Le dictionnaire de Monsieur Jean-François Sirinelli et de Madame Claude Gauvard est un outil extraordinaire et inépuisable. Sa clarté limpide, malgré la largeur du champ et la profondeur des vues embrassées - Claude Gauvard déclare avoir connu des moments de découragement face à l'ampleur du projet, et on la comprend! - en fait un instrument accessible à tous, et néanmoins très utile aux spécialistes. L'article "Féodalité" l'illustre de manière exemplaire: en expliquant tout avec la plus parfaite exactitude en moins de trois pages, en rendant tout compréhensible (les nuances, les rivalités d'écoles et leurs justifications, les invariants idéologiques qui les traversent), il permet de comprendre ce qu'est la féodalité et, par la différence, ce qu'elle n'est pas. Aux spécialistes, le Dictionnaire donne des pistes quelquefois inexplorées. Je n'aurais jamais envisagé un tel tour de force qui s'étend à toutes les entrées, et pourtant, j'ai la chance d'avoir pu assister aux derniers cours de Claude Gauvard, il y a quelques années à Panthéon. J'aurais dû me douter qu'elle produirait un ouvrage qui tranche sur la médiocrité ambiante. A moins que tout ne s'effondre définitivement, il n'est pas très difficile de prédire que le "Gauvard & Sirinelli" deviendra rapidement une référence obligée.
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Chez les historiens médiévistes, qui en restent les principaux utilisateurs, la notion de féodalité renvoie schématiquement à trois usages différents. Un usage traditionnel (François-Louis Ganshof, Robert Boutruche), politique et juridique, désigne par féodalité les liens féodo-vassaliques, c'est-à-dire les relations hiérarchisées internes à l’aristocratie, fondées sur la fidélité (manifestée par le serment, auquel s'ajoute parfois le rituel de l'hommage), l'échange de services (la protection, l'aide et le conseil) et la possession partagée d'un fief (à la fois bien foncier et ensemble de droits seigneuriaux), entre seigneurs et vassaux. Cette organisation de la classe dominante constituerait la caractéristique majeure de la société européenne médiévale, pour certains dès l'époque carolingienne, pour d'autres plus tard, à l'âge justement désigné comme féodal. C'est cet usage traditionnel de la notion qui a fait l'objet du plus grand nombre de critiques, d'abord de la part d'historiens plus sensibles à la primauté du rapport de domination seigneurial sur les paysans (Rodney Hilton, Georges Duby, Robert Fossier), ensuite de la part d'historiens influencés par l'anthropologie et plus attentifs aux modalités non féodales de la régulation sociale à l'échelle des sociétés locales (Fredric Cheyette, Patrick Geary, Stephen White, Dominique Barthélemy) ou aux solidarités coutumières à l'échelle des royaumes (Susan Reynolds). Un deuxième usage, plus large et plus fréquent depuis les travaux de Marc Bloch et Georges Duby recourt au terme féodalité ou à l'expression société féodale pour définir une société où la domination sur la terre et les hommes est exercée à l'échelle locale au profit d'une aristocratie à la fois foncière et guerrière, laïque et ecclésiastique, à l'écart de toute souveraineté de type étatique. Dans ce cadre, la féodalité au sens traditionnel n'est plus que l'un des instruments de la reproduction de la domination aristocratique parmi d'autres, telles que la guerre vicinale, la culture de la faide ou l'élaboration de systèmes de représentations spécifiques comme « l'idéologie des trois ordres”. Un troisième usage (Guy Bois, Ludolf Kuchenbuch. Chris Wickham), souvent d'inspiration marxiste, emploie indifféremment féodalité ou féodalisme pour caractériser un régime social fondé sur l'appropriation du surproduit paysan par la classe aristocratique (laïque et ecclésiastique) à travers le grand domaine puis la seigneurie. Dans ce cadre aussi la féodalité au sens traditionnel est généralement considélée comme la principale modalité de redistribution de la « rente seigneuriale » au sein du groupe dominant (Pierre Bonnassie). Des considérations chronologiques variées sont associées à chacune de ces conceptions de la féodalité, les unes englobant l'ensemble de la période médiévale. de la chute de l'Empire romain à l'avènement des États modernes (tantôt situé aux XIVe- XVIe siècles, tantôt repoussé au XVIIIe siècle), les autres une période plus restreinte censée correspondre à la dissolution maximale de l'autorité publique entre l’effondrement de l’Empire carolingien et le renouveau monarchique capétien au XIIe siècle.
À l'occasion de la 26ème édition des "Rendez-vous de l'Histoire" à Blois, Claude Gauvard vous présente son ouvrage "Passionnément Moyen Age : plaidoyer pour le petit peuple" aux éditions Tallandier.
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