Trois nouvelles, longues et denses comme de courts romans, mélanges de faits actuels et d'incursions dans le passé, intriqués, mêlés, vécus avec le même relâchement gourmand et sensuel à la fois, parfois bridé, parfois flegmatique. Une tendance à la digression permanente, et c'est là qu'on reconnaît la marque Harrison.
La première nouvelle, Chien Brun, écrite à la première personne par le sus-nommé, met en scène un plongeur sous-marin qui officiait en association avec Bob. À 42 ans, en liberté conditionnelle, il est suivi par Shelley, 24 ans, étudiante anthropologue, sa tutrice légale et son amoureuse. Elle étudie les Indiens et veut revoir un tumulus funéraire chippewa datant de l'époque de Christophe Collomb. CB sait comment y parvenir, mais garde le secret : c'est sa monnaie d'échange avec sa tutrice.
Chien Brun a été un contestataire, il est un peu délinquant, a connu la prison, pris dans une affaire de sirène de bateau en cuivre récupérée sur une épave échouée dans le lac Supérieur (opération illégale) et qu'il avait revendue à un marchand de Chicago. L'argent dont il devait la moitié à son associé, était parti en fumée, une bagarre avait dégénéré, il s'était retrouvé derrière les barreaux.
Mais surtout, au fond du lac, il trouve un jour un chef indien parfaitement conservé, sauf qu'il a perdu ses yeux. de père inconnu, Chien Brun s'imagine là une paternité avantageuse, et se met dans l'idée de le récupérer et de l'enterrer sur le site des tumulus funéraires : vol d'un camion réfrigéré, expédition désopilante, poursuite vaine par la police s'ensuivent.
Des indices permettent aux autorités de le retrouver, un procès a lieu, des arrangements s'opèrent, et CB doit céder quand Shelley en cheville avec la justice lui met le marché sous les yeux : trois à cinq ans de prison ou le moyen d'accéder aux tumulus, et la célébrité pour elle.
Qui protègera ses“ancêtres“ maintenant ? Chien Brun est libre, les mânes de ceux qu'il fantasme lui devoir leur dignité, s'adresseront ailleurs.
Je ne détaillerai pas les deux autres nouvelles. La seconde, Sunset Limited, raconte l'odyssée de quatre anciens amis d'université, “enragés pacifistes“ au moment de la guerre du Viet-Nam, et qui s'étaient fait prendre quand ils avaient saccagé un bureau de recrutement à Boulder. Zip, toujours aussi radical, voire terroriste, se fait prendre par la justice mexicaine. Les quatre se rassemblent pour tenter de lui épargner un assassinat programmé et de le faire sortir de prison. L'opération ne se déroulera pas sans drame.
Plus paisible est la dernière nouvelle qui donne son titre au livre,
La femme aux lucioles, qui conte la révolte d'une femme, bourgeoise aisée, qui ne supporte plus son mari et fugue au moment d'un arrêt de leur voiture sur une aire d'autoroute. Au milieu des champs de maïs, elle revit son passé, ses amitiés fusionnelles, son amour pour sa chienne, et se projette dans un avenir fait de voyages et de rencontres.
On comprend que
Jim Harrison, auteur des grands espaces américains et de personnages marginaux et volontiers blessés à l'âme, combattants sensibles qui peuvent être à la fois mélancoliques et énergiques, inspire à ses lecteurs un culte fervent.