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Morgane Iserte (Traducteur)
EAN : 9782381140544
400 pages
Wildproject (08/09/2023)
4.21/5   7 notes
Résumé :
Une nuit d’avril 1621, sur l’île de Banda Besar à l’extrême ouest de l’océan Indien, une lampe tombe à terre. Cet événement déclenche le massacre de la population de l’île par les soldats hollandais. La raison de ce génocide : le monopole mondial du commerce de la noix de muscade.

À partir de la noix de muscade, Amitav Ghosh met en scène la malédiction des ressources qui font des îles Banda le lieu d’une des premières guerres extractivistes — et un po... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ceci est un de ces livres qui attirent et repoussent à la fois. L'écrivain indien Amitav Ghosh est un éminent représentant du mouvement postcolonial. Et dans cet ouvrage aussi, il souligne la brutalité avec laquelle l'hégémonie occidentale s'est établie à partir du XVIe siècle. le livre commence en fait par le massacre que les Hollandais infligent en 1621 à l'île de Banda, dans l'archipel indonésien, alors l'une des rares régions où la noix de muscade pouvait être extraite (d'où le titre).

Amitav répète les mantras bien connus du postcolonialisme : le lien avec le capitalisme et la pensée du marché, le sens occidental de la supériorité, les angles morts des Lumières et de la modernité, etc. Mais peu à peu, en quelques mouvements circonférentiels, il y ajoute une couche plus profonde. A savoir que la pensée occidentale se caractérise avant tout par une vision mécaniste du monde : la vision que tout ce qui est en dehors des humains est une « ressource », parce que muette, non animée, et donc subordonnée, manipulable et exploitable. Dans l'histoire, cela s'illustre encore et encore dans ce qu'il appelle une obsession de l'extermination et de « terraformation » : par exemple, l'extermination des indigènes en Amérique, et la construction d'une économie (capitaliste) basée presque entièrement sur les combustibles fossiles, qui entre-temps menace la survie des humains et de la terre elle-même. Pour lui, le problème climatique actuel et l'érosion de la biodiversité sont donc le résultat de cette approche occidentale impitoyable (qui a maintenant été adoptée presque partout dans le monde), et qui est inextricablement liée à l'agression contre les peuples autochtones d'hier et d'aujourd'hui. C'est une thèse pour laquelle il y a certainement des arguments valables, bien qu'elle soit aussi assez unilatérale en même temps, comme si aucune autre culture ne portait une vision aussi brutale de la nature et des autres.

Donc, en termes de structure et de points de vue, il y a certainement une unité dans ce livre, mais l'argument de Ghosh a souvent tendance à serpenter et à s'égarer sur des chemins secondaires. Et parfois, il se survend manifestement. Vers la fin, par exemple, il y a un violent décrochage (à juste titre) contre l'éco-fascisme (des formes d'éco-fondamentalisme, pour Ghosh principalement celles dirigées contre les communautés indigènes), mais de là il tombe dans un argument plutôt simpliste contre la science en général.

La partie la plus controversée de ce livre est celle où il plaide pour la réintroduction d'une vision vitaliste du monde : se référant à la façon dont les peuples autochtones interagissent avec leur environnement, et surtout avec une nature animée. Il y a certainement des éléments valables pour cela aussi, mais Ghosh généralise de telle manière qu'il attribue à la nature, à la planète (sans surprise, il adhère à la théorie Gaïa de Lovelock) et à l'univers un caractère presque sacré et indépendant. Toutes les «choses» racontent leur propre récit, c'est sa thèse, et d'une manière allégorique c'est une affirmation justifiée, mais il oublie clairement que les récits sont toujours faits/interprétés par des humains, et donc ne se suffisent jamais à eux-mêmes. C'est une erreur philosophique qui sous-tend en partie le propre "clou" narratif de ce livre : une référence à la force silencieuse/secrète de la nature (basée sur le livre de l'écrivain néerlandais Louis Couperus "La force des Ténèbres", 1900).

