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4,13

sur 682 notes
Le « Retour à Reims » dont il est question est celui de Didier Eribon, l'auteur, qui après la mort de son père retourne enfin là d'où il vient, un milieu ouvrier dans lequel il a grandi, mais dont il a toujours eu honte, expliquant partiellement son exil de trente-cinq ans, le plus loin possible de sa famille.

C'est en regardant la Grande Librairie que j'ai eu envie de lire cet ouvrage dans lequel l'auteur replonge dans son passé. Fils d'un ouvrier et d'une femme de ménage, il parvient à s'extraire de son milieu et à complètement lui tourner le dos. Un rejet de ses origines qui a également contribué au rejet de sa propre famille. Devant d'une part affirmer son homosexualité et ainsi devenir pleinement celui qu'il était, il a d'autre part dû violemment refuser celui qu'il était censé devenir en s'extrayant d'une classe sociale que notre société cherche à cloisonner le plus solidement possible.

Je m'attendais donc à un récit autobiographique poignant basé sur ce questionnement identitaire social et sexuel, un récit familial et intime narré avec le coeur… Sauf que Didier Eribon s'avère être philosophe et sociologue et que c'est principalement son esprit qui prend ici la parole, utilisant des phrases bien réfléchies pour livrer une analyse plus froide que prévue de son propre parcours. L'autobiographie devient en effet très vite un prétexte pour nous livrer une étude sociologique certes intéressante, mais dépourvue de l'empathie que l'auteur avait suscité chez moi lors de l'émission animée par Augustin Trapenard.

Si j'ai accroché aux quelques passages où il s'autorise un témoignage plus intime et que son analyse de la classe ouvrière des années d'après-guerre s'avère intéressante, j'ai regretté l'approche trop théorique, presque distante et parfois prétentieuse de son propre parcours, ainsi que ses digressions politiques visant à expliquer le glissement progressif du vote ouvrier communiste vers l'extrême droite… n'étant pas fan de politique et encore moins de celle de mes voisins français.
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Didier Eribon est philosophe et sociologue. Cet ouvrage est celui d'un parcours, de ceux pour lesquels on ne parierait pas un kopeck quand on connaît le milieu dont il est issu.


Fils d'un ouvrier, et d'une femme de ménage, son parcours scolaire est très atypique, à l'aune de ce qui se pratique dans sa famille. Il fait partie des rares qui échappent, mais pas complètement, à la sélection liée, non aux mérites et aux capacités, mais à l'origine sociale. Et l'auteur insiste sur le fait que cette sélection n'est pas réservée aux années collège et lycée. Une fois passé le Rubicon du baccalauréat, les filières efficaces sont l'apanage d'une élite informée, qui n'ira pas perdre son temps sur les bancs d'une université qui n'est une aporie.

Cette situation hors norme au sein de sa famille le conduit à un rejet, et ce d'autant qu'il est homosexuel, ce qui est une infamie pour ses parents, et l'on imagine la jeunesse de l'auteur visé et atteint à chaque plaisanterie ou insulte à l'égard de « gens comme lui ».

Un parcours douloureux donc, et un ressenti qui n'est pas sans rappeler ce qu'Annie Ernaux a pu partager dans ses écrits, auteur d'ailleurs citée à plusieurs reprises.

On retrouve aussi ce sentiment d'équilibre instable entre deux mondes, volontairement à l'écart de sa famille, mais avec l'impression tenace de ne pas être accepté dans son nouvel environnement, qui pourtant le comble dans son désir de connaissances. C'est la même chose pour ceux dont la famille a du quitter ses terres d'origine, et qui deviennent étrangers à vie que ce soit sur la terre d'accueil ou sur celle qu'ils ont quittée.

Double question de l'identité sociale et sexuelle, sur le modèle d'une auto-analyse sincère.

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Tout est-il bon dans l'Eribon ?

Ce que j'ai aimé :
- Un style d'écriture.
- Une certaine sincérité de ton.
- Une lucidité intelligente.
- Une confession émouvante parfois, inspirée par celles de Annie Ernaux.

