Nous étions nez à nez, (Vu les dimensions de ma loge, c’était normal.) et pour le moment, le mastodonte se contentait de tenir son pistolet sous le mien. Nous restâmes immobiles. Nous gardâmes le silence. Je ne savais pas ce qui se passait dans la tête du géant mais je savais bien ce que j’attendais moi : un miracle du ciel.
Bien qu’il ne fût guère là que depuis soixante secondes, la scène paraissait durer depuis une éternité. (La prochaine fois que vous aurez un pistolet sous le nez, prenez note de ce phénomène !) Pourquoi le concierge ne l’avait-il pas arrêté ? On le payait pour quoi faire ? Non seulement il n’avait pas fait son devoir en ne saisissant pas le mastodonte pour le jeter à la rue, mais il l’avait manifestement envoyé tout droit à ma loge.
Le silence se prolongeant, j’eus largement le temps de noter plusieurs symptômes assez familiers : bouche sèche, respiration courte, sueur froide, tremblement des extrémités, pouls accéléré… Le diagnostic était facile à prononcer : j’avais une trouille verte. Et après ?
J’ose le dire, sans forfanterie. Je ne suis jamais à court de mots. Mais quand un canon de pistolet sur pose sur ma lèvre supérieure, ça me coupe la chique à tous les coups.