Tout ce que j'avais entendu de l'île Maurice était que c'était le pays de l'arc-en-ciel, de la multiculuralité, île ou se sont rejoints des population, des langues, des cultures et des religions d'Afrique, d'Asie et d'Europe. Par anticipation, j'avais supposé que ce beau monde vivait en harmonie.
Dans ce court roman percutant, il n'en est rien.
Priya Hein, Mauricienne installée en Europe depuis plusieurs décennies, revient sur son pays d'enfance à travers le portrait de Noémie, une jeune adolescente d'un village de pêcheurs,
Riambel. Plus précisément, elle vit dans une cité, un "Kan kreol", un bidonville, un ghetto, comme vous voulez.
A deux pas de la cité, des résidences hôtelières, des boutiques touristiques, et surtout le "château", ancienne demeure colonialiste où plusieurs générations d'esclaves ont travaillé et engendré des bâtards, et où travaille aujourd'hui la mère de Noémie comme domestique.
Le vilage, son château, son église et ses plages reproduisent la ségrégation silencieuse, le racisme et un post esclavagisme à peine déguisé où les brimades sont communes.
Noémie en est plus que consciente mais à appris à se comporter comme il lui est demandé: baisser les yeux, ne pas se faire remarquer, malgré la révolte qui bouillonne en elle.
Le roman est composé de courts textes, parfois des poèmes, parfois des injonctions. Les premières pages - la relation de Noémie et de sa soeur au lagon, vital pour elles tout autant que l'air - sont magnifiques de beauté. Par la suite, j'ai moins adhéré à l'écriture parfois trop dans un pathos que j'ai trouvé maladroit.
Il a fallu, tout au long de cette lecture - qui reste courte - revoir mes préjugés sur cette île et accepter que ce néo-colonialisme, avec toute sa violence, existe encore bel et bien là où je ne l'avais pas soupçonné.