanglot peut-être, un déchirement de souffrance, a jailli de ma poitrine. J'ai croisé les poings dans les mailles du tricot et les ai pressées contre mon coeur. Je ne voulais pas laisser échapper le son. Je ne voulais pas donner une voix à ce bouillonnement de sensations. Mais j'étais nu et tout petit face à sa puissance. Je n'avais pas le choix. J'ai étouffé les sons que je produisais de sorte que je sois seul à les entendre sortir de mon corps, répugnants et étrangers. Je me suis allongé par terre, j'ai laissé la peur me recouvrir, et essayé de continuer à respirer pendant qu'elle me secouait comme un chien secoue un rat.

L'auteure porte un regard sans complaisance  mais aussi avec tristesse sur une communauté qu'elle connaît parfaitement puisqu'elle en fait partie (mère amérindienne et père germano-américain) et s'inspire, je pense, de ses propres souvenirs pour construire ce roman. Elle relate les traditions et croyances de son peuple en intégrant entre autre des petits contes, légendes, racontées  par Mooshum, des cérémonies de purification, mais en intégrant également la présence d'un personnage blanc, le père Travis, qui lui aussi a ses souffrances, ses blessures.

La narration est faite par Joe lui-même, adulte, qui porte un regard à la fois bienveillant? indulgent sur l'enfant qu'il était, sur sa famille avec les figures marquantes de Clémence et Edward, sa tante et son oncle, Sonja et Whitey qui tiennent la station-service, elle, objet de tous ses fantasmes d'adolescent et lui, jaloux et alcoolique élève des chevaux et surtout Mooshum, le grand-père, passeur de légendes, d'histoires et mémoire de la famille.

Durant ma lecture j'ai beaucoup pensé aux deux romans de Harper Lee :  Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur , Va et poste une sentinelle,ou le coeur est un chasseur solitaire  et Frankie Addams de Carson Mc Cullers qui sont aussi des romans d'apprentissage dans la littérature américaine, à travers un événement familial ou douloureux, le jeune adolescent passe de l'enfant à l'âge adulte.

C'est une écriture limpide, pleine d'émotions, de sensations, tendre envers ce jeune garçon brutalement confronté au désarroi de ses parents, au silence qui entoure le drame, on sent la tension montée, l'intrigue est bien construite, le regard lucide sur la perte de repères de certains : alcool, violence, désoeuvrement dûs pour la plupart à la perte de leurs terres, traditions, dignités mais aussi à la perte des immensités, de la nature et de ses habitants, à son respect.

J'ai aimé l'ambiance de cette communauté, des réunions chamaniques, où tout le monde se connaît, s'entraide ou pas, le respect des ancêtres, l'écoute des jeunes pour perpétuer les souvenirs qui risquent de disparaître.