Ce que je n'ai pas aimé :
- Un constat (de sociologue) implacable, froid et clinique, sans générosité à l'endroit de sa famille - que n'a-t-il été touché par le sourire de l'ange...
- Une attaque en règle contre la personne et l'oeuvre de Raymond Aron qu'il éreinte à l'envi ("aversion contre l'homme", "prose sans relief et sans éclat d'un professeur superficiel" à qui il reproche même la non perception d'une enfance bourgeoise, comme ne l'est pas celle "d'être Blanc ou hétérosexuel". Toujours gênant lorsque l'on se vante à plusieurs reprises d'avoir été (d'être ?) trotskiste. Vaut-il mieux ,encore aujourd'hui, avoir tort avec Eribon que raison avec Aron ?
- Un accent sentencieux, suffisant voire prétentieux : cet humble monsieur qui s'attache à "développer sa propre oeuvre" ne s'abaisserait pas à "adresser la parole ou serrer la main à quelqu'un qui vote pour le Front national".
- Une espèce de complexe de classe persistant, en dépit d'une reconnaissance universitaire internationale ; c'est ainsi qu'il moque l'air entendu des castes qui fréquentent l'opéra ou s'aventurent dans les galeries d'art.
- Une homosexualité soulignée de façon omniprésente, vécue comme un long martyrologe, plainte constante d'une persécution continuelle par la société ; comme si la vie affective et sexuelle du mâle hétéro de base ne s'apparentait souvent au parcours du combattant ou à la solitude du coureur de fond.

A cause de tous ces préjugés, je mets généreusement 3/5 à cette (auto) copie.
Je précise cependant que colorier des étoiles n'est pas un jugement arrogant ou présomptueux, c'est un peu la règle du jeu de notre compagnonnage, exprimer, humblement, un ressenti fait d'émotions esthétiques, intellectuelles, sentimentales.
En quelque sorte, pour causer genre Eribon, une autre forme de "subjectivation".
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Si Didier Eribon a quitté Reims pour Paris à vingt ans, il s'est surtout déraciné de manière plutôt violente, un exil de trente cinq ans sans nouvelles ou presque pour vivre son homosexualité et son émancipation culturelle dans la philosophie. De retour à Reims à la mort de son père, il revisite son passé à l'aune de ses origines populaires, aborde comment il a résisté au déterminisme social pour devenir un transfuge de classe, intellectuel philosophe et sociologue averti, qui décrit aujourd'hui avec minutie et expertise sociologique le milieu ouvrier des années d'après-guerre, sa soumission de classe et son ethos. La construction de soi, sociale, culturelle, sexuelle ou politique, tout cela a cheminé chez l'auteur par des sentiers encore plus ardus qu'à l'ordinaire : il a fallu du côté de sa sexualité qu'il devienne celui qu'il était, quand du côté social il a du refuser ce qu'il devait être.
Un livre passionnant, qui se réfère tour à tour à Bourdieu, Sartre, Ernaux, Wideman, Genet ou Foucault entre autres, qui peut inviter le lecteur concerné ou curieux à continuer avec l'auteur lui-même, ou avec les autres. En ce qui me concerne ce serait plutôt Bourdieu (si j'en ai le courage).

« Une guerre se mène contre les dominés, et l'École en est donc l'un de ses champs de bataille. Les enseignants font de leur mieux ! Mais ils ne peuvent rien, ou si peu, contre les forces irrésistibles de l'ordre social, qui agissent à la fois souterrainement et au vu de tous, et qui s'imposent envers et contre tout. »
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Je viens de relire ce livre, déjà lu à sa parution, et j'ai de nouveau apprécié sa pertinence et son actualité (même si depuis il y a aussi eu Edouard Louis et son "Eddy Bellegueule")
Je connaissais Didier Eribon comme biographe de Michel Foucault, je savais également qu'il avait écrit sur l'homosexualité.
Cette fois c'est un récit personnel que nous propose l'auteur en revenant sur la période de son enfance.
Une enfance qu'il a vécue à Reims dans un milieu ouvrier avec un père manoeuvre, une mère femme de ménage et un frère boucher.
Une enfance qu'il a toujours soigneusement cachée une fois qu'il a "réussi" à Paris dans un milieu intellectuel, des souvenirs qu'il a lui-même occultés, une famille qu'il n'a pratiquement plus revue.
C'est à la mort de son père qu'il retourne à Reims et prend le temps de parler avec sa mère.

