En 1880, « Le Droit à la paresse ou La Réfutation du droit au travail » de Paul Lafargue paraissait en feuilleton dans l’hebdomadaire L’Égalité ; incarcéré à la prison de Sainte-Pélagie en 1883, il ajoute quelques notes pour une prochaine réédition...En 1996, « Éloge de la paresse affinée » de Raoul Vaneigem était publié dans un ouvrage collectif intitulé La Paresse. Les années passent, plus d’un siècle entre les deux éditions et une telle proximité entre les deux hommes.
L’or des fous,éditeur a désiré réunir non seulement ces deux écrits ensoleillés mais les accompagner de deux inédits, l’un, Les Voies de la paresse, de Philippe Godard, auteur de Contre le travail, l’autre de Pauline Wagner, qui invite à un Voyage au pays de la paresse.
Dans nos départements lainiers, on effiloche les chiffons souillés et à demi pourris, on en fait des draps dits de renaissance, qui durent ce que durent les promesses électorales; à Lyon, au lieu de laisser à la fibre soyeuse sa simplicité et sa souplesse naturelle, on la surcharge de sels minéraux qui, en lui ajoutant du poids, la rendent friable et de peu d'usage. Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter l'écoulement et en abréger l'existence. Notre époque sera appelée l'âge de la falsification, comme les premières époques de l'humanité ont reçu les noms d'âge de pierre, d'âge de bronze, du caractère de leur production.
Les Occidentaux n'ont pas souvent compris ce qu'étaient ces philosophies orientales. Le yoga, par exemple, n'est pas un système pour se maintenir en forme afin d'affronter , au physique comme au psychique, un nouveau cycle de production; le yoga est avant tout recherche d'union avec la divinité, qu'il faut entendre ici comme l'ordre du monde, un ordre où chacun a sa place, un ordre contraignant sans doute, mais au moins un ordre dans lequel le travail n'est pas une valeur. Les Occidentaux ne prennent que ce qui les intéresse, que ce qui ne les oblige pas à remettre en cause leur sainte trinité: Travail, Progrès, Croissance.
Parce que, prêtant l'oreille aux fallacieuses paroles des économistes, les prolétaires se sont livrés corps et âme au vice du travail, ils précipitent la société tout entière dans ces crises industrielles de surproduction qui convulsent l'organisme social. Alors, parce qu'il y a pléthore de marchandises et pénurie d'acheteurs, les ateliers se ferment et la faim cingle les populations ouvrières de son fouet aux milles lanières. Les prolétaires, abrutis par le dogme du travail, ne comprennent pas que le surtravail qu'ils se sont infligé pendant le temps de prétendue prospérité est la cause de leur misère présente.
La paresse est dénonciation des valeurs qui nous oppriment. Elle n'est pas rêverie, ou pas seulement. Elle n'est pas farniente, ou plutôt pas uniquement. Elle n'est pas inutilité, mais ne refuse pas l'inutilité, bien au contraire. Elle accepte le seul travail fondé sur l'utilité commune, en dehors de tout excès de consommation comme de production, non pas par volonté d'ascétisme, mais parce que le temps de l'amitié, de l'amour, de la discussion, de la découverte est bien trop précieux et ne peut souffrir d'être remis à plus tard ou réduit à néant par le temps de la production et de la consommation.
Du 1er au 6 décembre, le Salon c'est aussi à la télé, de 17h à 20h !
Prenons le plus grand soin du NOUS.
La Fabuleuse Histoire de la Terre, Aina Bestard, trad. du catalan Philippe Godard, Saltimbanque Éditions, 2020
Un délicat décryptage de l'exposition «Notre usine à Nous!» et des démarches de 8 artistes qui disent «Nous» en textes et en images.
Avec le soutien et la complicité de l'Institut Ramon Llull (Catalogne).