Avec cet album, Morris, mais surtout Goscinny commencent à tendre vers leur meilleur niveau qui sera atteint quelques albums plus tard entre La Ville Fantôme et le Pied-Tendre. Ici, chose plutôt rare dans la série,
René Goscinny nous emmène dans l'est des États-Unis (est-ce un Eastern ?) à l'époque de la première ruée vers le pétrole.
Un méchant, Barry Blunt, s'approprie malhonnêtement tous les puits de ses concurrents mais le colonel Drake s'oppose à lui. Évidemment, Lucky Luke sur son fidèle destrier va mener la vie dure à Blunt et s'allier à Drake. Comme toujours, les gags récurrents vont émailler l'aventure pour la rendre hilarante. (C'est une marque typique de Lucky Luke par rapport aux autres séries scénarisées par Goscinny car Morris détestant les calembours dont son comparse était si friand, ce dernier devait s'adapter à son dessinateur.)
Les auteurs se sont également bien documentés, car le personnage d'Edwin Drake, qui a réellement existé, est assez fidèlement rendu tant dans son caractère que dans sa caricature, de même que les dispositifs d'extraction pétrolière de l'époque.
Goscinny nous livre, au surplus, une réflexion bien amère sur le genre humain, avide au gain et égoïste, ainsi que sur la pollution, sujet très peu à la mode au moment où Morris dessine cette histoire (en 1962, je vous le rappelle).
Le scénariste nous glisse aussi, subrepticement, une critique sur le déterminisme social et la détection précoce des criminels, (critique à peine masquée de l'eugénisme) notamment par l'entremise du gros et maladroit Bingle : « Je suis un criminel endurci !!... J'ai de mauvais penchants !... Je battais mes petits frères !... »
Bref, j'aime beaucoup cet album, et même si mon coeur bat plus fort encore pour le tome suivant, Les Rivaux de Painful Gulch, celui-ci reste d'après moi (et aux dires également de l'inspecteur Derrick qui était un fin limier qui préférait rester dans l'ombre) un très bon cru. Mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.