Colette Fellous assiste en Tunisie au réveil de la population qui aspire goulument, jour après jour, l'oxygène de la liberté. Est-ce cela ou est-ce d'avoir échappé de peu à un accident sur la voie de chemin de fer où s'était accrochée sa sandale alors que le train arrivait, tout un flot de souvenirs remonte à la surface. Elle se souvient de son enfance, de l'attention des siens tournée vers Georgy, le frère diabétique, de son adolescence forgée dans l'attente de plus en plus vive de rejoindre la métropole et son frère chéri.
Elle retrouve intactes les émotions de ses premières années à Paris, des cours à la Sorbonne, des rencontres dans les cafés, dans la frénésie qui s'empare de sa jeune existence quand tout est initié par ce frère qui joue les mentors en la précipitant vers les lectures, les rencontres, les discussions, les plaisirs... que son jeune âge engloutit avec avidité. Mais l'ombre de ce frère est aussi celle de la maladie, de l
a mort annoncée très tôt, du poison qui se mêle à l'ivresse.
le récit de
Colette Fellous est d'une grande pudeur, mais aussi d'une grande lucidité – celle qu'apportent l'expérience et la maturité. Georgy, en perdant très tôt l'espoir de vivre, a tenté d'immuniser sa petite soeur contre la médiocrité et la mesure au risque de la détruire. Ce frère aimé, chéri, adoré, avait franchi depuis longtemps le seuil des morts et menaçait de l'entraîner avec lui. La perte de cet être, la douleur de la séparation l'ont ramenée du côté des vivants.
Colette Fellous ne s'adresse pas tant à nous qu'à lui, dans un murmure insistant et mélancolique, pour lui dire que la vie l'a choisie, elle, comme elle l'a abandonné, lui, sans qu'il y ait la moindre raison à cela, sinon le destin de chaque être.