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EAN : 9782877068642
315 pages
Editions de Fallois (10/09/2014)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Juin 1940. Dans l'Europe en guerre la Roumanie est restée neutre. L'Athénée Palace, le grand hôtel de Bucarest, est une des dernières enclaves cosmopolites. Le jour où les troupes d'Hitler entrent dans Paris, une journaliste américaine d'origine allemande s'installe à l'Athénée Palace. Une femme mystérieuse dont on ne saura pas grand-chose dans ce livre, sinon qu'elle est une redoutable observatrice dotée d'une science politique aiguë et d'un humour cinglant qui lui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Juin 1940. L'Athénée Palace de Bucarest fait figure de relique d'un monde sur le point de trépasser. Situé sur la Place Atheneului, au coeur de Bucarest et de la Roumanie, l'hôtel le plus célèbre des Balkans est un espace sanctuarisé, cosmopolite, où se mêlent encore durant l'été 1940 l'Europe des industriels, aristocrates, journalistes, dandys et officiers allemands.
Pour la comtesse Waldeck qui occupera une chambre au premier étage pendant sept mois, cette effervescence sociale aurait pu la conduire à rédiger une chronique mondaine riche en anecdotes et souvenirs intimes. Mais Rosie Goldschmith Waldeck est avant tout correspondante pour le Newsweek. Et pour la journaliste américaine d'origine juive allemande assister à la conquête des Nazis c'est d'abord l'opportunité de fournir un témoignage précis et éclairé sur l'histoire ignorée de ce pays, de la chute du pays admiré la France à l'instauration d'une dictature militaire.
Les hommes, les idées, les stratégies. Publié en 1942, ce document est précieux car il décrit, radiographie, éclaire par l'analyse le processus socio-politique qui a conduit un pays neutre sur la ligne de faille entre les Alliés et les puissances de l'Axe à basculer pour subir la première invasion pacifique nazie. Ou comment un Etat corrompu dirigé par un roi autoritaire, bénéficiant d'un antisémitisme profondément enraciné dans la population et d'une élite pro-totalitaire – des conditions idoines à l'instauration d'un régime fasciste pro-Nazi - a obligé paradoxalement l'Allemagne à adopter une stratégie de politique extérieure inédite pour réaliser son grand projet d'Empire.
D'abord en raison de l'intérêt économique que suscitait la Roumanie. Deuxième réserve de pétrole en Europe et possédant des terres agricoles fertiles, ce territoire devait être préservé de toute conquête par la force armée.
Ensuite en raison des particularismes de ce pays aux traditions romano-slavo-orientales, profondément marqué par le culte des chefs martyrs du nationalisme, le goût pour les intrigues de pouvoir et une révolution gardiste sanglante destinée à conforter la volonté farouche de tous les roumains de sauvegarder l'intégrité du territoire face à l'appétit des voisins. Autant de paramètres difficiles à concilier avec la rigueur et la discipline nazies et que le pouvoir allemand avait refusé de considérer.


Avec un oeil avisé, une réflexion politique nourrie par une observation perspicace, l'auteure américaine déploie un témoignage subtil et passionnant qui met en lumière les faiblesses extrinsèques du régime nazi dans la réalisation de son projet de Nouvel Ordre. Des faiblesses qui portent dés 1942 les germes de la défaite allemande.
Un témoignage prémonitoire donc, même si à l'époque, comme le souligne l'auteure en annexe, il était à contre-courant de l'orthodoxie journalistique américaine, partisane et unilatérale, et qui voyait en l'Allemagne uniquement une dictature belliqueuse.
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Rosa Goldschmidt née en Allemagne (1898-1982), de confession juive, épouse, en troisièmes noces, du comte Waldeck, est une femme de grande culture, démocrate s'intéressant de près à la politique.
Elle crée en 1925, une agence de presse. En 1931, elle s'installe aux Etats Unis et acquiert la nationalité américaine.C'est dans le cadre d'une mission journalistique qu'elle arrive à Bucarest le 14 juin 1940 , jour de deuil dans la capitale française avec l'entrée de la Wehrmacht .
Elle s'installe à l'Athénée, un palace, enclave luxueuse au coeur de la capitale roumaine. Elle y séjournera six mois et demi et y sera le témoin visuel et auditif privilégié de tout ce qui se trame en coulisse ou qui se négocie sur le devant de la scène, côtoyant ainsi politiciens, diplomates, conspirateurs, espions et espionnes, économistes, industriels, demi-mondaines, affairistes de tous bords.
La Roumanie s'est agrandie et s'est enrichie, après le traité signé au Grand Trianon à Versailles en juin 1940. Quel va être désormais la destinée du pays après cette défaite de la France ? A son tour, la Roumanie sera envahie par les Allemands en décembre.
Bien introduite dans cet univers cosmopolite, elle se fait rapidement une opinion. C'est une visionnaire. En juin 1940 elle déclare « Je pressentais depuis un bon moment qu'Hitler risquait (verbe indiquant l'hypothèse qui se confirmera bien vite) non seulement de gagner la guerre mais qu'il pourrait bien gagner la paix et organiser l'Europe. » Par la suite, elle déclare « qu'il ne pourrait ni gagner la paix, ni organiser l'Europe » D'autres se chargeront de le faire et de démantibuler, une nouvelle fois, ce vieux continent.
L'intérêt de cet ouvrage est multiple. Ce sont des chroniques, au jour le jour, légères, profondes, spirituelles, écrites avec une vision féminine, qui sait rester perspicace, elles permettent de réviser l'histoire de la Roumanie et de l'Europe de cette époque pour le moins trouble, de s'initier aux jeux machiavéliques des alliances, et de voir, en direct, la progression dramatique de l'Histoire.
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Lu à la suite d'Eugénia de Lionel Duroy , ce livre répond à la critique de Keisha qui "n'aime pas les trucs romancés": Athénée Palace est un reportage paru en 1942 à la suite du séjour de Rosie Waldeck correspondante pour Newsweek. C'est le témoignage direct d'une journaliste américaine qui a séjourné à Bucarest du 14 juin 1940 à la fin janvier 1941 et qui a rencontré  la plupart des protagonistes.  Les événements  relatés chronologiquement, mais aussi classé par thèmes dans des chapitres courts. La lecture est ainsi facilitée bien que cette histoire soit disséquée avec un luxe de détails. 

