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4,09

sur 2233 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Annie Ernaux a accompli son devoir de mémoire, depuis sa naissance en 1940 jusqu'à la date de son écriture en 2006, à travers la vie fictive d'une professeure de lettres qui, à sa grande différence, n'a jamais trouvé le temps de se consacrer comme elle le rêvait à l'écriture avant d'atteindre le seuil de la vieillesse. Comme des jalons au fil du temps qui passe, des photographies, voire de petits films la représentent à différentes étapes de sa vie, depuis son plus jeune âge dans sa Normandie natale. le corps change, en bien comme en mal, les êtres chers apparaissent puis disparaissent au gré des naissances et séparations, des amours et désamours successives. Inventaire d'une vie, mais aussi de tous ces petits riens qui ont fait l'ordinaire de tout un chacun, au cours de ces soixante et six années qui ont vu le monde changer comme jamais auparavant. Slogans publicitaires, modes vestimentaires, façons de s'exprimer, petits et grands événements, allant de la vie quotidienne à la géopolitique, participent à ce joyeux inventaire à la Prévert, sous la plume allègre d'Annie Ernaux. Arrivé en fin d'ouvrage, on se dit qu'il est dommage que l'éditeur n'ait pas prévu quelques pages blanches pour nous permettre de le poursuivre. On aurait aimé y parler de la folie des portables et autres objets connectés, des réseaux sociaux fauteurs de suicides mais aussi des nouvelles routes de la soie tissant leur toile invisible, des catastrophes soi-disant naturelles s'enfilant comme des perles, d'un président américain fou à lier, des prêtres pédophiles, la jacquerie des gilets jaunes, les attentats (toujours), l'essor des religions, sous leur forme la plus sectaire et mortifère, des populismes de tout poil, et la grande frousse des années pandémiques, avec ses hordes de bandits masqués déferlant dans les villes, et la fin des bisous…
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Fidèle à son sujet d'étude littéraire unique, à savoir elle-même, Annie Ernaux livre dans Les années, multiplement distingué et récompensé, une rétrospective couvrant la seconde moitié du 20ème siècle, et tente de créer une intersection où se croisent les événements de sa vie personnelle – à base de photos ou d'extraits de films – et les grands bouleversements du monde – à base d'informations – survenus au cours des mêmes décennies. Son objectif, fixé dans son ouvrage, sans jamais utiliser le "je" : restituer la dimension vécue de l'Histoire avec un grand H et de la mémoire collective à travers une mémoire individuelle ; s'immerger dans les images de ses souvenirs pour en détailler les signes spécifiques de l'époque, l'année, plus ou moins certaine où elles se situent ; et surtout tenter de retenir, de « sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais », parler du monde lent où elle est née dans la rareté de tout, des objets ou des distractions, bien éloigné de celui, abondant et cultivé où l'ont propulsée ses études et sa carrière, ce monde contemporain qui avance sans qu'elle sache vers quoi.


Le résultat est un inventaire à la Prévert, où comme d'habitude elle revient inlassablement sur son enfance modeste, sur la honte d'appartenir à une classe sociale inférieure, ses études, son métier de prof, son mariage finalisé par un divorce, ses amours, son avortement clandestin, l'Alzheimer de sa mère, sa passion avec un russe ou un homme plus jeune qu'elle... Tout ce qui a déjà servi de thème à ses précédents romans... En contrepoint, elle évoque les guerres, les trente glorieuses pourvoyeuses de galeries marchandes, la consommation frénétique, les combats féministes, ses convictions politiques... Tout est passé à la moulinette...


Pour moi comme pour beaucoup de femmes, Annie Ernaux a été une combattante littéraire, celle qui a osé écrire le sexe, le ventre, le sang des femmes, crûment, sans métaphores ; celle qui a fait d'une épicerie normande ou d'un hypermarché Auchan des hauts lieux de la littérature ; celle qui a signé un manifeste revendiquant le droit pour les femmes de disposer de leurs entrailles ; celle qui fort récemment a expédié une lettre ouverte et bien sentie à Macron ; celle dont la concision a été raillée par les vieux barbons gélatineux et autres incontinents du verbe pour qui la littérature ne doit être qu'hypocrisie et logorrhée. Total respect pour cette femme dont chaque phrase minimaliste a une portée quasi-universelle.


