Et toi, comment vas-tu ?

‌Merci à Babelio et aux éditions des Femmes pour l'envoi de ce livre lors de la dernière masse critique !

Cet ouvrage nous propose une alternance de courtes scènes : Vivianne au chevet de sa mère mourante, puis des moments des vies de l'héroïne, de sa mère Marianne, de sa grand-mère Réjeanne et de son aïeule Anne au XVIIe siècle, lorsque celles-ci sont âgées de cinq, dix, quinze, vingt ans, puis sont mères, et enfin grand-mères.
A travers des instants de vie, l'autrice nous propose aussi des fragments de l'histoire du Canada et surtout du Québec ; à ce titre, l'histoire d'Anne, jeune orpheline élevée dans un couvent parisien et dotée par Louis XIV pour aller peupler la Nouvelle-France, m'a particulièrement intéressée.

Si j'ai trouvé le récit qui sert de fil conducteur (les derniers instants de Marianne à l'hôpital, du point de vue de sa fille) particulièrement émouvant, j'ai eu plus de mal à m'attacher aux personnages des autres récits. En raison du format très court des scènes et de la multiplication des héroïnes, il m'a été difficile de retenir qui était qui et de trouver une véritable profondeur aux personnages, particulièrement au début de ma lecture.

Mais cet ouvrage de Lise Gauvin, que je connaissais en tant que linguiste et dont on retrouve ici en filigrane l'engagement féministe et en faveur de la langue française telle que parlée au Québec, reste une découverte intéressante !

Lise Gauvin est une autrice québécoise récipiendaire de presque tous les prix littéraires existants dans la francophonie. J'ai étudié la littérature francophone et je ne la connaissais pas. Je m'attendais donc à un style flamboyant, poétique, extraordinaire quoi, mais non. le roman est très intéressant mais le style est plat. Bref, passons à l'histoire.
Vivianne accompagne sa mère Marianne en soins palliatifs. Pendant l'attente, Viviane repense aux femmes de sa famille, Anne la fille Du Roy, la matriarche, l'ancêtre, Marianne et Réjane. Anne, orpheline des hospices de Paris a quitté la France pour la Nouvelle au 17e siècle sans savoir ce qu'il l'attendait, pour se marier, fonder une famille et développer la colonie américaine. Car Et toi comment vas-tu? de Lise Gauvin raconte l'histoire du Québec et relate les grands évènements qui ont marqué cette province, ancienne colonie française et évoque l'évolution du Québec à travers les années. le roman rend hommage aux femmes qui ont développé le Québec, des femmes solides et courageuses, et aux générations qui ont rendu le Québec "presque libre" pourrait-on dire.
Et toi comment vas-tu ? parle aussi discrètement de la fin de vie: Vivianne accompagne sa mère Marianne dans la mort, en soins palliatifs. Elle lui joue du piano , elle lui parle, elle accompagne ses derniers moments. Dure mais belle épreuve. Marianne, la mère a demandé à en finir. C'est humain d'en avoir assez et se décider de partir, déjà même Anne en 1710 demandait au Seigneur de venir la chercher sans tarder. Probablement moins efficace que les médicaments du médecin.

La narratrice passe cinq jours au chevet de sa mère. C'est l'occasion pour elle de se rappeler la lignée de femmes dont elle est issue : Anne, venue en Nouvelle France comme fille Du Roy, Réjeanne, sa grand mère et Marianne sa mère. Trois femmes, trois époques. Ce qui m'a plu dans ce roman, c'est d'abord sa structure, car l'auteure, par petites tranches, nous présente des épisodes de la vie de ces femmes depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse et ça devient comme de petits romans dans le roman. Elle va de l'une à l'autre selon ses réminiscences et c'est ainsi que nous sommes plongés dans toute l'histoire du Québec grâce aux nombreuses allusions aux faits politiques et sociaux qui se produisent pendant ces périodes. Qui plus est le rappel de détails du quotidien et des moeurs rend le récit très attachant. J'ai eu du plaisir à retrouver des souvenirs de ma propre vie, de petites choses toutes simples que j'avais oubliées mais qui ont fait mon histoire aussi. Une très belle lecture.

Vivianne vient au chevet de sa mère mourante. Ces cinq derniers jours, elles les passeront l'une à côté de l'autre, la mère Marianne, réagissant de moins en moins aux sollicitations de sa fille. Dans les moments de calme, Vivianne repense à sa jeunesse, à la vie de sa mère et de sa grand-mère Réjeanne. C'est aussi l'histoire d'Anne, l'aïeule, née en France au mitan du 17ème siècle, orpheline très tôt, qui décidera, encore jeune fille de quitter son pays pour le Québec, fonder sa propre famille et construire le pays. C'est elle l'origine de cette lignée de femmes ici racontée.

Replaçons dans l'ordre : Anne née vers 1651, Réjeanne née en 1892, Marianne en 1917 et Vivianne en 1940. Dans des chapitres qui alternent, Lise Gauvin les narre, le "tu" pour Réjeanne, le "elle" pour Marianne et Anne -qui finit avec le "je"- et le "vous" pour Vivianne, sauf dans la partie où elle est au chevet de sa mère. le tout pour un roman qui est très construit, très fluide et très beau. Elles se racontent aux mêmes âges, cinq ans dix ans, quinze ans et puis ensuite femmes mariées et mères. Et nous de constater l'évolution, le changement des sociétés, des mentalités, des moeurs. C'est aussi l'histoire du pays, de Québec que décrit Lise Gauvin de sa construction à l'époque contemporaine. le difficile combat des femmes pour leurs droits : "Décembre 1927. Les commémorations du soixantième anniversaire de la Confédération canadienne ont eu lieu au cours de l'été, radiodiffusées à travers tout le pays. A Ottawa, un groupe de cinq femmes demande au gouvernement de préciser si le mot "personnes" inscrit dans un des articles de la Constitution à propos des postes au Sénat, inclut ou on les femmes. La Cour Suprême, à Ottawa, se prononce par la négative." (p.39)

Un roman qui montre bien qu'un pays, contrairement à ce qui a longtemps été dit, n'est pas construit que par les hommes. Cette lignée de femmes a dû batailler pour accéder à des droits. le roman de Lise Gauvin n'est pas revendicatif, il montre. Il décrit surtout des femmes bienveillantes, des femmes pudiques et fortes. Tout en subtilité, en sensibilité l'autrice dresse de beaux portraits. le texte est très beau, absolument pas dépressif, même si l'on veille une mourante dans certains passages, ce sont même peut-être les plus beaux, qui bénéficient d'une police de caractère particulière. Bref, passer outre ce livre serait une erreur tant il est fin, beau et délicat.
Lien : http://www.lyvres.fr/

Un texte très touchant, ou devrais-je dire des textes très touchants.
Ce livre nous parle de destins de femmes dans des époques différentes. Au départ, je me suis posé la question de qui était qui et de leur lien familiaux (fille, mère, grand- mère etc...) Et puis, j'ai lâché prise et me suis laissée porter par les textes.
Chaque personnage a sa typo, chacune a son ton. Parfois une narration extérieure, à la troisième personne du singulier, parfois sous forme de récit direct à la seconde personne du singulier.
Bien sûr, j'ai versé ma larme car le récit de cette femme au chevet de sa mère mourante touche à mon histoire personnelle. Mais au-delà de ça, j'ai aimé les "petites" histoires de ces femmes québécoises bien courageuses.
Une belle lecture sans être un coup de coeur.
Un tout grand merci à Babelio qui grâce à sa masse critique m'a fait découvrir une autrice.