Automoribundía

Je me suis toujours senti exposé aux sévères rigueurs du dehors, bien que par miracle, j'aie vécu en lieu sûr. Voilà pourquoi, à l'histoire personnelle de ma petitesse se joint une part d"histoire universelle de l'animal sous la mystérieuse et claire inquiétude du cosmos.

L'hérésiarque dualité de l'Espagne s'incarne en moi, mais je l'étudie, j'en suis conscient, et je suis prêt à l'étouffer.

"Fées et génies de la forêt, mesdames et messieurs", commençai-je, et je poursuivis en saluant solennellement les étoiles, et pour finir les hommes, tous les désespérés profonds, tous ceux qui ne se redressent que lorsqu'ils chantent le cante jondo.

Les rues avaient une saveur de terre,de caramel de terre, et on sentait que chacun rougissait de devoir vivre.
Nous apprîmes vite ces choses que les enfants se disent à l'oreille,et l'on montra du doigt la grande maison en brique rouge d'une femme passionnelle qui dispensait sa féminité sur la route blanche qui se resserrait à cet endroit.
Nous ne cessions de regarder sa porte au rideau à moitié relevé comme le lieu idéal où poser le regard,contre-poids de la campagne et de son silence.
Je me sentais comme tous les enfants :un chien ou un agneau qui passe sans berger.

J'ai soudain l'idée d'installer un réverbère de rue,la haut ,dans mon studio.Je n'ai d'autre choix que d'en faire la demande à la compagnie du gaz.
Confrontés à ce cas insolite-une demande de réverbère pour une mansarde-les actionnaires se réunissent,puis me le concèdent.
La canne-bâton qui sert à l'allumer ne se vend pas.C'est un attribut qui se transmet d'un allumeur à l'autre,et je finis par obtenir d'un allumeur qui prends sa retraite qu'il me vende la sienne.
Je suis heureux quand,à la tombée de la nuit,j'allume mon authentique réverbère des rues et des places,et il m'est agréable de lire le journal du soir à la lumière d'un réverbère d'angle sans endurer le froid que j'endurerais dehors.J'aborde ainsi d'une manière plus plastique,plus réelle,les nouvelles du monde et le récit des crimes.