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EAN : 9782226014528
280 pages
Albin Michel (23/04/1982)
3.2/5   5 notes
Résumé :
Écrivain, polémiste, grand journaliste, éditeur, adoré par les uns, haï par les autres, Jean-Edern Hallier, d'origine bretonne, fonda successivement la revue Tel Quel avec Philippe Sollers, Les Cahiers de l Herne avec Dominique de Roux et, en 1974, les Éditions Hallier. L'un des grands animateurs de Mai 68, il dirigea le journal L'Idiot international.
Prodigieux animateur de la vie culturelle et politique française depuis dix ans, il fut le premier notamment ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comme Léon Bloy, JEH déteste son époque, regrette le temps du catholicisme romain triomphant, des cathédrales et de la grandeur de l'occident, et voue une haine féroce à ses confrères écrivains ou polémistes qui ont le front d'avoir plus de succès que lui tout en ayant beaucoup moins de talent. Il nous épargne heureusement les saillies antisémites de Léon, et a, lui aussi, parfois, des fulgurances stylistiquement bien tournées. C'est au bout du compte assez pénible à lire, et il faut avoir, comme moi, une coupable affection pour les imprécateurs atrabilaires pour aller au bout. Disparu en 1997, il aurait aujourd'hui 87 ans et je doute qu'il aimerait beaucoup plus le monde de 2023 que celui de 1982. Paix à son âme.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Et, de si loin qu’il m’en souvienne, c’est toujours sur mon cheval de bois à bascule, brandissant mon épée en carton que je caracole. Car c’est la même main d’enfant qui soutient le ciel, la terre et toutes les créatures. Une petite main d’enfant féodale de grand seigneur tenant fermement la bride aux caprices, mise au service de la liberté et de la subjectivité folle qui parviennent à rendre vie aux choses mortes ou qui vont mourir : notre monde à nous, notre monde à défendre, c’est le monde où nous aurons nous-mêmes été des enfants. Il ne faut pas le confondre avec le monde vieilli, où l’on nous condamne à vivre. En nous y retrempant, on se remet à vouloir l’impossible ! A vouloir la lune ! Monde lunaire, oui, aux couleurs vibrantes du souvenir, d’où l’histoire nous est perçue comme dimension souffrante, inguérissable de la sensibilité... Monde inaccessible aux vieilles lunes du marxisme, ou de l’économie capitaliste ! Monde à part – de l’être entre, et non de l’entre deux. Il est à la fois impuissance, puisqu’il ne peut influer, sauf exceptionnellement, sur le cours tragique des choses, surpuissance et régénération de soi-même. Il est distance infinie et proximité inouïe. Ce qui s’y conjugue, en sa pulsion du proche et du lointain, comme au battement même du cœur conscient, est le privilège de très rares -, des artistes, des créateurs, ou de très grands hommes politiques. Pour eux, les événements qui secouent notre géographie universelle se jouent sur quelques tas de sable, aux galeries creusées à la main, et aux remparts précaires, dérisoires, d’un impossible château, que le déferlement des vagues de la marée montante écroulera. Ainsi en va-t-il des flots de l’Histoire, ou des guerres, qui leur parviennent comme des roulements de tambour au fond des jardins de notre enfance...
Celui qui sait y revenir, aux heures difficiles de sa vie, comme jadis en toute innocence, peut se mêler de toutes les affaires politiques de la terre. Ce droit souverain lui revient d’emblée, puisqu’elles ont lieu sur son propre terrain de jeux, son préau délirant, sa forteresse de sable... Depuis toujours, je combats en ces lieux qui échappent aux grandes personnes. N’ayant pu embrasser la carrière des armes, comme mon père, après une blessure de la petite enfance, je ne me suis pas résigné. J’ai perpétué la tradition familiale : je suis devenu général de l’armée des rêves. Ici, je répète que mes songes sont des légions, immédiatement mobilisées à ma seule volonté. Que de campagnes n’ai-je entreprises ? Que de cartes du monde n’ai-je repeintes furieusement à mes couleurs ? Ô formidables batailles, où la liste de mes victoires l’emporte de loin sur celle de mes désastres intimes... Citerais-je ces soleils d’Austerlitz ? Les Verdun de mes ténacités puériles ? Les Pearl Harbor de mes coups de tête ? Ou ces Diên Biên Phu de mes anxiétés aux mains blanches ? Apocalypse Now, et for ever...
Et pour ce qui vous restera à vingt ans d’inguérissables enfantillages, Varsovie, Belfast ou Prague sont à vos pieds, miniaturisés, au microprocesseur fabuleux de l’imaginaire. Penchez-vous, vous verrez : le monde est là, tout près. Un monde à trois éléments qui sont : l’enfance, le temps vécu, et la mémoire charnelle, plus un quatrième : l’âme. Rien de comparable à cette vision plate, qui nous met au pied du mur de l’actualité, le nez sur l’étrange lucarne : le télé-temps. Alors que faire en notre impuissance ? Il nous reste à opposer deux totalitarismes – celui du vieux monde des enfants à celui du monde vieilli des adultes. Celui du monde profond, et léger, à celui du monde sans relief, et horriblement lourd. Celui de l’impuissance enfantine enfin – une impuissance lumineuse et dure, méditerranéenne, de Grec, sous la domination des Perses ou des Romains – à la puissance du totalitarisme mou qui alourdit, leste, plombe et rétrécit notre petite pomme de la terre...
