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EAN : 9782296568310
258 pages
Editions L'Harmattan (10/02/2012)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Jusqu'à quel point l'intrusion dans l'arène politique consititue-t-elle un frein pour l'égalité des sexes? Quelles en sont les retombées sur les combats que mènent les femmes ? Ces questions sont au coeur de ce numéro, qui s'appuie sur une recherche dans une dizaine de pays de quatre continents marqués par des traditions religieuses diverses, souvent antagoniques.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je commence par des pas de coté.

La gauche émancipatrice n'a pas tenu ses promesses en regard des revendications et des luttes de femmes, ni ici ni ailleurs. Ce qui explique, partiellement, pourquoi des femmes « recourent » à d'autres positionnements, d'autres idéologies, pour (r)assurer leurs positions dans les rapports sociaux, dans les rapports de domination. Voir sur ce sujet, le livre d'Andrea Dworkin : Les femmes de droite
(« L'incapacité de l'Etat moderne et laïque à satisfaire ses promesses de démocratie et de développement », « l'incapacité des mouvements démocratiques d'accorder une place centrale aux revendications des femmes pour l'égalité », « les partisans de la justice sociale ne soutiennent pas nécessairement les droits des femmes, surtout les droits reproductifs ou sexuels » écrivent Shahra Razavi, Anne Jenichen et Jacqueline Heinen)

Le second pas de coté est plus interrogatif (sur ce sujet je remercie Pierre pour ses récentes remarques). Les processus de sécularisation, de déchristianisation en Europe occidentale commencés avant la Revolution française, de dé-judaïsation dans le Yiddishland au début du XXème siècle (faute de connaissances, je ne prends que ces deux exemples), les détachements des ordres religieux, la mécréance ou l'athéisme sont rarement étudiés comme phénomènes sociaux. Il me semble indispensable de les aborder dans les recherches et débats sur les relations entre « religion et politique ».

En dernier point, je souligne, le simplisme de certain-e-s à propos des religions, leur contournement de l'historicité du religieux, des conditions historiques des réalisations/pensées religieuses, la non prise en compte des asymétries entre religion dominante et religion dominée, entre religion des dominant-e-s et religion des dominé-e-s…

Afin qu'il n'y ai pas de confusion, je souligne, que les textes proposés dans ce numéro hors série des Cahiers du genre, ne font l'impasse ni sur les contextes socio-historiques, ni sur les complexités ou les contradictions dans les rapports entre religion et politique.

Sur les religions, les rapports du politique et du religieux, les analyses au « prisme du genre », les interrogations à partir des situations, des mouvements féministes ou des droits des femmes sont indispensables.

Trop souvent, dans la juste dénonciation des instrumentalisations racistes des combats des femmes, des lectures euro-centrées faussement universalisantes, la non prise en compte du caractère genré des rapports sociaux, marginalise (voir nie la nécessité de) la spécificité des combats et droits des femmes.

Et si les agendas des unes et des autres expriment la discordance des temps, les temporalités différenciés dans les luttes concrètes, partout les femmes sont confrontées à des politiques leur refusant les moyens et/ou le droit à la maitrise de leur corps, le droit à la contraception et/ou à l'IVG, à des constructions sexistes leur imposant des rapports sexuels non désirés et des grossesses non voulues, au nom de traditions, de cultures, de moeurs, de corpus religieux… pour l'intérêt bien compris des hommes en tant que groupe social.

En introduction, Shahra Razavi, Anne Jenichen et Jacqueline Heinen abordent, entre autres, les attaques des confessions dominantes en Europe et en Amérique latine ou du nord contre les « droits reproductifs des femmes », la division « privé-public », les droits individuels et collectifs, le contrôle « des rapports interindividuels dans la sphère privée » par les autorités religieuses, les programmes de moult courants religieux sur « les questions d'ordre avant tout moral, idéologique et identitaire ». Elles analysent les rapports entre religion, nationalisme et conflits ethniques, elles soulignent l'exemple les coalitions des groupes évangéliques conservateurs avec les laïques néolibéraux dans le Parti républicain états-unien…

Espagne, Hongrie, Russie, Suisse, Pologne, Tunisie, Maroc, Egypte, Mexique, Chili, Etats-Unis, Inde, Pakistan, Nigeria, Iran, Israël, Turquie…. Traditions religieuses diverses : christianisme, hindouisme, islam, judaïsme… Etats formellement laïcs ou religion d'Etat… Lorsque la religion est au service de l'Etat, Les auteures constatent une « incitation à l'autoritarisme », sans oublier les aspects paradoxaux de la démocratie formelle.

