Paru en Livre de Poche en juin 2014, « La chute des géants » (en anglais, Fall of Giants) est une saga monumentale écrite par
Ken Follett. L'ouvrage ayant déjà suscité un nombre impressionnant de chroniques sur Babelio, je vais tâcher de faire court.
En toile de fond du livre, il y a la première guerre mondiale et le destin de personnages hors du commun, des personnages aux caractères tranchés, appartenant à des familles résidant dans les grandes puissances de l'époque. Ces cinq familles (américaine, russe, allemande, anglaise et galloise) « vont se croiser, s'unir et se déchirer ». Dans cette fresque -qui mêle l'implication de personnalités historiques tout à fait réelles, ayant ici ou là joué un rôle justement rapporté par l'auteur, et le trajet individuel des membres de ces cinq familles-
Ken Follett dépeint le délire et la violence dans lesquels ont sombré l'Europe puis une partie du monde, dans une spirale où drames, attentes et incertitudes du lendemain se succédaient à un rythme vertigineux. Les détails de cette fresque ne trompent pas : tout ceci n'est que prétexte pour nous donner à réfléchir à certaines problématiques, à savoir et en vrac : le rôle de la diplomatie (réduite ici à une sordide affaire de sombres tractations où l'homme passe vite au second plan), le périmètre dédié à l'action syndicale (ici, sur fond d'exploitation du charbon et de condition misérable des mineurs), la place et les droits de la femme dans la société (avec un petit rappel sur les suffragettes anglaises), l'attitude à adopter face à la montée des extrémismes politiques (sur fond de revendications populaires ou nationalistes), les tenants et les aboutissants de toute réussite sociale (à un moment où l'aristocratie est sur le déclin) ...
Le propos n'est globalement ni puissant, ni doctrinal :
Ken Follett fait dans la simplicité et la facilité. La fluidité du style y est évidemment pour quelque chose. Les portraits sont intéressants (on notera que Maud et Ethel sont toutes deux femmes de convictions et de caractère) et on a réellement envie de poursuivre sa lecture. Il y a une certaine habileté de l'auteur à avoir alterné histoires individuelles et leçon d'Histoire. Les aventures de chacun suscitent de l'intérêt, tant par leur côté vivant que par leur diversité.
Ken Follett prend le soin d'équilibrer les 'temps de parole' entre les ouvriers et l'aristocratie, quelle que soit la nationalité des protagonistes. En prime, vous avez des intrigues, de l'action et des sentiments. Vous avez entre les mains un évènement complexe, la grande guerre, vue sous divers angles : un vrai caléidoscope, comme l'ont souligné beaucoup de lecteurs. Bref, l'ouvrage (qu'on peut résumer à "Histoires d'amour sur fond de guerre") parait documenté, divertissant, attachant et même instructif.
Des faiblesses : la longueur de l'ouvrage (plus de 1000 pages), un démarrage un peu fastidieux, des rencontres faussement fortuites et assez artificielles (l'exemple de cet émigré russe qui part aux États-Unis et qui emménage dans la ville où il retrouve le seul américain qu'il avait croisé en Russie un an avant de partir), des portraits stéréotypés à la limité du manichéisme, le silence assourdissant sur l'implication de certaines nations (française, belge) dans cette guerre, des scènes de sexe courtes mais crues qui n'étaient pas franchement indispensables, quelques longueurs (notamment sur les rebondissements des histoires d'amour des uns et des autres), trop de détails (notamment sur la révolution russe), trop peu d'analyses (on est dans la relation historique, pas dans l'explication de texte), une forme classique manquant d'originalité et un côté « mécanique » dans la production de cet ouvrage, côté qui n'a pas échappé à une partie de la critique.
Pour ce « page turner », je mets donc trois étoiles.