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EAN : 9782707197078
320 pages
La Découverte (04/01/2018)
4.25/5   4 notes
Résumé :

On ne compte plus les livres consacrés aux différentes manifestations de l’Islam politique. Bien plus rares sont les études dédiées aux appareils de sécurité et de répression, dont le poids est pourtant exorbitant dans le monde arabe.

Cet ouvrage, qui fera date, répond à ce besoin de compréhension de telles structures de l’ombre, désignées sous le terme d’« État profond ». Il en éclaire le processus de construction historique, à la faveur du d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La sarabande de la mort menée par les généraux, les gangsters et les jihadistes

Le monde arabe. Hiver 2010-2011, deux dictateurs tombent. « Mais l'effondrement du « mur de la peur » dans le monde arabe fut loin de susciter en Europe l'élan de solidarité qui avait suivi la chute de « mur de Berlin » en 1989 ». Empêtrés dans un orientalisme persistant et une vision campiste du monde, certain·es n'hésitaient pas et n'hésitent pas à soutenir les dictatures au nom d'un moindre mal (pour qui ?). « L'épouvantail islamiste était agité pour mieux justifier une contre-révolution débridée et refermer au plus tôt la parenthèse démocratique. le monde semblait prêt à sacrifier les droits des peuples arabes sur l'autel de la stabilité de la région à tous égards stratégiques ».

Dans son introduction, Jean-Pierre Filiu aborde les questions de « révolution et de contre-révolution », les facteurs internes et externes qui n'ont le plus souvent fait qu'« ajouter les ruines à l'horreur ». Refusant les oppositions sommaires, il analyse une véritable triade « généraux, gangsters et jihadistes », les fonctionnements de ce qu'il nomme l'« Etat profond », les réponses contre-révolutionnaires à « une dynamique panarabe de protestation radicale », la brutalité des despotes, « leur férocité et leur capacité à brûler littéralement leur pays pour ne rien céder de leur pouvoir absolu ». L'auteur propose une « étude des dynamiques d'une répression vouée à liquider le moindre espoir de changement et à associer la tentation révolutionnaire au pire cauchemar ». Jean-Pierre Filiu présente enfin les différents chapitres du livre.

Il ne s'agit pas d'un livre sur l'histoire des mouvements sociaux ou des constructions institutionnelles, mais bien comme indiqué en sous titre d'une « Histoire de la contre-révolution arabe ».

Au fil des chapitres, Jean-Pierre Filiu présente des mises en contexte historique, des analyses sur les forces dirigeantes des Etats, les bas-fonds de ces Etats – ce qu'il nomme l'Etat profond (cette structure de pouvoir parallèle échappant aux autorités démocratiques) -, les pratiques derrière les discours, les confiscations et les prédations, les stratégies de contrôle sur les populations, l'ancrage profond des structures répressives dans les sociétés concernées, etc.

Je souligne le chapitre sur « le mythe des « pères de la nation » », l'approche patrimoniale du pays, la vision paternaliste du peuple, « la certitude que les intérêts suprêmes de la nation ne peuvent être pleinement défendus par de simples élus », la prétention au « droit inné de décider »…

Les analogies historiques permettent de mettre l'accent sur certains éléments mais gomment le plus souvent les spécificités des arrangements socio-historiques. La référence aux « Mamelouks » de l'Egypte des XIIIème au début du XVIème siècle permet d'appréhender les fonctionnements des « systèmes de sécurité » mais moins leurs insertions dans le fonctionnement plus global des rapports socio-économiques.

Je souligne une hypothèse de l'auteur concernant la Nahda (la Renaissance arabe) et des deux idéologies d'Etat qui l'on combattu, « le kémalisme fondateur de la Turquie moderne et le wahhabisme constitutif de l'Arabie saoudite ». Cette mise en relation de régimes souvent présentés comme opposés ouvre, à mes yeux, de riches perspectives d'étude.

Jean-Pierre Filiu analyse l'histoire des luttes de pouvoir en particulier en Algérie, en Egypte, en Syrie et au Yémen, la réécriture de « la geste nationaliste », les appareils répressifs et la place des institutions militaires, le pillage et l'appropriation de ressources naturelles (la notion d'état patrimonial développé par Gilbert Achcar me semble importante). L'auteur insiste sur la « décennie noire » en Algérie.

Si les conséquences de la rente pétrolière sont souvent développées, l'auteur souligne la place de la « rente géopolitique », la relation triangulaire entre ces Etats, les Etats-Unis et Israël derrière les discours à multiples facettes, les flux financiers en particulier pour l'armement (« Toute guerre a un coût, surtout quand elle est livrée à une partie de la population locale stigmatisée comme « terroriste » et/ou « séparatiste ». C'est pourquoi les conflits apparemment sans fin qui déchirent le monde arabe ne peuvent être interprétés sans une analyse lucide de leur infrastructure de, financement, dans une économie de guerre devenue souvent une fin en soi. »), le rôle du contrôle de l'immigration vers l'Europe. Les alliances réelles montrent la particpation des Etats dans la chaine mondialisée dominée par l'impérialisme (Le beau chapitre « Les fossoyeurs de la Palestine » en souligne un dramatique exemple), la place de l'« antiterrorisme » comme ressource stratégique…

Il reste nécessaire de revenir sur les conséquences de l'invasion de l'Irak par les USA en 2003, la « guerre globale contre la terreur » (dédouanant les USA, les autres puissances et les multiples dictatures des politiques d'assassinats ciblés et les politiques de terreur active menée contre les populations).