Parler d'un peuple, son peuple à travers une fresque romanesque est une façon de continuer à exister, à perpétuer leur savoir et leur rendre justice dans leurs luttes. Ils restent des voix que portent les livres et que ces voix entendent dans le souffle du vent.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Ce roman fort intéressant traite trois thèmes majeurs ; je ne sais pas dans quel ordre d'importance les classer. Disons que c'est un roman d'apprentissage (le narrateur a treize ans et nous raconte un été qui a changé sa vie) dont l'action se déroule dans une réserve indienne des Etats-Unis et est centrée autour du viol de la mère du héros, Joe. L'auteure mêle avec beaucoup d'adresse les trois axes de son récit.
1988. Les Autochtones américains (il y a de nombreux termes pour désigner les Indiens, qui font polémiques, je ne m'y retrouve pas trop, d'autant plus que les Canadiens, les Américains du nord du centre et du sud ne sont pas d'accord...Je vais essayer de tous les employer.) vivent pour la majorité dans des réserves qui sont des Etats dans l'Etat. Ils ont leurs propres lois, qui s'appliquent exclusivement sur leur territoire, et selon la tribu. le père de Joe est juge, sa mère travaille sur la généalogie des familles Natives dispersées et ravagées. Un après-midi, elle rentre choquée, terrorisée : elle a été violée. Où ? Comment ? Par qui ? Pourquoi ? Autant de questions qui seraient compliquées sur le territoire fédéral (j'espère que je ne me trompe pas dans les termes) et qui deviennent quasi ingérables sur la réserve. Si le viol a eu lieu hors du territoire, c'est la loi de l'état concerné qui s'applique. Si c'est à l'intérieur, c'est le droit indien. La mère de Joe ne sait pas où elle a été violée, on lui a bandé les yeux. Ajoutez à cela le racisme des "Blancs" (terme générique pour désigner les descendants de colons européens) qui s'entraident à harceler les Indiens, et vous aurez un cocktail propre à enflammer chez Joe la flamme de la vengeance.
Un roman d'apprentissage sur l'adolescence : face à l'injustice flagrante, à l'impuissance juridique de son père, à la dépression de sa mère, qu'il ne reconnaît plus, Joe doit changer, réagir, agir. Avec ses copains. C'est l'amitié à la vie à la mort, l'aventure, le courage, la transgression, la maturité.
Une description de la réserve, ce monde hybride né des persécutions des colons européens puis de leurs descendants américains, où le catholicisme se mêle à la religion originelle, où le mode de vie occidental s'insinue partout dans les traditions tribales. Contes anciens et Alien, plumes et vélos, cheveux longs, nattés et baskets mode, alcool et trucs bizarres qui se fument, fantômes, esprits, et rationalité grecque, présages, animaux totem, sodas sucrés caféinés, rêves prémonitoires et armes à feu...Un mélange assez extraordinaire pour une civilisation que l'on a presque détruite...J'ai songé souvent en lisant à Heydrich et la solution finale, où l'historien Edouard Husson explique qu'Hitler voulait faire aux Juifs ce que les Américains ont fait aux peuples autochtones : prendre toutes leurs biens et les laisser dans des réserves (en Sibérie pour Hitler, ou à Madagascar...), les affamer...Les colons ont massacré tous les bisons, comme le rappelle un conte dans le roman...Eh oui, il ne reste pas grand chose aux Indiens d'Amérique, et même ce petit reste, il faut qu'ils se battent chaque jour pour le conserver...
Cependant Joe est la preuve que la vie est plus forte. Il mène un combat politique, mais aussi pour lui-même, en tant qu'être humain réclamant justice. Un combat cruel et dangereux, où la Nature, la Providence, qui sait quoi, se moque bien de l'histoire des peuples et rejoue tout à chaque instant, sans pitié.
Très belle réussite.
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Si vous ne connaissez pas encore l'univers de Louise Erdrich, magnifique auteure amérindienne, je vous invite à y entrer par cette porte : Dans le silence du vent. C'est un titre, je ne sais pas pourquoi, qui m'a tout d'abord fait penser à André Brink. Et pour cause, dans les causes défendues il y a quelques points communs, vous n'allez pas tarder à vous en rendre compte.
Nous sommes en Dakota du Nord, à la fin des années 80 dans une réserve amérindienne. Le narrateur, qui s'appelle Joe, se souvient de cet été-là, celui de ses treize ans. C'est un dimanche après-midi. La mère de Joe va subir un viol. Pendant plusieurs jours, cette mère va rester prostrée dans son silence, emmurée, distante des autres, des siens aussi. Elle veut juste disparaître, s'anéantir.
C'est le temps d'un été où la vie de Joe bascule brusquement du temps de l'adolescence à celui des adultes.
Le père de Joe est juge des affaires amérindiennes dans la réserve où ils vivent, et va s'emparer de l'affaire, mais le peut-il ? Car il y a les lois de l'état du Dakota du Nord, et celles de la réserve, qui s'opposent : le père a autorité sur le territoire de la réserve, mais le crime a été commis par un blanc et les pouvoirs du juge sont nuls dans cette circonstance. Et la justice de l'Etat n'intervient pas dans la réserve.
Joe comprend rapidement que l'injustice fait force de loi contre l'impunité. Pour lui c'est la double peine. Il va se lever, crier. Ce roman est une colère, un cri. Celui de Joe, mais aussi de toute une communauté amérindienne. C'est aussi le cri de Louise Erdrich, qui prend fait et cause, qui écrit. Elle crie, elle écrit.
La force de l'écriture nous propulse dans les mots de Joe, dans sa voix, dans ses tripes, dans sa douleur. La douleur d'un enfant qui découvre que sa mère vient d'être violée, meurtrie, déchirée. C'est la douleur d'un enfant en découvrant la douleur de sa mère qu'elle voulait cacher à son entourage.
Combien de fois avons-nous lu ces lignes dans des romans aimés : « plus rien ne sera comme avant » ? Combien de fois y avons-nous songé en lisant des romans qui nous suscitaient cette impression ? Ici, plus que jamais, cette sensation s'affirme pour Joe. A toute force, il va chercher à réparer la blessure de sa mère. Par la justice ou par toute autre forme, qu'importe le chemin...
C'est le chemin d'un enfant qui grandit dans la douleur, une forme de souffrance insurmontable qu'il ne peut accepter. Avec Joe, nous sommes forcément dans cette révolte.
Pour autant Joe s'accroche encore à ce temps qui s'en va, c'est le temps de l'amitié et de la tendresse, Joe et ses trois amis vont faire corps pour chercher, mener leur enquête, tenter d'inverser cette justice jetée d'avance sur la table... Ils vont continuer malgré tout à partager des instants précieux, par exemple ces temps de baignade où brusquement une sorte de légèreté traverse avec fulgurance la tragédie que les personnages vivent.
Ce livre est une révolte, une croisade. Un combat. Ici c'est la voix de l'Amérique oubliée, plus que jamais. Lorsque j'ai lu ce roman, les États-Unis étaient dirigés par Barack Obama. Aujourd'hui, connaissant le personnage ubuesque qui dirige ce pays, qu'en est-il des droits et du respect de cette communauté ?
La forme de l'écriture, que j'ai trouvé magnifique et empreinte de poésie, m'a amené en totale empathie avec Joe, j'étais dans le personnage, j'étais Joe, Je ressentais son chagrin, son émotion lorsqu'il découvre ce qui est arrivé à sa mère. Ces pages sont particulièrement fortes. Elles vibrent entre nos mains. Et nous sommes Joe à cet instant-là. Nous avons mal. Nos bras sont ballants, se résignent pour un instant et brusquement se lèvent comme dans une colère ardente qui ne veut rien céder...
J'ai ressenti ses joies aussi. Car le roman est aussi fait de joies. L'insouciance de l'adolescence malgré tout, comme un geste ultime qu'on retient avant de basculer dans le temps des adultes, est décrite dans de très belles pages.
Nous avançons avec Joe, dans ses pas. Quelques légendes indiennes, au son des tambours et des chants rituels, cheminent avec nous, tandis que les rêves d'enfant de Joe s'effritent et disparaissent, emportés par une rage de justice. C'est peut-être aussi la rage de Louise Erdrich qui se mêle aux mots du narrateur.
Au fond, rien n'a changé en Amérique. C'est toujours ce monde cruel et injuste qui domine. Qu'en est-il aujourd'hui trente ans plus tard, dans cette Amérique d'aujourd'hui...?
Longtemps plus tard, le cri de Joe résonne encore en nous. Mais c'est peut-être plutôt celui de Louise Erdrich dont la voix n'est pas prête de se taire.
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Fin des années 80, dans l'État du Dakota du Nord, tout près du village de Hoopdance, dans la réserve amérindienne des Ojibwés.
Un dimanche matin, Bazil Coutts s'inquiète de ne pas voir revenir son épouse qui s'est absentée. Il y a quelque chose d'anormal. N'y tenant plus, il interpelle son fils Joe. Il faut partir à sa recherche. Ils la retrouveront quelques kilomètres plus loin. Il est arrivé quelque chose.