Davantage qu'un récit autobiographique, Retour à Reims est l'analyse sociologique de la classe ouvrière dans les années cinquante et soixante.
L'usine, le parti communiste, l'alcool en fin de semaine, l'apprentissage le plus tôt possible, l'homophobie,...
Comment Didier Eribon est-il devenu un intellectuel reconnu, professeur de philosophie, théoricien de la question gay ?
Et surtout pourquoi dans son parcours professionnel a-t-il abordé les questions de l'exclusion de nature sexuelle mais jamais de l'exclusion sociale ?

J'ai été très touchée par ce livre très beau et très pudique qui restitue le parcours personnel d'un individu qui a trouvé sa voie d'une manière personnelle, en découvrant la philosophie à l'adolescence, en acceptant son homosexualité, en reniant ses origines sociales.
Ce récit qui fait plusieurs fois référence aux livres d'Annie Ernaux présente en effet de nombreuses similitudes avec Mes années ou La place, c'est la recherche d'une identité et aussi une histoire très intime.
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Je me suis aventuré dans ce livre par erreur en n'ayant pas regardé auparavant de quoi il retournait, je croyais me trouver face à un roman et suis tombé sur un essai sociologique et autobiographique. C'est à mille lieues de ce que je peux lire habituellement et je n'aurais sans doute pas franchi le pas volontairement.
Néanmoins, je suis très content de cette erreur car j'ai beaucoup apprécié ce livre. Didier Eribon retrace son parcours et celui de sa famille, la maladie de son père lui permettant de reprendre contact et de rendre visite à sa mère, retour à une vie et une famille desquelles il s'était volontairement éloigné depuis plusieurs dizaines d'années.
L'auteur nous explique comment il n'a eu de cesse de rejeter ce milieu familial dans lequel il était né, de changer de classe sociale malgré toutes les difficultés qu'érigent notre société. Son but: échapper à ce qu'il aurait dû devenir, tourner le dos à un destin tout tracé, revendiquer sa différence et affirmer son homosexualité et la vivre pleinement.
J'ai particulièrement apprécié la description des conditions de vie dans les années 50 et 60 que j'ai trouvé très intéressante ainsi que l'explication de la transformation du paysage politique français et le déplacement du vote ouvrier historiquement à gauche vers l'extrême droite.
J'ai moins aimé les parties traitant de la philosophie proprement dite n'ayant pas les bases pour en comprendre pleinement le sens.
Mais ce texte reste à la portée de tous, il suffit d'avoir la curiosité et l'envie de le découvrir.
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Qu'écrire d'intelligent après avoir lu ce fameux "Retour à Reims" ? Juste : lisez-le.
(mais alors je n'atteins pas le nombre de caractères requis sur Babelio)
(donc, et au risque que ce ne soit pas intelligent, voici pour meubler : )
Didier Eribon, journaliste, philosophe, écrivain, sociologue, retourne dans sa ville natale (Reims, donc) pour la première fois depuis pratiquement trente ans. Il y retrouve sa mère, et tout ce qu'il a fui pour réaliser son rêve d'adolescence : devenir un intellectuel parisien libre de vivre ouvertement son homosexualité. Car dans son milieu ouvrier originel, cela n'était même pas envisageable. Eribon retrace alors les grandes lignes et les petits détails de son passé et celui de sa famille, et transforme son récit autobiographique en essai sur les dominants et les dominés.