Syrie, Yemen, les horreurs dictatoriales et les menaces djihadistes, la contre-révolution favorisant et nourrissant Al-Qaida puis Daech. le refus de soutien aux révolutionnaires syriens Et les mille inventions pour soutenir le régime dictatorial de Bachar al-Assad. Les crimes de la dictature et le califat de la terreur – dont la « campagne d'Europe » de Daech…

Egypte, un exemple abouti de la contre-révolution, la recomposition et la mobilisation de l'« Etat profond »…

Certains éléments me paraissent très discutables, en particulier sur la portée des ruptures dans les « compromis » en Tunisie, cette mal-nommée « alternative tunisienne ». Mais au final, à coté des ouvrages de Gilbert Achcar cités ci-dessous, ce livre, loin des manichéismes et des réductions campistes, permet de mieux saisir certaines dynamiques dans cette région du monde. Et contrairement aux affirmations de certain·es ni les gouvernements en place ni les djihadistes ne sont des formes anti-impérialistes ou d'émancipation. Aujourd'hui, les mobilisations (ouvrières, paysannes, de la jeunesse et des femmes), les aspirations à l'émancipation individuelle et collective se heurtent au cynique « chaos » comme « alternative à la démocratie ». Jean-Pierre Filiu souligne à juste titre que « Dans cette région, pas plus qu'ailleurs, les despotes ne seront jamais une partie de la solution, car ils demeurent au coeur du problème ». Analyser les dynamiques contre-révolutionnaires, souligner la force des aspirations aux changement (« La deuxième vague de démocratisation fut dès lors portée par des évolutions en profondeur des sociétés concernées plutôt que par le contexte international : une nouvelle génération arabe descendit dans la rue pour exiger la fin du nizâm, ce terme désigne à la fois le « régime » en place et le « système » corrompu et répressif qui lui est adossé ») reste bien une des conditions pour stopper « la sarabande de la mort » des généraux, des gangsters, des jihadistes et de leurs financiers.
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Edifiant. Avec un grand souci de pédagogie, l'auteur revisite les deux dernières décennies tragiques du monde arabe. Il démonte les mécanismes mis en oeuvre par les dictateurs, traine-sabres et autres crapules étatiques mettent à leurs services les richesses et ressources de leurs pays, avec la neutralité ou la complicité des états occidentaux, russe et planétaires. Un grand livre pour comprendre le monde où nous vivons et qui ne se referme qu'avec un grand pessimisme. Souvenons-nous pour rigoler, tristement, des écrits des plumitifs de service s'extasiant des “printemps arabesˮ, les mêmes qui ciraient les pompes d'Obama, un des pires acteurs de géopolitiques mondiales, à citer dans le Guinness des renoncements.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Mais l’effondrement du « mur de la peur » dans le monde arabe fut loin de susciter en Europe l’élan de solidarité qui avait suivi la chute de « mur de Berlin » en 1989
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Toute guerre a un coût, surtout quand elle est livrée à une partie de la population locale stigmatisée comme « terroriste » et/ou « séparatiste ». C’est pourquoi les conflits apparemment sans fin qui déchirent le monde arabe ne peuvent être interprétés sans une analyse lucide de leur infrastructure de, financement, dans une économie de guerre devenue souvent une fin en soi.
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La deuxième vague de démocratisation fut dès lors portée par des évolutions en profondeur des sociétés concernées plutôt que par le contexte international : une nouvelle génération arabe descendit dans la rue pour exiger la fin du nizâm, ce terme désigne à la fois le « régime » en place et le « système » corrompu et répressif qui lui est adossé
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L’épouvantail islamiste était agité pour mieux justifier une contre-révolution débridée et refermer au plus tôt la parenthèse démocratique. Le monde semblait prêt à sacrifier les droits des peuples arabes sur l’autel de la stabilité de la région à tous égards stratégiques
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Dans cette région, pas plus qu’ailleurs, les despotes ne seront jamais une partie de la solution, car ils demeurent au cœur du problème
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Vidéo de Jean-Pierre Filiu
Jeudi 7 mars 2024, les négociations entre Israël et le Hamas pour l'organisation d'une trêve se sont soldées par un échec. La perspective d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza semble de plus en plus incertaine. Une paix durable peut-elle encore être imaginée ? Quels en seraient les contours ?
Pour en parler, Emmanuel Laurentin reçoit : Sylvaine Bulle, sociologue Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain Jean-Marie Guéhenno, diplomate, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies et professeur à l'université Columbia (New York)
Visuel de la vignette : Mohammed Abed / AFP
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