Maurizio Serra nous livre ici, une nouvelle fois serais-je tenté de dire, une magistrale biographie, qui tente de lever le "Mystère Mussolini". "Le plus sibyllin, le plus déroutant, le moins aisé à cerner de tous les dictateurs du XXe siècle" selon l'auteur.
En trois parties, introduites par 3 citations très justement choisies, il nous dévoile :
- L'homme : "La froideur est la plus grande qualité d'un homme destiné à commander." Napoléon ;
- Ses défis : "Il n'existe point de fortitude, là où manque la raison."
Cicéron, Les Tusculanes IV ;
- Sa faillite : "Les coupables attribuent toujours leurs fautes aux circonstances. " Salluste, Guerre de Jugurtha I.
L'académicien nous explique que le mensonge est une clé majeure de ce dictateur qui "les résume tous, de
Lénine à Castro" .
En premier lieu en affirmant que la victoire de l'Italie aurait été spoliée par les Alliés, et ensuite, en prétendant que les "années rouges" de 1919-1920 (biennio rosso) pendant laquelle se produisirent des mobilisations paysannes, des manifestations ouvrières, des occupations d'usines, constituaient une menace existentielle.
Selon
Maurizio Serra, "le fascisme n'est pas né pour réagir à une fragilisation de la société italienne en1918-1919, comme il l'a prétendu mais, au contraire, pour l'élargir et l'exploiter à fond".
L'auteur le précise à de nombreuses reprises : Mussolini a "toujours menti", "parfois à son corps défendant" , toujours par un "souverain mépris pour les hommes" . C'est sa manière "d'imposer sa volonté de puissance à un peuple qui, trop civilisé, trop tolérant, trop habitué à pactiser, n'en voulut finalement pas".
Pour l'anecdote Mussolini se plaît à laisser la lumière de son bureau allumée pour faire croire qu'il travaille toute la nuit alors qu'il se couche en vérité vers 22 heures !!!
Car les italiens en voulaient-ils ?
En tout état de cause, lors de la Marche su Rome, le 28 octobre 1922,
Victor-Emmanuel et la classe politique italienne, par peur d'une guerre civile, choisirent la reddition face aux paramilitaires des Faisceaux italiens de combat et membres du Parti national fasciste. Mussolini resté tranquillement à Milan attendre 3 jours avant de rejoindre la capitale pour former son gouvernement. 6 mois plus tard, ça en sera fini de la monarchie parlementaire lors d'un plébiscite à presque 8 millions de voix
Maurizio Serra écrit : "S'il avait cultivé le noble art des échecs, mais nous savons qu'il méprisait tous les "passe-temps" , Mussolini aurait compris qu'il avait déjà techniquement perdu la partie, dès son entrée en jeu".
Dans ce cas aurait-t-il entrepris la conquête de l'Ethiopie en 1935, accompagnée de ses exactions, la participation à la guerre d'Espagne. Autant d'actions qui ternissent un peu plus son image, de plus en plus en Europe. A force de vouloir toujours être du côté du plus fort, il mise sur le mauvais cheval : Hitler. Il fera voter des lois raciales en 1938. La déroute de son armée lui sera fatale, il sera déchu en 1943 par le roi
Victor-Emmanuel
Ultime baroud d'honneur il crée à Salo la fantoche République sociale italienne, Mussolini décide de rompre avec les idées de la classe dirigeante traditionnelle, qui l'a trahi, afin de revenir aux idéaux révolutionnaires de la naissance du fascisme. Mais au final ce sera pour lui la fin. Cette "aventure" durera presque 2 ans. Ce concentré du fascisme originel devait annoncer la résurrection du Duce, il sera son tombeau.
Il fuira, sera arrêté et fusillé, avant d'être pendu, tout le monde connaît les photos du corps du Duce pendu par les pieds en place publique à Milan.
Maurizio Serra clôture son ouvrage sur ces mots : "Plutôt que de blinder son cercueil, n'est-il pas préférable de comprendre Mussolini en le dépouillant de son masque et, dans la mesure du possible, de son mystère ? C'est, en tout cas, ce que nous avons essayé de faire dans ces pages."
En tout cas ce livre est une réussite, la mission est remplie avec l'art et la manière