Shahra Razavi, Anne Jenichen et Jacqueline Heinen insistent sur les nécessaires alliances « pour une justice de genre et une justice économique », alliances de feministes – religieuses et laïques -, ou de la prise en compte des entrelacs « entre divers types de discriminations ». Comment revendiquer le droit à l'avortement et au contrôle de son corps en absence de services de santé publique de qualité ? Comment rendre concrets les droits formels au divorce et à la garde des enfants en absence d'autonomie et de moyens financiers pour les femmes ? « Pour que les droits fondamentaux des femmes se matérialisent, il faut à la fois un dispositif juridique garantissant l'autonomie individuelle et un programme assurant des droits économiques et sociaux ».

Les auteures terminent sur l'action militante à l'échelle internationale, les réseaux régionaux ou internationaux tels les Catholiques pour la liberté de choix, le DAWN (Development Alternatives with Xomen for New Era ou le WLUML (Femmes sous les lois musulmanes)…

Sans traiter de l'ensemble des analyses et des textes, je souligne certains points.

Les auteures analysent les interaction entre religion, politique et genre ; les liens entre social et politique, public et privé ; les prescriptions de genre limitant l'autonomie des femmes, les codes de la famille et les statuts personnels, les injonction à la « morale publique », la ségrégation sexuelle, les législations « sacrées et immuables », la substitution de la législation à la foi…

Elles parlent des luttes des femmes, des accusations portées contre les droits des femmes au nom de la lutte contre l'occidentalisation, des militantes islamistes et de leurs interprétations des textes religieux, des campagnes comme « Stop pour toujours aux lapidations », des objectifs féministes, du Code civil unique, des alliances entre femmes…

Les auteures analysent le développement de l'autoritarisme avec les Etats policiers ou dictatoriaux, les contradictions des « théocraties républicaines », les politiques religieuses des Etats formellement laïcs, l'inégalité des droits des communautés minoritaires, les politiques identitaires, l'instrumentalisation des femmes, les terrains d'entente entre groupes religieux et leurs visions du « corps féminin », les renouveaux religieux, les ségrégations spatiales, les constructions ethno-religieuses, l'absence de mariage civil, les politiques de re-criminalisation de l'avortement…

Elles examinent la laïcité comme séparation de la religion et de l'Etat, les définitions contestables de l'Etat laïc, les identités multiples et mouvantes, les poids des communautés religieuses ou des appareils cléricaux…

Je souligne particulièrement l'article de Ruth Halperin-Kaddari et Yaacov Yadgar : Nationalisme, religion et (in)égalité de sexe en Israël au prisme du droit de la famille, qui aborde des problèmes rarement mis en avant.

Au total un ensemble de texte brassant différents arrangements politico-socio-religieux, et une constante, le refus de l'égalité des femmes et des hommes, au nom de la complémentarité des sexes, des injonctions « divines », des cultures et traditions, des replis identitaires… Des analyses abordant les phénomènes religieux dans leurs inscriptions concrètes dans les réalités socio-économiques, leurs effets politiques en particulier pour les femmes.

Des femmes qui résistent, luttent pour leur autonomie et la maitrise de leur corps, construisent des relations internationales, critiquent les corpus interprétatifs, construisent des mouvements féministes…


Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
les partisans de la justice sociale ne soutiennent pas nécessairement les droits des femmes, surtout les droits reproductifs ou sexuels
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Pour que les droits fondamentaux des femmes se matérialisent, il faut à la fois un dispositif juridique garantissant l’autonomie individuelle et un programme assurant des droits économiques et sociaux
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