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Le génie est un fou ; le surdoué est normal. Chez l’un, c’est une question d’âme, chez l’autre de cerveau. Le surdoué se définit non par son caractère, mais par son aptitude, sa rapidité ou son efficience. Son cerveau n’est qu’un simulacre important de l’ordinateur. Il est simplement performant : c’est la nature de Monsieur Tout le Monde qui va un peu plus vite. Le surdoué c’est un moteur gonflé. Une petite cylindrée qui s’emballe et que notre société, vouant un culte grotesque aux automobiles et à l’informatique, met au pinacle des Dieux de sa nouvelle religion technologique. D’autant que le génie, n’ayant aucun critère approprié pour se mesurer, devient asocial, donc inutilisable. Et la création n’est-elle pas une maladie mentale ? L’utopie, une perversion ? L’imagination, une tare ? Elle se soigne – comme la liberté en URSS – dans les hôpitaux psychiatriques. Une confusion opportune commode s’établit entre la folie médicalement décelable – un déséquilibre psychique ne produisant des génies qu’accidentellement – et la folie qui n’est pas de ce monde, l’insaisissable, l’intraitable folie, le sénevé infime, l’infiniment petit appliqué à la grandeur de toutes choses : l’âme. Elle n’est pas l’expression d’un déséquilibre, mais d’une connaissance par les gouffres. Aussi notre société s’extasie d’autant plus volontiers sur les surdoués, qu’il lui faut déconsidérer l’âme – où le génie se déploie, se meut merveilleusement à l’aise. Les surdoués sont les héros de la normalisation vers quoi tend la socialisation progressive des individus.
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La grande maladie moderne, c’est l’âme. Nos contemporains adoptent à son égard la même attitude qu’envers le cancer : une peur irraisonnée. Que craindraient-ils si fort ? Que l’Occident retrouve ses assises ? Ou qu’il soit frappé d’une maladie mortelle ? Or, toute la culture occidentale est fondée sur la maladie. Et l’on a voulu absurdement guérir ! Mens sana in corpore sano, quel précepte abject ! L’un des drames de la jeunesse, je vous le dis, c’est sa santé. Se porte-t-elle bien ? C’est qu’elle ne porte plus rien en elle – ni l’inquiétude métaphysique, ni l’insondable détresse, ni la joie, ni la douleur extrême, ni l’esprit d’insatisfaction, d’insécurité et de conquête...
L’ère médicale l’interdit. Les états d’âme, désormais, se soignent avec la chimio-thérapie mentale qu’on appelle psychanalyse – cette théorie des bas instincts, sortie du ventre de la veuve joyeuse, à la veille de l’écroulement de la Mitteleuropa.
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Ce sont toujours les enfants qui viennent sauver l’honneur des adultes – et la part d’enfance en nous, intacte, miraculeusement préservée, qui permet au soulèvement de la vie de faire face, et de renverser l’inéluctable...
L’honneur de la vieillesse c’est l’enfance. Et c’est le déshonneur des adultes que d’entendre l’enfance lui renvoyer, à son propre mutisme, le dernier écho du pouvoir féodal dont s’est nourri le pouvoir bourgeois : son sens de l’honneur. L’honneur c’est la noblesse du monde. Cette part du vivant qui nous manque si fort, à nous autres Européens, pour reconstituer le gâteau d’anniversaire de nos siècles d’apogée révolue. L’honneur ne se sacrifie jamais, on lui sacrifie tout, jusqu’à la vie elle-même.
Il n’y a pas d’autre alternative : ou bien nous vivrons déshonorés, frileusement repliés, en attendant la mort. Ou bien nous réinventerons la noblesse – qui est l’apanage sacré des enfants.
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Aujourd’hui, en mon train endiablé, quand je me retourne, je vois d’autres enfants qui me poursuivent, et se rapprochent. L’un me ressemble singulièrement, avec ses yeux verts, sa mèche noire. Il me fait plus peur que les autres, avec son air de farouche détermination. Lui, est sans pitié. A sa moue dédaigneuse, à son regard perdu et fixe de voyant, je reconnais qui je fus – et qui je redeviens, quand je m’évade de la société des hommes pour travailler à l’un de mes livres. O solitudes enchantées ! Ma force d’oubli se déverse souvent en un havre de grâce, un vert paradis où le temps se gonfle, reprenant sa capillarité perdue, sa subjectivité, et ce rêve habité de réel. Elle est partie. Quoi ? L’Eternité. La voici retrouvée.
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