L'auteur quitte Paris et prend un aller-simple pour Sète. Elle quitte une vie pour une autre. C'est pour elle l'occasion de faire un point. le récit prend la forme d'une sorte d'auto-analyse assez détaillée. Lorsque l'auteur parle au présent elle dit « Je ». Si elle parle du passé elle dit « Elle ». La distance souligne le propos et rend l'ensemble cohérent.
Le passé de l'auteure revient parfois en lambeaux, rarement avec ses habits du dimanche. « Une foule d'épisodes plus ou moins burlesques se sont emmanchés sans prévenir, à la va comme je te pousse, et maintenant, toutes ces vies antérieures ne lui appartiennent plus. » Elle s'explique et la lumière se pose avec précision sur ses nombreux épisodes dépressifs. C'est éloquent et intelligent.
Ce départ de Paris est une bombe. «
Pars s'il le faut » ne veut pas dire la même chose que « Pars si tu veux » ! Un bilan pour l'auteure. Tout remonte. Ses angoisses, ses peurs, ses audaces, ses faux pas, sa chance et ses frustrations. Paris , ville qu'elle aime, ville qui a servi de décor à ses galères, à ses premiers jobs, à « ses aventures immobilières » ville où elle a « chialé comme un veau » ou elle ressenti « sa douleur, cette douleur mentale si féroce, ce hurlement intérieur qu'on ne peut guère expliquer à quiconque jouit d'un équilibre mental satisfaisant », ville au mille et un visages où tout peut arriver.
Elle a 70 ans cette année « La nouvelle la sidère » elle n'a rien vu venir et « il lui faudra aborder la catégorie vieux, moche, qui a mal partout……..s'embarquer vers la mort avec un coeur d'enfant……Marcher dans les rues d'une ville trop petite. ». Elle sait que la vie sans elle « sera toujours la vie flamboyante un jour, atrocement chiante le lendemain, mais ce sera la vie ».
J'ai aimé ce récit pour plusieurs raisons : Les contrastes sont forts. Les remontées gastriques côtoient l'humour avec brio. Les tournures sont alertes alors que la morosité est perceptible. Je trouve le style marquant, fort et rythmé.
Marie-Ange Guillaume a de la personnalité, couplée avec une lucidité implacable. Elle évoque la nostalgie, les larmes, les toubibs « qui sauvent les vies, mais qui n'ont pas l'air de savoir ce que c'est, la vie », les artistes fauchés, ses amours avortés, tout cela avec la plus belle élégance. Comme quoi le style n'est pas un vain mot et l'humour s'il est pratiqué avec talent permet de tout dire sans trop heurter. En tous les cas les coups durs ne font aucun mal au lecteur.
J'ai aimé cette histoire parce que moi aussi j'ai vécu ce déchirement lorsque j'ai quitté Paris. Effectivement le film se met en route parfois en noir et blanc, parfois en couleur, et tout comme
Marie-Ange Guillaume, je n'aime pas trop que l'on dise du mal de Paris. Mon histoire s'intitulait alors : Pars puisqu'il le faut .
Grâce à Masse critique et aux éditions du passage que je remercie, je sais désormais que jamais je n'irai m'installer à Sète, sauf contrainte avec un pistolet sur la tempe !