Aussitôt que le jeune homme aperçoit sa fiancée, il tend les bras vers elle et s’élance pour aller la rejoindre, mais tous ses efforts pour approcher de la blanche vision sont impuissants ; la charmante apparition se dérobe toujours par quelque moyen magique ; tantôt vive comme un oiseau, elle monte avec des ailes de sylphide au sommet des plus grands arbres, tantôt elle prend les brodequins verts de l'ondine pour courir sans les courber sur la pointe des roseaux, et suivre la volute argentée de la vague sur la rive. François tâche de l’atteindre, et toujours il arrive trop tard : quand Pâquerette est à droite, François est à gauche ; c’est un chassé-croisé plein de fuites et de détours charmants ; enfin, pour suprême effort, il gravit un rocher dont la pointe s’allonge démesurément ; il va saisir la fugitive, mais le pied lui manque, il perd l’équilibre et tombe au milieu du lac. — Cette chute dans le rève a son contre-coup dans la réalité, le dormeur se réveille.
— J’ai rêvé, dit il en se frottant les yeux et en se dressant de son banc.
Les paysans rentrent, pensant que le vielleur doit être assez reposé.
— Maintenant que vous avez dormi, vous allez nous faire danser, disent les jeunes filles impatientes, en lui présentant sa vielle.
Comme François se dispose à les satisfaire, on entend au loin un son de trompette.
À ce son bien connu, François effrayé dresse l’oreille et rejette son instrument sur son dos.
— Cette trompette annonce des soldats, il faut que je parte.
— Pourquoi les craignez-vous ? disent les paysans.
— Je ne les crains pas, mais je suis obligé de continuer ma route, répond François.
— Nous ne vous laisserons pas partir ainsi, s’écrient les jeunes filles en entourant François ; il faut d’abord que nous dansions.
Pendant ces débats, le maréchal des logis Bridoux et les cavaliers qu’il commande entrent dans l’auberge.
Le malheureux et ridicule Job Durfort, venu si maladroitement à la caserne, au moment de l’évasion de son remplaçant, fait partie de l’escouade ; il a l’air tout empêtré et tout gauche dans son harnais militaire, et il emmêle à chaque pas ses grandes jambes avec son sabre ; sa mine pâle, abattue, fatiguée, montre qu’il n’est pas né pour être un fils de Mars, et montre de douloureux souvenirs de la maison paternelle.
— Nous cherchons un soldat du régiment, qui a pris la fuite, dit Bridoux en s’adressant à l’aubergiste, à qui il donne le signalement du déserteur. — L’avez-vous vu ?
— Non, répond l’hôtelier au maréchal des logis. Pendant cette scène, François s’est assis à l’écart et tâche d’échapper aux regards de ses anciens compagnons d’armes.
Pâquerette, parvenue enfin à l’endroit du rendez-vous, entre dans l’auberge assez mal à propos, car, ainsi que le fait judicieusement remarquer Bridoux : « Quand on voit la maîtresse, l’amant ne doit pas être loin. » Attendons ici, l’alouette viendra d’elle-même se prendre au miroir ; puis, apercevant le joueur de vielle dans son coin, il l’amène au milieu de la scène en le toisant curieusement et lui ordonne de charmer les oreilles de l’assistance par les sons mélodieux de sa musique.
François, qui a eu soin de se faire reconnaître de Pâquerette par quelque signe pour qu’elle ne soit pas la dupe de la fausse nouvelle qu’il va débiter, dit à Bridoux. — Vous cherchez un soldat qui s’est échappé ?
— Oui, — tu l’as vu ? demande avidement le militaire.
— Je l’ai vu, il est mort, répond François.
— Mort ! s’écrie Bridoux d’un air incrédule.
— Oui, et il m’a donné cette croix d’or en me chargeant de la remettre à sa fiancée, puis il s’est noyé sans qu’il me fût possible de lui porter secours, car je ne sais pas nager.
En 1834, Balzac imagine et commande une canne somptueuse à l'orfèvre parisien le Cointe.
La « pomme » en or, finement ciselée des armoiries des Balzac d'Entraigues, qui n'ont aucun lien avec l'écrivain, est ornée d'une constellation de turquoises, offertes par sa bien-aimée Mme Hanska.
Cette canne est excessive en tout, et très vite, elle fait sensation parmi journalistes et caricaturistes. C'est la signature excentrique de l'écrivain, la preuve visible et provocante de son énergie et de sa liberté, imposant sa prestance au milieu de la société des écrivains. Pour Charlotte Constant et Delphine de Girardin, amies De Balzac, la canne est investie d'un pouvoir magique…
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Direction éditoriale
Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Direction scientifique
Jean-Didier Wagneur
Scénario, recherche iconographique et suivi de production
Sophie Guindon, chargée d'édition multimédia, BnF
Réalisation
Vagabondir
Enregistrement, musique et sound design
Mathias Bourre et Andrea Perugini, Opixido
Voix
Geert van Herwijnen
Crédits iconographiques
Collections de la BnF
© Bibliothèque nationale de France
Images extérieures :
Projet d'éventail : l'apothéose De Balzac
Grandville, dessinateur, entre 1835 et 1836
Maison de Balzac, BAL 1990.1
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
La canne De Balzac
Orfèvre le Cointe, 1834
Maison de Balzac, BAL 186
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Sortie des ouvrières de la maison Paquin, rue de la Paix
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1662
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
La pâtisserie Gloppe, avenue des Champs-Elysées
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1733
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Balzac à la canne
Illustration pour Courtine, Balzac à table, Paris, Robert Laffont, 1976
Maison de Balzac, B2290
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac, croquis d'après nature
Théophile Gautier, 1830
Maison de Balzac, BAL 333
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Portrait-charge de Balzac
Jean Pierre Dantan, sculpteur, 1835
Maison de Balzac, BAL 972
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Honoré de Balzac
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 252
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac en canne
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 253
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Comtesse Charlotte von Hardenberg
Johann Heinrich Schroeder (Boris Wilnitsky)
Droits réservés
Delphine Gay (Portrait de Delphine de Girardin)
Louis Hersent, 1824
Musée de l'Histoire de France
© Palais de Versailles, RF 481
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