Elizabeth Gille née Epstein est la fille d'Irène Nemirowsky, c'est dire si elle a de qui tenir. Editrice, traductrice, trop tôt disparue, elle n'est pas très connue ni lue, et c'est dommage.
Un Paysage de Cendres est, si je ne me trompe le dernier de ses romans, et sans doute, comme son nom l'indique, le plus noir, le plus absolument désespéré. Elle est morte peu après sa parution, rattrapée par le cancer qu'elle avait si bien raillé et provoqué dans le formidable "
Le Crabe sur la Banquette arrière". Faut pas rigoler avec les crabes...ils se vengent...
De l'humour, il n'y en a pas ici, dans ce roman quasi autobiographique d'une petite fille, pensionnaire pendant toute la guerre pour cause de parents déportés, et qui va rebondir (on dirait à présent "résilier" ) en étant adoptée par la famille de sa meilleure amie de pension. Elles deviennent inséparables.
Mais Léa attend toujours ses parents, une lettre, un signe, un témoignage qui lui dirait où ils sont, s'ils sont morts. A la radio, elle entend parler du retour des déportés accueillis à l'hôtel Lutétia. En cachette de sa famille adoptive et de son amie, elle y vole, entre dans l'hôtel, monte dans les étages, rentre dans une chambre...
Les pages qui évoquent cet épisode traumatisant ne peuvent avoir été inventées ou même simplement tirées de l'abondante documentation sur le retour des morts-vivants de l'univers concentrationnaire. Elles sont parmi les plus terribles que j'aie lues sur le sujet: c'est le point de vue de l'enfance sur une réalité pour laquelle la réalité justement n'a pas de mots...
Après l'étoile noire qui semble marquer le destin de Léa-Elizabeth ne chôme pas: la vie d'étudiante l'emporte dans ses tourbillons, et la guerre d'Algérie dans sa politisation: les deux amies s'engagent pour l'indépendance de l'Algérie, soutiennent le FLN...mais le Nuage de Cendres rattrapera Léa en pleine résilience...