Rosie Waldeck est le témoin idéal -  de nationalité américaine alors que les Etats Unis sont encore neutres, les Français et les Britanniques seront contraints à quitter la Roumanie qui passe progressivement sous contrôle. allemand. Née en Allemagne en 1898, de langue Allemande elle maîtrise la langue et tous les codes germaniques.  En tant que Juive allemande, elle est très lucide sur la montée des Nazis. Esprit libre, elle n'hésite pas à choquer les intellectuels libéraux qui ne prennent pas Hitler au sérieux.

"Au cours de l'été 1940[....]A l'Athénée Palace et uniquement là, dans le décor élégant des grands hôtels européens, les personnages de l'Europe d'après guerre et ceux du Nouvel Ordre se partageaient l'affiche, avec dans les deux cas, une distribution de premier ordre, et la pièce elle-même était pleine de suspense.

Voici l'intrigue. Une Roumanie neutre, petit pays, mais riche en céréales, et le cinquième producteur de pétrole mondial, s'efforce de conserver son indépendance.

L'Athenée Palace  offre à la journaliste  un  poste d'observation privilégié : au coeur de la capitale roumaine. Tout ce qui compte à Bucarest s'y rencontre. Intellectuels, princes, les Excellences, diplomates  ou politiques se retrouvent dans ses salons, viennent y dîner. Demi-mondaines et espionnes promènent leurs visons ou leurs toilettes parisiennes. A son arrivée, Rosie Waldeck découvre une Roumanie francophile catastrophée par l'entrée des Allemands dans Paris le jour-même. Au fil de l'été, les Allemands tissent leur toile. Tout d'abord séducteurs, ils cherchent à rassurer l'intelligentsia et le Roi par une ouverture intellectuelle assez étrange. Puis ils envoient des hommes d'affaires pour s'assurer du pétrole roumain et des céréales.

Depuis longtemps,  la Garde de fer, nationaliste et antisémite,  cherche à imposer par la terreur un régime fasciste. Leur conquête du pouvoir est contrée par d'autres forces politiques, le Roi Carol,sa maîtresse juive Lupescu et  sa camarilla, les différents chefs de gouvernements et l'armée avec le Général Antonescu jouent leur partition. Les rivalités sont sanglantes et compliquées avec des retournements d'alliances. Les Gardes de fer singent les nazis mais ne sont pas nécessairement les alliés des nazis qui préfèrent un régime stable qui leur garantirait pétrole et céréales.

C'est l'entrée en Bessarabie de la Russie (malgré le pacte Ribbentrop- Molotov) et la perte de la Transylvanie revendiquée par la Hongrie qui précipite l'occupation allemande. La Grande Roumanie se trouve dépecée. Certains Roumains voient dans les Allemands des protecteurs contre leurs rivaux proche Russes-Hongrois et Bulgares. La royauté vacille, jusqu'à l'abdication de Carol le 3 septembre. Antonescu, ne sera pas le de Gaulle roumain, qu contraire, il ira se jeter dans les bras d'Hitler qui lui fait plus confiance qu'à la Garde de fer.

Le 13 octobre 1940, la mission allemande tant attendue débarque à Bucarest. La Roumanie est occupée sans aucune résistance. Rosie Waldeck, comme Malaparte dans le roman Eugenia de Lionel Duroi, n'hésite pas à fréquenter les plus grands dignitaires, un général allemand,  comme le Hohe Tier pour les besoins de son reportage. Elle ne cache d'ailleurs pas ses origines juives, dans la haute hierarchie nazie, on est au dessus de ces contingences.

L'automne à Bucarest sera violent avec des luttes intestines, des nuits-des-long-couteaux, des funérailles spectaculaires,

Avant la fin novembre, les Roumains pouvaient dire : "les sept plaies se sont abattues sur nous : les Hongrois, les Russes, les Bulgares, Lupescu, le régime gardiste, la mission militaire allemande, et le tremblement de terre."