"Dans le silence du vent" débute dans un climat inquiet, grave. La raison en apparaîtra rapidement, c'est celle d'un viol. La recherche, la reconstitution des faits va rapidement débuter. Hasard pénible, Bazil ancien avocat devenu juge au tribunal tribal, va se charger de l'enquête sur l'agression de sa femme. L'État fédéral en fera de même mais sans conviction : le nombre de viols commis sur des femmes amérindiennes est élevé et l'enquête souvent lâchement bâclée. Les moyens et la volonté pour faire avancer l'enquête vont rapidement faire défaut. Joe, le fils alors âgé de 13 ans a décidé que les choses ne devaient pas, ne pouvaient pas en rester là.
C'est par sa seule voix et son récit rétrospectif que l'intrigue du roman va progresser jusqu'à son dénouement.

Roman âpre et clairvoyant sur un fait divers, sur la défense des intérêts d'une communauté amérindienne souvent relégués, sur une justice lente et coupable, "Dans le silence du vent" est aussi au travers du personnage de Joe et de ses copains d'alors (Cappy, Doe et Randall), un roman sur le désenchantement de l'enfance qui s'en va, sur les désillusions, le caractère tout ambivalent de l'adolescence, désireuse de rejoindre le monde des adultes mais aussi de s'en écarter.