Lire Les années m'a rendue tristounette car j'ai eu l'impression parfois pénible d'avoir entre les mains et sous les yeux le testament littéraire d'Annie Ernaux. « Comme le désir sexuel, la mémoire ne s'arrête jamais. Elle apparie les morts aux vivants, les êtres réels aux imaginaires, le rêve à l'histoire ».
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C'est une sorte d'autobiographie sur le mode collectif : l'auteur parle en "on", ou "elle".
Le destin individuel se mêle au destin collectif. Il y a beaucoup de « je me rappelle ».
On se retrouve tous dans cette vie particulière.
Et c'est très bien écrit !
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UNE VIE
Une oeuvre autobiographique et sociologique sans concession ciselée dans un style d'agrégée de lettre. Cette vie commence en 1940 avec son journal qui s'appuie sur des témoignages, documents et films d'époque. C'est beau et croustillant de vérité. C'est un éloge du passé par immersion dans ses (nos) propres souvenirs. Tous les Babyboomers apprécieront entre autre les repas de famille avec les souvenirs de guerre écoutés par les enfants qui ne peuvent sortir de table avant le dessert, les premiers flirts pudiques, ou poussés mais préservant la virginité, les amphis de 1968 avec ses slogans abscons ( « il est interdit d'interdire »), la lutte du féminisme, la liberté sexuelle tolérante jusque sur l'éloge de la pédophilie, puis la rentrée dans la routine de la vie adulte : mariage, enfants, divorce, amants , cancer...La fin est transcendantale avec une recherche sur le temps qui passe et les nourritures évanouies.
Style : Cette vie est décrite à la 3ème personne, « elle » malgré « l'extériorité et l'éloignement que cela entraîne», plutôt que « je » qui implique «  trop de permanence, quelque chose de rétréci et d'étouffant ». le temps est l'imparfait continu «  dévorant le présent au fur et à mesure » et se prolongeant jusqu'à la fin, même pour le présent, comme narré depuis un futur lointain.
Un bijou. Cinq étoiles méritées.
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Une vie française !
Pas de chapitres, mais 12 photos pour marquer les tranches de vie de 1941 à 2006 !
Une nomenclature de faits personnels, d'évènements, de réflexions sur sur ces dernières années dans un style télégraphique, neutre, objectif et rapide.
Une rétrospective de ces années qui ont vu la société évoluer rapidement : + d'un 1/2 siècle avec la technologie qui a remplacé l 'humain et, l'individuel par le collectif !
" pour sauver quelque chose du temps ou l'on ne sera plus jamais " !
Ces photos sont les témoins de votre vie de bébé, de fillette, d'étudiante, de professeure, de votre mariage et des enfants nés de cette union, de votre divorce, de votre nouvelle vie amoureuse et enfin de votre retraite !
Mais il en ressort ( à mon humble avis ) une grande nostalgie !
Nostalgie du temps ou l'avenir était espoir, la vie était certes plus difficile mais il y avait des valeurs essentielles et la volonté de prendre l'ascenseur social !
Pour ma part, il m'a fallu attendre les années 60 et surtout 1968 pour accrocher à votre style impersonnel, féroce, qui égratigne avec acuité, lucidité et intelligence ce qui fut notre passé commun c'est à dire cette mémoire collective qui fut la vôtre et que j'ai acceptée comme mienne !
Analyse sociologique d'une professeure militante, engagée qui m'a permis par ce roman -témoin de prendre du recul sur ce déferlement sociétal !
Ce récit m'a complétement emportée et, il a fait revivre en moi aussi ces saveurs que je croyais oubliées !
Beaucoup d'émotion que ce passé collectif que nous avons vécu !