L'Ordre Germanique tarde à s'installer sur l'Europe de l'Est et sur la Roumanie en particulier. L'auteur analyse avec lucidité la raison des atermoiements allemands et l'égoïsme nationaliste roumain des Gardistes. Elle définit avec clarté ce qu'est le totalitarisme. le traitement des réfugiés allemands de Bessarabie montre le caractère racial de cet Ordre germanique.

Atroce conclusion à son séjour : le pogrom de Bucarest et la terreur sanguinaire que font régner les Gardistes au cours de janvier 1941.

Grâce à cet ouvrage très détaillé et très clair  je commence à mieux me repérer  dans cette période troublée. La lucidité de Rosie Waldeck est prémonitoire : alors que le livre est sorti en 1942, on croit deviner la résistance des Anglais et Stalingrad. L'Ordre Germanique ne s'est pas installé parce que tout simplement la guerre n'est pas gagnée par Hitler.
Lien : http://netsdevoyages.car.blog.
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Un livre reportage absolument fascinant , l'auteur journaliste a une plume précise et fait revivre cette époque . Me Waldeck en tire des conclusions justes et prémonitoires / a lire par qui s'intéresse à la Roumanie et ou au sort des juifs en Europe Centale . On partage le tempérament passionné de l'auteur
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critiques presse (1)
Lexpress
14 octobre 2014
L'Athénée Palace est le huis clos d'un monde qui s'effondre et la comtesse Waldeck en est la chroniqueuse scrupuleuse et pleine d'esprit. Elle en fait un livre, publié aux Etats-Unis dès 1942 et, bizarrement, tant il est enlevé et singulier, entre diplomatie de haut vol et théâtre de boulevard, jamais traduit.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je me trouvais en face d’une dictature intellectuelle aussi totalitaire, aussi intolérante, aussi illogique que toutes les autres – la Dictature de la Bonne Cause. Sa première loi consiste à nier les faits et les conclusions s’ils ne conviennent pas aux libéraux et à leurs partisans. Enfreindre cette loi revient à s’attirer un châtiment immédiat. Pas un châtiment physique, cette dictature ne disposant heureusement pas d’un pouvoir physique, mais un châtiment psychologique et social se traduisant par un ostracisme, des calomnies et la déformation de vos propos.
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Ce soir-là encore, un des Nazis imita le Führer vainqueur, prononçant son discours depuis le palais de Buckingham. Le discours commençait ainsi : « Mes Lords, Pairs et Messieurs, Européens et Européennes, mes premiers remerciements vont au Saint-Père à Rome, au membre du part Alfred Rosenberg… » (1) Puis le Führer continuait en remerciant le « gauleiter Pétain » et le « gauleiter Mussolini » avant de poursuivre en disant que, maintenant que l’injustice séculaire avait été réparée, et que « la Sicile avait rejoint la Mère Patrie », l’Allemagne n’avait plus « de revendications territoriales ». A conditions, bien sûr, que « le président Roosevelt ne s’oppose pas au désir légitime de l’Allemagne de reprendre sa place au soleil… » C’était une superbe imitation d’Hitler, qui montrait aussi à quel point les Nazis de la cinquième colonne étaient sophistiqués.
(1)Alfred Rosenberg (1893-1946), théoricien du parti nazi, responsable des biens confisqués aux Juifs, il sera pendu à Nuremberg.
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Frau von Coler ne ressemblait pas plus à la Mata Hari qu’une division de Panzer en 1942 à la cavalerie de 1914. Mata Hari et ses semblables étaient de parfaites idiotes à une époque où la nudité suffisait à faire perdre la tête aux généraux au point d’en oublier des plans secrets sur la table de nuit de la dame. Le glamour était leur seule arme. Au jeu risqué de la guerre, elles ne comptaient pas plus que les femmes de ménage préposées à vider les poubelles dans les légations étrangères et les bureaux des attachés militaires. Le véritable drame des Mata Hari, qui n’avait jamais été suffisamment exploité par Hollywood, était l’énorme différence entre les risques encourus par ces pauvres créatures et les résultats terriblement modestes de leurs entreprises les plus réussies. Frau Coler n'avait rien à voir avec ces femmes (...) elle faisait de la propagande pour Hitler. Sa tâche était infiniment plus compliqué que celle d'un espion, et procédait d'une vision beaucoup plus réaliste.
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Ils lui avaient rappelé que le Führer ne voulait pas de Roumanie totalitaire, mais qu’il voulait seulement de la paix dans la zone de matières premières – n’importe quel gouvernement fort accepté par tous serait préférable à un gouvernement pseudo-fasciste qui n’aurait pas convenu au peuple. Ils lui avaient expliqué en mettant les formes que, pour Hitler, l’évolution vers le totalitarisme, bien qu’inévitable, devait se faire naturellement, et prendre ses racines dans le peuple lui-même, au lieu d’être décrétée.
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Cet antisémitisme venait du fait que les Juifs avaient réussi à former une classe moyenne entre les boyards et les paysans, donnant ainsi naissance à la seule bourgeoisie existant en Roumanie.
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