"Dans le silence du vent" est un roman qui peut par endroits désorienter mais qui, tout entier, possède une cohérence, une gravité et une justesse implacables.

C'est par ce livre que j'ai découvert Louise Erdrich. le sentiment fort de cette première lecture m'a convaincu de revenir vers cette grande auteure.
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Une très belle découverte que l'écriture de Louise Erdrich. Ce roman est bouleversant, les personnages très attachants et formidablement "fouillés". Un beau moment littéraire.
Joe vit avec sa famille dans une réserve indienne aux états Unis. Il vit dans une famille aimante, la culture indienne est très présente avec les anciens qui sont la mémoire du lieu.
Un jour sa mère se fait agressée, violée et le monde de Joe bascule et ne sera jamais plus comme avant.
Une profonde réflexion sur la notion de justice sur ces territoires indiens qui ne sont pas américains mais qu'une succession de lois a livré à toujours plus d'oppression et d'inéquité.
Nous connaissons tous l'histoire du peuple indien aux USA, massacré mais là nous faisons connaissance avec la réalité de ce peuple de nos jours. Un blanc peut ainsi violer une femme indienne sur une terre non indienne et de fait n'en sera pas inquiété.
Louise Erdrich décrit l'avancée brutale d'un adolescent vers l'âge adulte, la fin de ses illusions et les décisions difficiles qu'il doit prendre pour survivre et protéger les siens.
C'est un beau roman plein d'amour et de moments poétiques. Merci pour cette belle rencontre avec une auteure que je ne connaissais pas.
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Après avoir lu et beaucoup apprécié laRose, j'ai commencé en catastrophe 'Dans le silence du vent ' avant que le prêt numérique de celui-ci expire. J'ai eu le temps de terminer le livre et de me rendre compte que c'était un coup de coeur.
L'histoire racontée dans ce roman, se déroule en 1988. Joe, 13 ans commence juste à découvrir les petits plaisirs liés à son âge. Se promener avec ses copains pour parler des filles ou regarder avec insistance la poitrine généreuse de Sonia, pourquoi pas ?
Lorsque sa mère rentre à la maison traumatisée, après avoir été violée, Joe pense que la justice fera tout le possible pour trouver le coupable. (En plus son père est juge tribal).
Mais les lois sont parfois inefficaces lorsqu'il s'agit de protéger les citoyens indigènes.
Les déceptions seront au rendez-vous et Joe décidera de mener l'enquête pour trouver l'agresseur.
Bien que l'intrigue principale soit la découverte du violeur, Louise Erdrich nous en dit beaucoup plus.
Il y a finalement des autres histoires dans l'histoire.
J'aimerais aussi mettre l'accent sur les personnages secondaires qui apportent beaucoup au récit. Il y a la vieille Ignatia qui fait rougir les adolescents avec ses histoires sur les performances sexuelles de ses amants.( donc la question de la sexualité est abordée avec de l'humour, une manière intelligente pour dire que le sexe et le viol ce n'est pas la même chose)
Il ne faut pas oublier le passé et le grand- père Mooshum est justement le lien qui mène aux traditions, aux légendes.
Un roman plein de significations, de métaphores sur les injustices faites aux indigènes, mais aussi sur l'importance de ne pas oublier le passé.
Une prose précise, une langue vivante et un prix : National Book Award, what else?
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(Lecture partagée du 01 mars 2016)

Joe 13 ans, vit dans une réserve indienne du Dakota. Le jour où sa mère se fait violer, sa vie bascule…
A travers ce traumatisme qui habite le livre de bout en bout, l'auteur visite des thèmes fondateurs, tels que la justice, l'amitié, la solidarité. Le livre ayant pour décor une réserve indienne, il a aussi un intérêt quasi ethnographique : on en apprend beaucoup sur les lois iniques qui régissent encore ces territoires. La postface du livre, informative est à ce titre particulièrement intéressant.
Dans ce roman, se côtoient des personnages très divers, parfois truculents et très attachants. Dans un beau style, l'auteur décrit des lieux, des habitudes de vie, des légendes indiennes et fait naître de somptueuses images.
On lit ce livre à l'intrigue bien ficelée et parfois haletante en se posant cette question : « La mère de Joe sera-t-elle vengée ? » la fin n'est pas décevante.
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Quel roman ! Je sens que la critique ne va pas être facile… Comment rendre compte, sans trop en dévoiler, de la force de ce récit, de l'intelligence de sa construction, de la profondeur de ses personnages, de la subtilité avec laquelle son auteur nous dévoile sa colère face au racisme et à l'injustice dont sont encore et toujours victimes les Amérindiens, sa colère envers toutes ces violences faites à leurs femmes et dont les auteurs ne sont quasiment jamais judiciairement poursuivis en raison d'un enchevêtrement de lois que l'on peut justes qualifier d'absurdes et iniques.

