Pour ce qui est de la description de ce roman, de ces personnages et du « décor », je trouve que lolo71 a déjà dit tout ce qui était nécessaire de savoir. Seulement, j'aimerais vraiment expliquer ce que j'ai ressenti en lisant ce livre parce qu'en ce qui me concerne, ça n'a été ni tout à fait blanc ni tout à fait noir.
Ce qu'il faut savoir, c'est que quand on commence cette trilogie, je pense réellement qu'il faut s'engager à aller jusqu'au bout et lire les trois livres. Pour être tout à fait honnête, quand j'ai ouvert ce livre, dès les premières lignes j'ai trouvé le style incroyablement pompeux (comme ce qui a déjà été dit dans une autre critique d'ailleurs), surtout dans les descriptions de paysages (il faut dire que je n'aime pas beaucoup les longues descriptions à part chez quelques écrivains). Je n'avais qu'une envie c'était de refermer le livre et d'abandonner là la découverte. Ce qui m'en a empêché, c'est que je lis régulièrement depuis quelques temps seulement, et que je fais absolument tout pour lire même ce qui, a priori, ne m'intéresserait pas si je restais toujours dans ma zone de confort, à lire seulement ce qui est agréable et joli. Et je pense que j'ai bien fait de continuer !
Le paradoxe de cette trilogie, c'est que oui, le sentiment général est qu'on n'a pas besoin de trois pavés pour faire le tour de cette histoire et que très souvent, l'auteur se répète, d'où l'impression de longueur et l'envie de lâcher prise … Mais je pense que c'est seulement quand on arrive vers la fin du troisième tome qu'on se rend compte que tout ce qui a été dit (et peut-être répété) était bien utile et que même les détails qui peuvent nous rebuter à première vue font partie d'un dessein plus grand, que tout a bien été réfléchi et calculé et que chaque livre, chaque ligne a son utilité. En vérité, cette épaisseur, ces répétitions participent à nous ancrer complètement dans cette époque et dans la vie des personnages.
Je ne pourrais pas défendre à tous les coups l'écriture, qui est peut-être un peu pompeuse, c'est vrai, mais cela alterne aussi avec de nombreux passages qui sont très bien écrits et qui arrivent à nous toucher, bien qu'on soit si éloigné en temps et en espace de ces intrigues. le côté fort de ce roman, c'est que les thèmes et les sentiments humains abordés nous concernent toujours aujourd'hui, bien que l'histoire, elle, de l'Autriche-Hongrie, des aristocrates hongrois, et de ce microcosme transylvain, soit tout à fait révolue.
On ne peut pas aborder cette trilogie comme le simple récit des amours contrariés de la noblesse hongroise au début du XXème siècle. Je trouve personnellement que la politique et l'histoire prennent énormément de place et sont loin de se résumer à un arrière-plan.
Clairement, si on n'aime pas l'Histoire, qu'on ne s'intéresse pas du tout à l'Autriche-Hongrie, ou qu'on a du mal avec la politique, cette lecture n'est pas indiquée. Si il y a bien deux personnages principaux au départ qui sont les cousins Bálint et László, dès le second livre l'intrigue se resserre principalement autour de Bálint, qui en plus de gérer des terres héritées en raison de sa noblesse, est parlementaire. Les personnages fictionnels font donc place, entre deux récits, à des personnages bien réels eux, qui sont les politiciens hongrois du début du XXème siècle qui ont assisté et ont en partie été à l'origine du déclenchement de la première guerre mondiale et de la fin de la double monarchie austro-hongroise.
Le côté politique n'est pas toujours facile à suivre, puisqu'il s'agit d'un autre pays et d'une autre époque, mais au final, j'ai vraiment été très contente que l'auteur insiste à ce point-là sur le déroulement de la vie politique. Parce que bien que dans l'intrigue même, elle montre les faiblesses de la monarchie hongroise et les crises qui ont déclenché les malheurs à venir, ces politiciens sont aussi ceux que l'on peut toujours avoir sous les yeux : ceux qui ne sont motivés que par leur propre intérêt, ceux qui sont sacrifiés pour une plus grande cause par leurs propres partisans, ceux qui restent silencieux … Et puis il y a ceux qui, comme Bálint, impuissants ou presque face aux grandes volontés et aux égos démesurés, assistent à un véritable désenchantement, de la population et de l'être humain en général face aux hommes qui, la responsabilité d'une nation tout entière entre leurs mains, déçoivent et déchirent leur pays.
En ce qui concerne, les personnages, c'est vrai qu'ils sont très nombreux et que jusqu'à la fin, on peine un peu à se rappeler qui est qui. Mais ce sont toujours les mêmes qui reviennent et du coup on a quand même des repères, certains qu'on préfère, d'autres qu'on apprécie moins.
Miklós Bànffy s'attarde, bien que moins longuement, sur les personnages secondaires, qui ont tous plus ou moins un lien d'amitié ou de parenté avec les deux personnages principaux Bálint et László .
Et il n'y en a pas que pour les nobles non plus : comme Bálint gère de vastes terres en Transylvanie, on a l'occasion d'entendre parler des villageois, du personnel (ceux qui servent la famille de Bálint ou les autres), des petits personnages de province … Et on peut donc aussi découvrir, certes plus rapidement que pour la noblesse, leurs conditions de vie, leurs préoccupations.
C'est aussi par ce biais qu'on découvre ce qu'est avant tout la monarchie austro-hongroise : un territoire habité par des peuples d'ethnies et de religions tout à fait différentes les unes des autres et qui cohabitent tant bien que mal. La plupart d'entre eux vivent bien ensemble, mais il y a les agitateurs, et surtout la colère qui gronde parce que ceux qui font partie des minorités (Roumains, Tchèques, Serbes, Croates, etc.) sont pratiquement laissés pour compte, toujours moins bien traités que les Autrichiens (qu'on appelle plutôt « Allemands » à cette époque) et que les Hongrois.
Cette lecture ne m'aura peut-être pas enflammée, mais elle m'a apporté beaucoup. C'est une lecture vraiment complète, car même si je n'en parle pas beaucoup ici, l'Homme est bien entendu au centre de cette trilogie, qui nous fait cadeau d'une très belle histoire d'amour et décortique les existences de nombreux êtres chahutés par le destin, comme trop faibles pour supporter la dureté et la fragilité de leur vie sur cette terre. Il y en a pour tous les goûts, un véritable échantillon des traits de caractère, des comportements, des peurs et des interrogations que chacun d'entre nous peut avoir, peu importe l'époque et le pays ! Certains personnages au destin assez tragique m'ont énormément touchée.
Miklós Bànffy est un observateur très attentif de ce qu'on pourrait appeler la misère humaine, il n'en rajoute pas des tonnes et même si il aime bien accentuer les qualités de ses héros, il n'est jamais bien méchant avec les personnages plus noirs ou ambigus.
Ce livre m'a bien évidemment rendue très curieuse par rapport à la Hongrie et son histoire, et je le recommande donc également aux curieux en tout genre, que l'on aime les voyages, l'histoire, ou autre, il y a forcément quelque chose à en retirer.