En 1831, Gautier revient à la poésie et compose Albertus ou l'Âme et le Péché, des vers où il convoque toutes sortes de créatures fantastiques et infernales.
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I
Sur le bord d’un canal profond dont les eaux vertes
Dorment, de nénufars et de bateaux couvertes,
Avec ses toits aigus, ses immenses greniers,
Ses tours au front d’ardoise où nichent les cigognes,
Ses cabarets bruyants qui regorgent d’ivrognes,
Est un vieux bourg flamand tel que les peint Teniers.
— Vous reconnaissez-vous ? — Tenez, voilà le saule,
De ses cheveux blafards inondant son épaule
Comme une fille au bain ; l’église et son clocher,
L’étang où des canards se pavane l’escadre ;
Il ne manque vraiment au tableau que le cadre
Avec le clou pour l’accrocher.
II
Confort et farniente ! — Toute une poésie
De calme et de bien-être, à donner fantaisie
De s’en aller là-bas être flamand ; d’avoir
La pipe culottée et la cruche à fleurs peintes,
Le vidrecome large à tenir quatre pintes,
Comme en ont les buveurs de Brauwer, et le soir
Près du poêle qui siffle et qui détonne, au centre
D’un brouillard de tabac, les deux mains sur le ventre,
Suivre une idée en l’air, dormir ou digérer,
Chanter un vieux refrain, porter quelque rasade,
Au fond d’un de ces chauds intérieurs, qu’Ostade
D’un jour si doux sait éclairer !
III
À vous faire oublier, à vous, peintre et poëte,
Ce pays enchanté dont la mignon de Goethe,
Frileuse, se souvient, et parle à son Wilhem ;
Ce pays du soleil où les citrons mûrissent,
Où de nouveaux jasmins toujours s’épanouissent :
Naples pour Amsterdam, le lorrain pour Berghem ;
À vous faire donner pour ces murs verts de mousses
Où Rembrandt, au milieu de ces ténèbres rousses,
Fait luire quelque Faust en son costume ancien,
Les beaux palais de marbre aux blanches colonnades,
Les femmes au teint brun, les molles sérénades,
Et tout l’azur vénitien !
Lecteur, sans hyperbole elle était vraiment belle,
— Très-belle ! — C’est-à-dire elle paraissait telle,
Et c’est la même chose. — Il suffit que les yeux
Soient trompés, et toujours ils le sont quand on aime.
— Le bonheur qui nous vient d’un mensonge est le même
Que s’il était prouvé par l’algèbre. — Être heureux,
Qu’est-ce ? Sinon le croire et caresser son rêve,
Priant Dieu qu’ici-bas jamais il ne s’achève ;
Car la foi seule peut nous faire voir le ciel
Dans l’exil de la vie, et ce désert du monde
Où la félicité sur le néant se fonde,
Et le malheur sur le réel.
Chauves-souris, hiboux, chouettes, vautours chauves,
Grands-ducs, oiseaux de nuit aux yeux flambants et fauves,
Monstres de toute espèce et qu’on ne connaît pas,
Stryges au bec crochu, goules, larves, harpies,
Vampires, loups-garous, brucolaques impies,
Mammouths, léviathans, crocodiles, boas,
Cela grogne, glapit, siffle, rit et babille,
Cela grouille, reluit, vole, rampe et sautille ;
Le sol en est couvert, l’air en est obscurci.
Le tam-tam caverneux, comme un tonnerre gronde ;
Un lutin jovial, gonflant sa face ronde,
Sonne burlesquement de deux cors à la fois.
Celui-ci frappe un gril, et cet autre en goguettes
Prend pour tambour son ventre et deux os pour baguettes.
Quatre petits démons, sous un archet de fer,
Font ronfler et mugir quatre basses géantes.
Un gras soprano tord ses mâchoires béantes.
C’est un charivari d’enfer !
En 1834, Balzac imagine et commande une canne somptueuse à l'orfèvre parisien le Cointe.
La « pomme » en or, finement ciselée des armoiries des Balzac d'Entraigues, qui n'ont aucun lien avec l'écrivain, est ornée d'une constellation de turquoises, offertes par sa bien-aimée Mme Hanska.
Cette canne est excessive en tout, et très vite, elle fait sensation parmi journalistes et caricaturistes. C'est la signature excentrique de l'écrivain, la preuve visible et provocante de son énergie et de sa liberté, imposant sa prestance au milieu de la société des écrivains. Pour Charlotte Constant et Delphine de Girardin, amies De Balzac, la canne est investie d'un pouvoir magique…
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Direction éditoriale
Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Direction scientifique
Jean-Didier Wagneur
Scénario, recherche iconographique et suivi de production
Sophie Guindon, chargée d'édition multimédia, BnF
Réalisation
Vagabondir
Enregistrement, musique et sound design
Mathias Bourre et Andrea Perugini, Opixido
Voix
Geert van Herwijnen
Crédits iconographiques
Collections de la BnF
© Bibliothèque nationale de France
Images extérieures :
Projet d'éventail : l'apothéose De Balzac
Grandville, dessinateur, entre 1835 et 1836
Maison de Balzac, BAL 1990.1
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
La canne De Balzac
Orfèvre le Cointe, 1834
Maison de Balzac, BAL 186
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Sortie des ouvrières de la maison Paquin, rue de la Paix
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1662
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
La pâtisserie Gloppe, avenue des Champs-Elysées
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1733
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Balzac à la canne
Illustration pour Courtine, Balzac à table, Paris, Robert Laffont, 1976
Maison de Balzac, B2290
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac, croquis d'après nature
Théophile Gautier, 1830
Maison de Balzac, BAL 333
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Portrait-charge de Balzac
Jean Pierre Dantan, sculpteur, 1835
Maison de Balzac, BAL 972
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Honoré de Balzac
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 252
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac en canne
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 253
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Comtesse Charlotte von Hardenberg
Johann Heinrich Schroeder (Boris Wilnitsky)
Droits réservés
Delphine Gay (Portrait de Delphine de Girardin)
Louis Hersent, 1824
Musée de l'Histoire de France
© Palais de Versailles, RF 481
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