Oui, ce livre est un plaidoyer… mais c'est avant tout une oeuvre littéraire, un chef-d'oeuvre romanesque.

Le récit est celui que nous fait rétrospectivement Joe Coutts, un amérindien ojibwé, dont le viol brutal et la tentative de meurtre à l'encontre de sa mère, mit brutalement fin à l'enfance, l'été de ses 13 ans. Joe n'aura ensuite d'autre choix que de mener sa propre enquête qui marquera pour lui la fin de l'innocence. Et, déjà, les toutes premières pages sont symboliques et révélatrices de la suite de son histoire.

Je ne peux pas vous en révéler davantage quant à l'intrigue, portée par des personnages emblématiques mais jamais caricaturaux.
Roman d'apprentissage, roman plaidoyer, roman chargé d'histoire (dans les deux sens du terme), roman révélateur de la société américaine dans toute sa complexité, j'ai aimé la justesse du ton que Louise Erdrich (amérindienne par sa mère) emploie pour nous questionner sur la culture, la religion, le sexe, l'amour, la famille, l'amitié,… bref, sur un sujet finalement universel : la condition humaine.
N'est-ce pas ce qui fait un grand roman ?
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Joe est un jeune garçon indien de treize ans.
Treize ans, l’âge où l’on sort de l’enfance mais où on n’est pas encore dans celui des adolescents. En un été, Joe va basculer définitivement dans un autre monde.
Les faits se déroulent au cœur d’une réserve indienne. Joe est fils unique et vit tranquillement entre son père juge des affaires indiennes et sa mère qu’il adore. Mais sa mère est victime d’un crime impardonnable : un viol monstrueux.

Dans la première partie du livre, le garçon révolté va se livrer à sa propre enquête pour découvrir l’identité du monstre qui a brisé la vie de sa mère, désormais prostrée à la maison. Avec son meilleur ami Cappy, mais aussi Zark et Angus, ils forment une bande de quatre copains qui feront tout pour connaître la vérité.
En chemin, ils découvriront l’alcool et l’ivresse, le premier émoi amoureux et surtout le sentiment de colère.

Peut-on parler de justice ? Ou de vengeance ?
Louise Erdrich connaît parfaitement la question indienne. Elle fait du père du Joe un juge démuni face aux contradictions d’un maillage de lois inextricable. Le viol a-t-il été commis en terre indienne ? à l’intérieur ou à l’extérieur de la réserve ? Cela change tout, selon les règles imposées, mais la mère de Joe ne peut pas répondre.

L’auteure mène son histoire sur fond de thriller. Tout y est : la tante Sonja qui est une ex-streap-teaseuse, une mystérieuse poupée qui recèle un bien curieux trésor, un truculent curé – rien que pour découvrir ce personnage, je vous recommande la lecture de cet ouvrage - qui a des méthodes expéditives avec Cappy pour l’obliger à se confesser… Elle se coule dans la peau d’un adolescent avec beaucoup de talent : elle n’a pas son pareil pour décrire les fringales qui happent Joe et ses copains. Ses personnages secondaires sont captivants.
Mais surtout, elle entremêle de vieilles légendes indiennes et la réalité d’une enquête pour viol. Le vieux Mooshum, le vénérable de la famille, les raconte très distinctement dans son sommeil, la nuit, tandis que Joe est couché à côté de lui.

L’action de ce livre se déroule en 1988, mais l’enchevêtrement de lois qui dans les affaires de viol fait obstacle aux poursuite judiciaires sur de nombreuses réserves existe toujours, explique Louise Erdrich dans sa Postface. Le Labyrinthe de l’injustice, un rapport publié en 2009 par Amnesty International, présentait les statistiques suivantes : une femme amérindienne sur trois sera violée au cours de sa vie (…) 86 pour cent des viols et des violences sexuelles dont sont victimes les femmes amérindiennes sont commis par des hommes non-amérindiens ; peu d’entre eux sont poursuivis en justice.

