L'Aigle et la Rose

En 2015, lors de la toute première édition des 68 premières fois j'avais pris beaucoup de plaisir à me faire conter par Serge Hayat les tribulations du jeune François, duc de Reichstadt et roi de Rome, fils de Napoléon 1er et de Marie-Louise, exilé à la cour d'Autriche. "L'empire en héritage" était un roman plein de verve, très documenté mais particulièrement divertissant par son ton et le sens de la mise en scène de son auteur. Que l'on retrouve dans ce nouvel opus conçu comme une pièce de théâtre où se joue l'avenir d'une France pas encore remise des ravages de la Révolution et pleine de doutes sur le Directoire en place.

Nous sommes en octobre 1799. le Général Bonaparte décide de rentrer d'Egypte où il vient d'enchaîner les victoires, provoquant ainsi l'affolement de Joséphine, épousée quatre ans auparavant et peu encline à attendre sagement le retour du héros. Se sachant trompé, Bonaparte se méfie également de Paul Barras, l'homme fort du Directoire, pourtant son allié. Ambitieux, le Général sent le vent tourner et les opportunités politiques se préciser. Amoureux, c'est également un homme blessé et dangereux. Son retour cristallise toutes les passions et ce qui va se jouer entre les trois protagonistes en l'espace de quelques heures va influer bien au-delà de leurs destins personnels.

Serge Hayat orchestre un passionnant jeu de dupes, une lutte de pouvoir où tous les coups sont permis. Bataille psychologique, rouerie, mensonges, charme... on assiste au déploiement de stratégies qui ne doivent rien au hasard et tout aux pédigrées des personnages que viennent opportunément rappeler quelques flash back. Barras est un politicien rompu aux retournements de situations, déjà revenu d'entre les morts ; Joséphine née Rose, déjà mariée et mère avant Bonaparte est une louve habile et intrigante sur laquelle Barras ne s'est pas trompé lorsqu'il l'a mise sur le chemin de son poulain général ; quant à Napoléon dont on connait bien sûr le destin, son instinct et sa soif de victoires alimentés par un sentiment de revanche familiale le guident vers les sommets.

Reconstituant en toile de fond le contexte instable de l'époque, l'auteur offre un huis-clos déterminant et captivant, riche en rebondissements, une joute verbale pleine de saveur et d'habileté où les ambitions se dévoilent et justifient tous les coups. de ces moments qui font basculer L Histoire lorsque le terrain est mouvant. Savoureux et instructif.
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Une série de huis-clos implacables où l'auteur met en scène un trio d'ambitieux: Barras, Joséphine et Napoléon. de secrets d'alcôves en secrets d'État, rien n'échappe à l'oeil impitoyable de Serge Hayat qui en est à son deuxième et excellent roman historique. Nous somme aux dernières heures du Directoire, régime politique en état de "mort cérébrale". L'auteur nous promène d'un palais à l'autre, et met à nu la psychologie trop humaine de ceux qui ont fait l'histoire de France, étant à tour de rôle marionnettes et marionnettistes. le Paris de l'an VIII devient un jeu de l'oie où les protagonistes passent du jeu de rôles au jeu de dupes. Napoléon revient de sa campagne d'Égypte, sûr de lui et dominateur. Cela fait déjà quelques années que Napoléon perce sous Bonaparte... En revanche son attitude en amour est à l'extrême opposé et son manque d'assurance crève l'écran! Barras l'épicurien s'accroche au pouvoir "comme une moule à son rocher", mais il sent bien qu'il joue le dernier acte de sa carrière politique. N'est pas Talleyrand qui veut... Joséphine, quant à elle, joue au chat et à la souris avec ses deux ambitieux, tout en se souvenant de son séjour à la prison des Carmes, que "la roche Tarpéienne est proche du Capitole". La construction des scènes très théâtrales est remarquable. La tension entre les personnages, leurs angoisses, leurs faiblesses sont à leur paroxysme. Quelques retours en arrière sur la carrière mouvementée de Bonaparte (l'épisode méconnu de son arrestation à Antibes, ses querelles d'enfance) permettent un éclairage complémentaire et nuancé au travail des historiens.

Bravo à Serge Hayat de L'Aigle et la Rose pour son toupet ! Pas facile d'écrire sur Napoléon qui reste un sujet très surveillé. Je trouve personnellement que c'est une réussite. J'ai été emporté par la plume méticuleuse et intrusive. On est immédiatement plongé dans cette fiction historique moderne et haletante sur fond de Directoire et de coup d'état...