En bref, j'ai quelques problèmes avec ce livre de Ghosh, même en même temps je dois avouer qu'il contient des vista précieuses. Je dirais : lisez ceci pour être stimulé par de nombreuses idées intéressantes et pertinentes sur le colonialisme, le changement climatique, la pensée mécaniste occidentale, etc., mais gardez également une distance critique.
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Aujourd'hui je vais évoquer La malédiction de la muscade d'Amitav Ghosh. Cet essai est sous-titré Une contre-histoire de la modernité.
Le fil rouge de la malédiction de la muscade est l'histoire de cette épice très prisée à travers les siècles. le coeur du récit se situe en Indonésie dans l'archipel des Moluques plus précisément dans les îles Banda. L'auteur retrace avec précision les événements survenus le 21 avril 1621. Cette nuit-là un massacre a été perpétré par des Néerlandais de la VOC (compagnies des Indes Orientales), on retient le nom de deux protagonistes : Martijn Sonck et Jan Coen. Lassés de négocier avec les habitants, ils ont simplement décidé de tous les supprimer pour devenir les maitres incontestés des plantations de muscadiers. A cette époque les habitants de Banda Besar et de la ville de Lonthor vivent tranquillement dans le lieu d'origine des muscadiers et surtout seul écosystème où l'arbre pousse spontanément. Ces fruits à coque ainsi que le macis sont une incroyable source de richesse et de profit. La VOC souhaite acquérir l'exclusivité des cultures afin de dominer le marché mondial, mais les locaux sont plus enclins à commercer avec différents partenaires selon les circonstances. Une lampe tombe au sol et provoque la crainte et la panique qui débouche sur un terrible massacre, une extermination de la population indigène et l'expulsion de tous les locaux au-delà des limites de Banda. Ces faits demeurent présents dans l'inconscient collectif jusqu'à aujourd'hui. Tous les bandanais ne sont pas morts lors de ce massacre ; les colons ont certes obtenu le monopole du commerce de la noix de muscade (et du clou de girofle plus au nord dans le même archipel à Ternate) mais cette domination n'a été que provisoire. Cependant, les exactions commises et les meurtres perpétrés demeurent au crédit de la VOC et de ses zélés employés. Cet épisode peu connu des consommateurs d'épices est révélateur d'un passé colonial dont les néerlandais n'étaient pas les plus tendres loin de là (le formidable essai Revolusi en témoigne). Plus largement La malédiction de la muscade est un récit qui interroge le colonialisme, la domination de l'Occident colonial sur le Sud, le rapport à la nature et à la terre. Amitav Ghosh propose une réflexion étayée et dénonce des comportements et des faits qui sont à l'origine du monde actuel et du capitalisme excessif. Il est lui-même originaire d'Inde et vit aux Etats-Unis. Dans son texte passionnant et engagé il fait plusieurs fois références à Naomi Klein et à ses théories et ouvrages (No Logo, La stratégie du choc, Tout peut changer). L'exemple des Banda sert à l'auteur à élargir son propos à l'ensemble des tentatives d'appropriation des biens de la nature (pétrole, bois, terres rares, métaux) au fil des siècles.
La malédiction de la muscade est un essai fort (et douloureux avec la narration de l'extermination d'une population pour s'approprier des biens librement fournis par Gaïa) qui permet de découvrir la réalité de l'histoire et de la géographie de l'archipel des Banda aujourd'hui encore très éloigné du reste du monde avec son merveilleux Gunung Api. Les thèses d'Amitav Ghosh sont parfois discutables mais l'intérêt de son texte est indéniable.
Voilà, je vous ai donc parlé de la malédiction de la muscade d'Amitav Ghosh paru aux éditions Wild Project.
Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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critiques presse (1)
NonFiction
25 mars 2024
Ainsi, c’est une histoire longue et aux enjeux considérables que l’écrivain Amitav Ghosh fait brillamment sortir d’une coquille de noix.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La formidable accélération provoquée par l'adoption des méthodes coloniales d'extraction et de consommation à l'échelle mondiale a conduit l'humanité à l'orée du précipice.
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Videos de Amitav Ghosh (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Amitav Ghosh
Rencontre avec le romancier Amitav Ghosh, auteur de "Le grand dérangement : d'autres récits à l'ère de la crise climatique" et de "Gun Island".
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