C’est donc un récit superbement mené, basé sur des faits réels mais relaté sous forme de fiction, qui fait penser au meilleur de Jim Harrison ou à Tony Hillerman pour la connaissance des cultures indiennes. Avec un dénouement à la hauteur de la soif de justice qu’éprouve Joe et que Louise Erdrich réussit très bien à nous communiquer
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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1988, l'été est là et les grandes vacances sont proches pour Antone Bazil Coutts, Joe selon son choix, le fils unique du juge tribal Coutts et de Geraldine Coutts, chargée des demandes d'enregistrement tribal sur la réserve indienne du Dakota du Nord où vit la famille. Joe est un adolescent heureux qui partage son temps entre ses amis – Cappy Lafournais, Zack Peace et Angus Kashpaw – et sa famille : son oncle Whitey qui tient une station-service avec la pulpeuse Sonja, sa tante Clemence et son mari Edward, le grand-père Mooshum et la grand-mère Initia Thunder
La mère de Joe revient un soir, couverte de bleus et d'ecchymoses, la robe poisseuse de sang et imprégnée d'essence. Elle a été violée à la maison-ronde, un lieu de rassemblement pour certains rites tribaux, et a échappé à la mort en fuyant l'homme qui voulait la brûler vive. Pourtant, elle refuse de dire qui est l'auteur de ce crime odieux malgré les supplications de tous. Il faut alors pour le juge Coutts remonter dans le passé, celui des relations troubles entre les Blancs et les Indiens, pour faire émerger la figure troublante de Linda WishKob, née Linda Lark, bébé difforme adoptée par des Chippewas, les habitants de la réserve. Il faut aussi pour Joe trouver une explication à cette poupée bourrée de dollars qu'il a trouvée au fond du lac. Enfin, il faudra à Geraldine suffisamment de courage pour raconter ce qu'il s'est passé dans la maison-ronde le jour où elle a été agressée, elle qui connaît tous les secrets de la réserve et ceux des naissances inavouables.
Louise Erdrich parvient remarquablement à nous décrire les sentiments de Joe, la perte de l'innocence enfantine devant le drame qui s'abat sur sa famille, la peur et la colère qui peu à peu envahissent son esprit. Au sein de la bande de copains, les jeux des garçons, leurs discussions sur leurs héros familiers, la transgression des premiers interdits, tout cet univers encore saisi dans la fraîcheur de l'enfance se disloque dans la confrontation à la violence des adultes. Chacun sent le poids qui pèse sur les épaules de Joe s'abattre aussi sur les siennes sans pouvoir atténuer le chagrin de Joe. Dans le silence du vent est aussi l'histoire d'une amitié indéfectible, celle qui unit Cap et Joe dans la vie et dans la mort par une fraternité indéfectible.
L'auteur restitue à merveille ce temps élastique dans lequel vivent les adolescents, les après-midi qui s'étirent indéfiniment quand on traîne d'un lieu à l'autre sans véritable occupation, la frénésie qui accompagne les courses à vélo, les nuits terrifiantes quand les cauchemars rôdent, puis le sommeil brutal, profond, réparateur qui saisit l'âme et le corps fourbus.
Enfin, la culture indienne baigne tout le livre, au travers des rêves du grand-père Mooshum, des pow-wow, des cérémonies de purification, du rapport entre les générations, de la médecine ojibwé et des fantômes. Mais le drame de l'histoire se noue également dans les règles juridiques obscures qui gouvernent les rapports entre les Blancs et les Indiens, règles qui aboutissent parfois à un déni de justice. Lentement, l'admiration de Joe pour le travail de son père s'est muée en déception – que pèse un petit juge tribal face à la justice des Blancs ? – avant de se transformer en désespoir face à l'absurdité des lois. Seule, la vengeance personnelle pourra remettre les choses à leur place, raisonnement d'un enfant. Sur ce chemin périlleux, Cap ne peut laisser seul son ami, allant assumer plus que sa part de la punition infligée au meurtrier.
Louise Erdrich nous offre un roman magnifique où chaque personnage possède une force expressive étonnante, dans la tragédie comme dans l'humour, tout en baignant son intrigue d'une poésie mélancolique et poignante. Un roman d'initiation qui trouve sa place aux côtés de celui de Harper Lee, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur.
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