Le Père Noël a-t-il le sang bleu astucieusement caché grâce au rouge coquelicot de sa longue cape à capuche ?
La question vaut la peine d'être posée, surtout pour les lectrices et lecteurs de ce premier tome de la saga « le sang des sept rois ». le sang bleu, littéralement bleu, non pas signe d'une descendance noble comme nous l'entendons mais de particularités hors normes pour celles et ceux qui l'ont…longévité exceptionnelle, santé que nulle peste ne peut entamer, force sans égale, vitesse, pour certains don de clairvoyance, pouvoir qui permet à son détenteur de sentir son environnement comme une seconde vue indépendante des yeux, et encore plus rare, dons de magie permettant d'agir sur les choses sans même les toucher. On parle alors de résurgents. Oui le Père Noël est un résurgent, j'en suis maintenant convaincue. Qu'en penses-tu Éric, toi qui m'a donné envie de sortir de ma zone de confort pour cette saga de sept tomes (400 à 500 pages chaque tome) de pur fantasy ?
Bien m'en a pris, j'ai déambulé avec l'attachant Orville dans un paysage médiéval dans tout le royaume à la recherche de rebelles ayant kidnappé deux enfants de paysans, cet incident rompant un certain équilibre dont nous découvrirons les tenants et les aboutissants au fur et à mesure de notre quête. Au début, nous errons et ne comprenons pas, comme Orville nommé pour cette quête capitaine-ambassadeur-militaire (le titre suprême), pourquoi cette mission revêt une telle importance, le road trip débutant avec juste quelques éléments tels des pièces de puzzle : deux bourses de monnaie retrouvées sur les lieux du rapt, deux fois douze monnaies à l'intérieur, des pièces de deux métaux l'or et l'argent, sept ravisseurs, deux enfants de deux sexes.
Peu à peu les pièces s'imbriquent et la lumière se fait, et à ce moment-là le roman devient terriblement addictif.
Qui est Orville ? Redoutable, rusé, solitaire, débrouillard, charmeur, je me suis énormément attachée à lui. Un héros que
Régis Goddyn a su rendre passionnant…tour à tour cabotin charmeur, chasseur redoutable, combattant époustouflant, roi d'un rocher perdu, nous découvrons peu à peu ses dons et ses qualités qui ne manquent pas de nous interpeller et s'il s'agit avant tout d'un guerrier, ces qualités pour organiser la vie et gérer
l'île du Goulet dans lequel il a été contraint à l'exil sont tout aussi épatantes.
« À six, ils n'ont pu venir à bout de toi. Tu les as détruits, démembrés un à un… tous en même temps semblerait plus approprié. L'assaut n'a duré que quelques poignées de secondes. le temps d'arriver, c'était fini. Ils étaient morts et tu étais à genoux. J'ai sorti mon épée pour te tuer, puis j'ai renoncé. Je ne tue pas ce que je ne peux comprendre. Jamais je n'avais vu quelqu'un combattre ainsi. Qu'es-tu donc, Orville ? (….) Je t'ai rattrapé dans les crêtes et je t'ai suivi jusqu'ici. Pourquoi es-tu vivant après ce que tu as vécu ? Pourquoi tous tes compagnons sont-ils morts, pourquoi tes ennemis sont-ils morts, pourquoi es-tu en vie ? Tu n'as pas même une coupure. Es-tu le diable ? »
J'ai aimé dans ce livre la quête dans ce décor médiéval. Nous sommes en 806 mais non 806 après Jésus-Christ mais après un événement sanglant bâtissant la légende dont il est question ici. N'empêche, nous sommes en plein Moyen-Âge avec ce que cela comporte en termes de maladies, de violence, d'hygiène, de croyances…Les croyances sur ce sang bleu notamment sont bien entretenues afin que celui-ci soit éradiqué parmi la paysannerie pour pouvoir continuer à la contrôler.
« Rosa était une jeune fille d'une quinzaine d'années dont il avait fait brûler la mère. Cette femme était possédée par le démon et il n'avait pas pu faire autrement. Un jour de menstrues, une tâche bleuâtre s'était étendue sur sa jupe et des voisins étaient venus parler pour elle. Quand quelques mois plus tard les bruits se firent trop forts pour qu'il ne les entende pas, il procéda à l'arrestation. La femme était alors enceinte et Lambret décida d'attendre la naissance pour laisser sa chance à l'enfant qui ne naîtrait pas nécessairement damné. Rosa était donc née le jour où elle perdit sa mère dans les flammes du Suprême. La fillette était rose et son sang était rouge ».
Au-delà de la quête et du côté fantastique du récit, j'ai particulièrement aimé l'ambiance distillé dans ce road trip. Il y fait froid, les maisons sont inhospitalières, la crasse partout présente, les montagnes impitoyables, les hommes rustres, les femmes à leur merci. Et lorsque nous sommes sur
l'île du Goulet, une ambiance à la
Robert Merle ou à la
Stevenson se dégage en effluves marins, de quête médiévale à travers forêts et montagnes, nous passons à une robinsonnade matinée d'embruns , de goémons et de mouette.
« La côte à tribord semblait aussi haute qu'elle était loin. La montagne émergeait de la mer pour se poursuivre à la verticale sur des hauteurs insensées. Orville n'y vit que roches et neige. Un désert vertical de pierre d'une grise et sublime beauté, stérile et inhospitalière. À bâbord, une multitude d'aiguilles rocheuses sortaient de l'eau. Ce dédale d'îles évoquait à Orville une forêt de sapins sur une plaine, une forêt impénétrable qui barrait l'horizon d'est en ouest ».
Soulignons enfin un style d'écriture très fluide, sincère et pédagogique qui m'a permis de me laisser porter par l'histoire alors que je ne suis pas le public habituel de ce genre d'histoire. Certains passages techniques liés aux maniements des armes par exemple sont expliqués avec beaucoup de douceur et de fluidité, nous comprenons tout, tout en n'étant pas assommé !
J'ai vraiment hâte de découvrir les autres tomes. Et pour savoir si le Père-Noël est de sang bleu, je vous promets je ne mettrai nul piège contondant près de la cheminée demain. Joyeux Noel à toutes et tous !!