Les gauchos juifs est un témoignage intéressant et bucolique sur l'immigration ashkénaze en Argentine. Son auteur, Alberto Gerchunoff nait en Ukraine en 1883. Sa famille fuit les pogroms et s'installe en Argentine en 1889, dans la colonie de Moisés Ville (où naîtra Mika Etchebéhère, La Capitana en 1902), via la Jewish Colonization Association du Baron Mauricio de Hirsch. Avant de quitter la campagne pour Buenos Aires où il travaille comme journaliste et enseignant, Alberto Gerchunoff a, lorsqu'il était enfant, cultivé la terre et participé au rêve collectif de bâtir une nouvelle Jerusalem en Amérique du sud. Pour ces Européens, l'Argentine va devenir une autre terre promise, et offrir l'opportunité de réaliser des projets collectifs agricoles loin du vieux continent.
« Une fois, le rabbin de Telmo fit l'éloge de l'Espagne. il exalta la douceur de son climat et rappela en soupirant l'époque où le peuple d'Israël y habitait. « L'Espagne serait pour nous la terre la plus enviable si la malédiction de la synagogue ne pesait sur elle. », dit-il. Le rabbin de Tulchin, dans un geste d'indignation, s'exclama en hébreu: « Makhshemon izikhrom, qu'elle soit engloutie et réduite en poussière! Je n'ai jamais eu à me rappeler le nom de ce pays sans que la colère m'emplisse les yeux de sang et l'âme de haine. Veuille Dieu, dans Ses justes châtiments, la transformer en bûcher éternel, elle qui a torturé nos frères et brûlé nos prêtres. C'est en Espagne que les Juifs ont cessé de cultiver la terre et de s'occuper de leur troupeau. "
Les gauchos juifs raconte cette aventure, qui commence en Russie, s'ancre ensuite dans des territoires vierges, et fait revivre la vie de différents familles d'immigrants, leurs amours, leurs mariages, leur intégration, leurs difficultés et leurs chagrins (dont l'assassinat du père de l'auteur par un gaucho ivre). L'ouvrage évoque également des scènes bucoliques, les récoltes, les moissons, et des évènements moins intimes comme la Révolution de mai. Alberto Gerchunoff nous offre un roman pastoral en terre argentine symbolisé par la figure emblématique du gaucho en prolongeant, comme Isaac Bashevis Singer la tradition disparue des conteurs yiddishs, quand le merveilleux côtoyait le quotidien.
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C'était aux premiers temps de la colonie. Les Juifs d'Entre Rios connaissaient peu l'endroit et leur perception des coutumes locales était extrêmement confuse. Ils admiraient le gaucho tout en le craignant et tissaient autour de sa vie une vague légende faite d'héroïsme et de barbarie. Ils le croyaient dangereux et irascible. Les fables de sang et de bravoure mal interprétées par les nouveaux paysans avaient contribué à l'idée qu'ils se faisaient du personnage. Pour le Juif de Pologne ou de Bessarabia, il devenait le bandit romantique, fier et chevaleresque, tel un héros de Schumer dont les jeunes ouvrières lisaient les aventures en revenant de l'atelier à Odessa ou après les travaux à la colonie.
Labriega, tú me recuerdas las mujeres augustas de la Escritura. Tú revives en la paz de los campos las heroínas bíblicas que custodiaban en las campiñas de Judea los dulces rebaños y durante las fiestas entonaban en los atrios del Templo, los cánticos en alabanza de Jehová. Raquel, tu eres Esther, Rebeca,
Débora o Judith.