L.C thématique d'avril 2021.
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Un des meilleurs récits (selon moi) d'Annie Ernaux. "Autobiographie impersonnelle" de l'auteur née en 1940 dans un milieu modeste. Histoire individuelle, mémoire individuelle qui se fond dans l'histoire et la mémoire collectives. Récit d'une génération et d'une époque, d'années de 1940 à 2008 pendant lesquelles le temps semble s'accélérer de plus en plus ("le temps nous manquait pour la mélancolie des choses").
L'auteur souhaite par la littérature, conservatoire des choses, sensations éphémères, "sauver quelque chose du temps", des objets, des sensations, incarner l'histoire, lui donner une dimension vécue.
Une réflexion sur l'écriture, la mémoire, la transmission, le sexe objet de honte, caché, refoulé à exhibition et obligation de jouir, la substitution d'époques marquées par les idéologies, les idées abstraites à celles marquées par la consommation.
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On a dit de ce livre qu'il était une "autobiographie impersonnelle", ce qui me paraît tout à fait juste.
"Autobiographie", car Annie Ernaux évoque dans cet ouvrage plus de 60 années de sa propre vie, son enfance dans les années 40, sa jeunesse de jeune femme instruite dans les décennies 50/60, son existence de professeur de lettres, ses rapports avec ses élèves et ses enfants, et bien sûr ses relations avec les hommes.. Elle raconte en fait tout ce qui constitue une vie.
"Impersonnelle", car en parlant d'elle-même, elle n'écrit jamais "je", mais "on" ou "nous", rattachant par la même sa vie et celles des gens, et notamment des femmes, de sa génération. Elle exprime ainsi qu'une existence, même dans ce qu'elle a de plus intime, est toujours vécue dans un contexte politique et sociologique.
Destin individuel, destin collectif.... Annie Ernaux analyse très habilement les évènements de sa vie à travers une époque, la seconde partie du 20ème siècle.
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Négatifs de vie pour une balade à travers les années écoulées depuis la fin de la seconde guerre. Ce jeu sans "je" relève d'une autobiographie impersonnelle qui devient finalement le récit d'une vie qui nous parle à tous. Sourires en coin lorsqu'on se reconnaît dans des petits gestes simples ou des réactions qui nous sont familiers quelque soit notre âge. Superbe lecture
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Les années d'Annie Ernaux, c'est un peu comme une lecture d'instantanés, comme ouvrir une boîte de vieilles photos et de souvenirs familiaux empilés... En posant un regard neutre sur son passé, l'autrice nous livre des morceaux de sa vie au regard d'actualités nationales et mondiales. de quoi nous ramener nous-même en arrière, dans notre propre vie passée.

Cette lecture a fait ressurgir de nombreux souvenirs en moi, des choses que j'avais oubliées, mises de côté. Bien que n'étant pas de la même génération qu'Annie Ernaux, son vécu a fait écho au mien et à celui de ma mère. Il a résonné en mon fort intérieur, au point que j'aurai pu poser le livre et me mettre à écrire de cette façon moi aussi. Une sorte de sentiment de vouloir tracer sa vie sur le papier, de ne plus oublier...

A travers son récit, on suit aussi l'évolution du statut des femmes dans la société française, la libération sexuelle et ses contradictions, les changements de moeurs...

Je découvre Annie Ernaux doucement, et j'aime beaucoup sa compagnie. Son écriture a une véritable proximité avec mes émotions, c'est une expérience de lecture à part entière.
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Un grand roman que je qualifierai d'auto-sociologie, Annie E. aborde avec son style bien à elle ( écriture au scalpel , pudique et rigoureuse) 60 années de l'après guerre à 2000. Elle choisit douze photos, pour décrire qui elle était, pour témoigner de ce qu'elle était et surtout peindre chaque décennie: chansons, climat politique, social, repas de famille, libertés, avec un tel détail que ces photos font également ressurgir des images qui sont aussi les nôtres.
La nostalgie du temps qui passe sur les souvenirs et sur l'âge.
J'ai adoré, malgré le cafard qui m'a envahie une fois la dernière page tournée car c'est un livre contemporain , sans fioritures, substantiel, féminin.
un livre à relire toutes les décennies.
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