Ce que j'ai apprécié, c'est que l'auteur ne fait pas le procès de ses parents, il ne se montre jamais condescendant à leur égard. Au contraire, il recontextualise leur pensée et leur attitude en les inscrivant dans un schéma sociétal et politique (toujours en vigueur aujourd'hui). J'ai énormément aimé cette partie, où il décortique les process mis en oeuvre depuis quarante ans pour annihiler la conscience collective et ringardiser le concept (et le mot) de classe, afin de mieux légitimer la domination de l'ordre social -et ce faisant, de préserver la reproduction sociale. Eribon explique également le basculement d'une part du vote ouvrier du PC vers le rn. Dans une autre partie, il raconte son éveil intellectuel et son affirmation homosexuelle dans un cadre où prévalent l'autoélimination et le conformisme, et sa sincérité et sa détermination m'ont beaucoup touchée.
Toutefois, la lecture de cet essai s'est parfois révélée très ardue pour mon pauvre cerveau, et j'ai dû relire quelques passages plusieurs fois. Mais cet ouvrage est absolument passionnant et éclairant pour qui s'intéresse à la lutte des classes et aux transfuges de classe. Ou tout simplement au monde qui l'entoure.

"Un corps d'ouvrière, quand il vieillit, montre à tous les regards ce qu'est la vérité de l'existence des classes". CQFD.
Donc, comme je l'indiquais là-haut : lisez-le.
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Longtemps, ce ne fut pour moi qu'un nom. Mes parents s'étaient installés dans ce village à une époque où je n'allais plus les voir. de temps à autre, au cours de mes voyages à l'étranger, je leur envoyais une carte postale, ultime effort pour maintenir un lien que je souhaitais le plus ténu possible. En écrivant l'adresse, je me demandais à quoi ressemblait l'endroit où ils habitaient. Je ne poussais jamais plus loin la curiosité. Lorsque je lui parlais au téléphone, une ou deux fois par trimestre, souvent moins, ma mère me demandait : « Quand viens-tu nous voir ? » J'éludais, prétextant que j'étais très occupé, et lui promettais de venir bientôt. Mais je n'en avais pas l'intention. J'avais fui ma famille et n'éprouvais aucune envie de la retrouver. »



Ainsi commence « Retour à Reims » le bestseller sociologique de Didier Eribon. L'auteur, philosophe et sociologue, replonge dans son passé et dans le milieu ouvrier dans lequel il a été élevé. Gay dans un monde homophobe, il n'a pas eu d'autre choix que de quitter Reims pour étudier à Paris.

Intellectuel reconnu qui a beaucoup écrit sur la question et l'identité homosexuelle, se vivant comme un transfuge de classe, Didier Eribon se penche sur son identité sociale. « Retour à Reims » est un récit autobiographique poignant, un récit familial intime qui décrit avec précision les mécanismes de la domination et sa reproduction de génération en génération. Dans ce retour dans ce que l'on appelle « la France moche », à la mort de son père, le sociologue interroge son refus d'avoir été un fils d'ouvrier.

Un grand texte politique avec ce retour sur quarante années dans un monde de plus en plus ultralibéral qui a vu le basculement des votes communistes vers le FN.

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Après avoir vu sur Arte le film documentaire Retour à Reims (fragments), j'ai voulu lire le livre pour assembler les pièces manquantes des fragments qui permettent de mieux comprendre pourquoi Didier Eribon a mis si longtemps pour parcourir les quelques cent cinquante kilomètres qui séparent Paris de Reims. Un livre très émouvant et très important qui nous permet de mieux comprendre le fossé entre les élites intellectuelles et les milieux populaires depuis la chute de l'Union soviétique en 1989 et la mondialisation.
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C'est en écoutant Edouard Louis se référer à l'ouvrage de Didier Eribon que j'ai eu envie de lire Retour à Reims.
L'auteur, professeur de philosophie et de sciences sociales à l'université d'Amiens, évoque son milieu d'origine: la classe ouvrière. Au travers de son parcours personnel, Didier Eribon revient sur la honte sociale qui l' a habité pendant plus de trente ans et qui l'a conduit à couper les liens avec sa famille. Dans ce livre, à la fois témoignage intime et ouvrage théorique, l'auteur décrypte comment, par l'école, la politique, s'exerce la domination de classe. Il analyse les mécanismes bien rodés des déterminismes sociaux et leurs impacts sur les parcours individuels.
Pour ceux qui apprécient les travaux de Bourdieu ou la démarche introspective de
Annie Ernaux.
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