Scène I.
La chambre d’Alix et de Blancheflor.
ALIX.
J’ai beau travailler, ma sœur, je n’aurai jamais fini de broder cette chape pour le saint jour de Pâques.
BLANCHEFLOR.
Je t’aiderai, ma très chère Alix, et avec la grâce de Dieu nous arriverons à temps. Voici que j’ai fini la couronne que je tresse à la sainte Vierge avec des grains de verre et de la moelle de roseau.
ALIX.
J’ai encore à faire tout ce grand pavot aux larges feuilles écarlates. J’ai bien sommeil, mes yeux sont pleins de sable, la trame du canevas s’embrouille, s’embrouille, la lampe jette des lueurs douteuses, l’aiguille s’échappe de mes doigts ; je m’endors…
L’ANGE GARDIEN.
Mon enfant, mon Alix, tâche de te réveiller ; tu n’as pas fait ta prière ce soir.
ALIX.
Pater noster, qui es in cœlis…
BLANCHEFLOR.
Je m’en vais te délacer et te coucher ; tu rêves tout debout. Après je me déshabillerai moi-même et dormirai à mon tour.
L’ANGE GARDIEN.
La voilà presque nue ; on dirait une des statues d’albâtre de la cathédrale à la voir si blanche et si diaphane ; elle est si belle que j’en deviendrais amoureux, tout ange que je suis, si je continuais à la regarder plus longtemps. Ce n’est pas la première fois que les fils du ciel se sont épris des filles des hommes. Voilons nos yeux avec le bout de nos ailes.
BLANCHEFLOR.
Bonne nuit, Alix.
ALIX.
Blancheflor, bonne nuit.
PREMIER ANGE GARDIEN.
Elles dorment dans leur petit lit virginal comme deux abeilles au cœur d’une rose. Soufflons la lampe et remontons là haut faire notre rapport au Père éternel.
SECOND ANGE GARDIEN.
Frère, attends encore un peu ; n’as-tu pas remarqué comme la pauvre Alix avait ses beaux yeux tout rouges à force de travailler. Je veux lui achever son pavot afin qu’elle ne se fatigue plus la vue, et que messire Yvon, le chapelain, puisse mettre sa chape neuve à la grand’messe du jour de Pâques.
PREMIER ANGE GARDIEN.
Je le veux bien, mais prends garde de te piquer les doigts avec l’aiguille.
Autour du château il y avait un beau parc.
Dans le parc il y avait des oiseaux de toutes sortes : rossignols, merles, fauvettes ; tous les oiseaux de la terre s’étaient donné rendez-vous dans le parc.
Au printemps, c’était un ramage à ne pas s’entendre : chaque feuille cachait un nid, chaque arbre était un orchestre. Tous les petits musiciens emplumés faisaient assaut à qui mieux mieux. Les uns pépiaient, les autres roucoulaient ; ceux-ci faisaient des trilles et des cadences perlées, ceux-là découpaient des fioritures ou brodaient des points d’orgue : de véritables musiciens n’auraient pas si bien fait.
Mais dans le château il y avait deux belles cousines qui chantaient mieux à elles deux que tous les oiseaux du parc ; l’une s’appelait Fleurette et l’autre Isabeau. Toutes deux étaient belles, désirables et bien en point, et, les dimanches, quand elles avaient leurs belles robes, si leurs blanches épaules n’eussent pas montré qu’elles étaient de véritables filles, on les aurait prises pour des anges ; il n’y manquait que les plumes. Quand elles chantaient, le vieux sire de Maulevrier, leur oncle, les tenait quelquefois par la main, de peur qu’il ne leur prît la fantaisie de s’envoler. […]
Elles passaient leur temps à jeter de la graine aux petits oiseaux, à dire leurs prières, et principalement à étudier les œuvres des maîtres, et à répéter ensemble quelque motet, madrigal, villanelle, ou telle autre musique ; elles avaient aussi des fleurs qu’elles arrosaient et soignaient elles-mêmes. Leur vie s’écoulait dans ces douces et poétiques occupations de jeune fille ; elles se tenaient dans l’ombre et loin des regards du monde, et cependant le monde s’occupait d’elles. Ni le rossignol, ni la rose ne se peuvent cacher ; leur chant et leur odeur les trahissent toujours. Nos deux cousines étaient à la fois deux rossignols et deux roses.
En 1834, Balzac imagine et commande une canne somptueuse à l'orfèvre parisien le Cointe.
La « pomme » en or, finement ciselée des armoiries des Balzac d'Entraigues, qui n'ont aucun lien avec l'écrivain, est ornée d'une constellation de turquoises, offertes par sa bien-aimée Mme Hanska.
Cette canne est excessive en tout, et très vite, elle fait sensation parmi journalistes et caricaturistes. C'est la signature excentrique de l'écrivain, la preuve visible et provocante de son énergie et de sa liberté, imposant sa prestance au milieu de la société des écrivains. Pour Charlotte Constant et Delphine de Girardin, amies De Balzac, la canne est investie d'un pouvoir magique…
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Direction éditoriale
Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Direction scientifique
Jean-Didier Wagneur
Scénario, recherche iconographique et suivi de production
Sophie Guindon, chargée d'édition multimédia, BnF
Réalisation
Vagabondir
Enregistrement, musique et sound design
Mathias Bourre et Andrea Perugini, Opixido
Voix
Geert van Herwijnen
Crédits iconographiques
Collections de la BnF
© Bibliothèque nationale de France
Images extérieures :
Projet d'éventail : l'apothéose De Balzac
Grandville, dessinateur, entre 1835 et 1836
Maison de Balzac, BAL 1990.1
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
La canne De Balzac
Orfèvre le Cointe, 1834
Maison de Balzac, BAL 186
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Sortie des ouvrières de la maison Paquin, rue de la Paix
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1662
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
La pâtisserie Gloppe, avenue des Champs-Elysées
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1733
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Balzac à la canne
Illustration pour Courtine, Balzac à table, Paris, Robert Laffont, 1976
Maison de Balzac, B2290
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac, croquis d'après nature
Théophile Gautier, 1830
Maison de Balzac, BAL 333
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Portrait-charge de Balzac
Jean Pierre Dantan, sculpteur, 1835
Maison de Balzac, BAL 972
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Honoré de Balzac
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 252
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac en canne
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 253
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Comtesse Charlotte von Hardenberg
Johann Heinrich Schroeder (Boris Wilnitsky)
Droits réservés
Delphine Gay (Portrait de Delphine de Girardin)
Louis Hersent, 1824
Musée de l'Histoire de France
© Palais de Versailles, RF 481
+ Lire la suite