Comme sœur Emmanuelle, mon arrière-grand-mère avait deux robes : une pour la semaine et une pour le dimanche. Et si elle revenait sur cette terre, et qu'elle pouvait voir un grand centre commercial, je puis vous assurer qu'elle trouverait ces nouveaux temples élevés au dieu de la consommation dégoulinants de bêtise et d'obscénité. Tel est bien pourtant le monde dans lequel nous sommes entrés, pour le meilleur comme pour le pire, et si nous y sommes plongés, c'est bien parce que, derrière la critique des traditions par les bohèmes, c'est le monde bourgeois, le capitalisme moderne qui affleurait, qui soulevait la passion reconstructrice de nos jeunes artistes comme une racine de glycine est capable de soulever un mur de béton, afin que nos entreprises puissent tourner et se développer, que nous sortions enfin d'un monde où la rigidité des valeurs morales et artistiques traditionnelles freinait de toutes parts la logique hédoniste et fluide de la consommation généralisée. En quoi, j'y insiste, derrière la bohème couvait la mondialisation, cet autre nom du capitalisme moderne, ce deuxième trait fondamental du temps présent.
Si connaître et aimer sont, dans la Bible, des synonymes, ce n'est pas, à ce qu'il me semble, par hasard. L'élargissement de l'horizon, par opposition à l'esprit borné, refermé sur sa particularité et toujours jaloux de la préserver, est sans nul doute ce qui nous permet de mieux connaître, et par là même de mieux aimer les autres.
A quoi cela sert-il de vieillir ? Peut-être, justement, à rien d'autre qu'à élargir la vue, à ouvrir l'horizon. Car c'est en inscrivant son expérience particulière dans les formes de l'intersubjectivité - ces lieux universels du sens que sont la vérité, la justice, la beauté et l'amour - que l'individu tout à la fois se singularise et s'humanise.
La sagesse des mythes : la mythologie en BD !