Treize nouvelles écrites au mot scalpel. Des phrases qui fouaillent la plaie pour mieux la guérir, qui vous parlent et vous émeuvent (Navion, Au chevet des vivants) C'est que le soin est au coeur du propos de ce recueil. le soin qu'on devrait porter à l'autre et donc à soi-même. Cinq de ces textes s'expriment à la deuxième personne du singulier pour mieux dire sans doute la singularité de l'autre, la familiarité que nous avons avec lui. Nous sommes tour à tour cet autre en mal de mots et de présence. Aucun être humain ne peut se penser hors du lien à l'autre, un lien où la parole joue un rôle primordial. le « tu » employé pourrait être aussi bien un « Je », il s'adresse à toi, à moi et nous remets dans des situations qu'on a parfois subies, que ce soit dans la vie courante ou lors d'un séjour à l'hôpital comme dans "Un silence pour abri" qui ouvre ce recueil et qui dit à quel point l'individu est parfois nié. La société où nous vivons prône un individualisme forcené où la technologie est sensée nous aider mais ne sert, en fait, qu'à minimiser l'écoute de l'autre et l'attention qu'on lui porte. Heureusement, il reste encore un brin de nature où chercher réassurance et réconfort, par exemple auprès d'une araignée blanche qui vit au coeur d'une rose et dont l'existence « éclaire tes pensées » (Bianca)
Ce recueil dit de manière intime ce que nous percevons, parfois avec désespoir, de cette société de plus en plus libérale où le collectif n'est envisagé que comme la somme d'individus laissés à leur solitude et à leurs peurs pour mieux en faire des consommateurs sans pouvoir de décision, un monde où la solidarité est un voeu sans fondement.
La peur est bien présente dans ces nouvelles ; peur ressentie par le malade a qui on ne donne pas la parole pour exprimer sa douleur, peur et fuite du médecin qui se réfugie derrière les images, les diagrammes et qui ne trouve pas les mots pour annoncer le pire (Les boutons), peur du voisin, un loup garou, peut-être, un fou comme vous et moi (Pleine lune). Regrets aussi de n'avoir pas dit ce qu'on ressentait aux personnes qu'on aimait du temps de leur vivant (Les bonnes joues)
Ces nouvelles nous rappellent que nous avons besoin de la présence de l'autre à notre chevet, des mots que disent les mères à l'enfant au coeur de la nuit effrayante : N'aie pas peur, je suis là. Et si le dernier texte (D'un discours sans rêve) déplore la résignation de ceux et celles qui ont le cerveau laminé par la propagande libérale, il nous invite aussi (en contrepoint) à la révolte.
Françoise Guérin pratique une littérature de proximité, écoutez ses mots, ils vous chuchotent à l'oreille en toute intimité et finalement vous font du bien.
Lien :
https://lavieaucontraire.wor..