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EAN : 9782917084748
125 pages
Attila (06/06/2013)
3.83/5   9 notes
Résumé :
Vivant dans une mansarde, humilié par la maîtresse de sa pension, un romancier pauvre et inconnu écrit un roman expérimental illisible de 1 500 pages, dont la lecture fait fuir tout le monde autour de lui. Tout le monde, sauf son meilleur ami, Coco Pico de la Mirandole, qui déniche un éditeur sado-maso aspirant à faire faillite. Promis à un échec total, le livre devient hélas un bestseller en France. La critique argentine retourne sa veste et des milliers d'exemplai... >Voir plus
Que lire après Aventures d'un romancier atonal ; L'épopée du Roi ThibautVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Aventures d'un romancier atonal » fait partie de ces livres « à-part » dont on se demande de quel esprit loufoque ils ont bien pu surgir, dans quel terreau étrange ils ont germé et crû pour donner cette oeuvre originale et fantaisiste, à la fois humoristique et érudite, contemporaine et anachronique, universelle et pourtant très personnelle.
L'on a bel et bien entre les mains ce que d'aucuns appelleraient un Objet Littéraire Non Identifié !
Il faut parfois attendre des années avant de pouvoir découvrir de grands auteurs, pourtant réputés dans leur pays d'origine, mais totalement inconnus dans nos contrées. C'est le cas d'Alberto Laiseca, dont l'oeuvre, célébrée en Argentine, est jusqu'alors restée inédite en France. Les fameuses éditions Attila, toujours très visionnaires et perspicaces dans le choix de leurs publications, ne s'y sont pas trompées en décelant chez l'auteur argentin le digne héritier d'un Jorge Luis Borges, d'un Roberto Arlt ou d'un César Aira… d'un auteur, enfin, qu'il fallait sans plus tarder faire découvrir aux lecteurs français.

Ce qui attire en premier lieu dans « Aventures d'un romancier atonal », c'est déjà le superbe objet-livre illustré par le dessinateur Helkavara, avec sa couverture colorée et tape-à-l'oeil. On devrait plutôt dire SES couvertures, car le livre contient en réalité deux histoires. Côté pile, côté face : deux facettes d'une même pièce, deux partitions très différentes l'une de l'autre mais issues d'une même orchestration qui, composées et menées de main de maître par l'habile chef d'orchestre Laiseca, révèlent toutes deux l'univers insolite et cocasse de l'auteur. En retournant le livre, l'on a donc la surprise de découvrir une seconde histoire : « L'épopée du Roi Thibaut ».

« Aventures d'un romancier atonal » raconte les péripéties d'un écrivain méconnu et sans le sou, grand admirateur du musicien Arnold Schönberg, s'acharnant depuis dix ans à écrire « un roman atonal », vaste et hétéroclite édifice fictionnel combinant à l'envi, sciences, histoire, musique, peinture, religion, mathématiques, géologie, etc…Un roman-somme expérimental de plus de 2000 pages dont l'assemblage dissonant, hermétique et excessif relève davantage de la torture chinoise que du page-turner…
Vivant dans une pension minable tenue par une vieille femme redoutable qui règne sur ses locataires comme une Pharaonne sur des Nubiens, le romancier peut malgré tout compter sur l'indéfectible soutien de son ami Coco Pico de la Mirandole. Ce dernier s'est présenté à Ferochi, éditeur tyrannique, sadique et suicidaire, n'aspirant à rien d'autre qu'au sabordage professionnel. Contre l'assurance que le livre sera un désastre et causera assurément la ruine de son éditeur, le roman atonal est finalement publié. Et bien sûr, le livre est un succès !...

Conservé dans la bibliothèque personnelle de Coco Pico de la Mirandole, « L'épopée du roi Thibaut » est un récit extrait du chef-d'oeuvre unique du génial romancier atonal. Présenté à la manière des manuscrits d'autrefois, avec encadrement, lettrines et enluminures humoristiques signés Helkavara, le texte, écrit comme un conte, raconte les exploits du roi Thibaut et la guerre sainte qu'en des temps archaïques il mena contre Saladin, calife de Russie, et son peuple de musulmans. Aux commandes de titanesques machines de guerre qui auraient pu tout droit sortir de l'imagination fertile d'un Léonard de Vinci et montés sur de gigantesques animaux préhistoriques domestiqués, les deux clans s'abîment dans de féroces combats jusqu'à la quasi extinction de la civilisation, du moins jusqu'à un retour à l'âge de pierre, où, très lentement, l'histoire peut recommencer et qu'ainsi, des millénaires plus tard, un roi-archéologue découvre les vestiges de ce qui fut une ère de turbulences et de démesures.

Par ces deux histoires, le lecteur pénètre dans l'antre imaginaire d'Alberto Laiseca, une oeuvre qui se construit comme une tour de Pise, bizarre, biscornue, mais néanmoins solidement fichée dans un sol fictionnel savamment pensé et mûrement réfléchi. Sorte d'architecte fou évoluant dans un univers décalé et farfelu, Laiseca bâtit son édifice chimérique à partir d'une infinité de matériaux littéraires et de disciplines qu'il mélange, à l'instar de son personnage d'écrivain atonal, en un judicieux bric-à-brac où tout est « vraiment » vrai et rien ne l'est vraiment. Docteur Faustus du roman moderne, l'auteur se revendique d'un « réalisme délirant ». En quelques pages à peine, son « Epopée du Roi Thibaut » embrasse l'histoire humaine en brassant les périodes en un extravagant amalgame, un peu comme si les troupes napoléoniennes étaient parties en conquête montées sur des dinosaures ou si l'aviation allemande s'était illustrée avec des escadrilles de ptérodactyles…
C'est à la fois un travail profondément érudit et une gigantesque farce jubilatoire et satirique dont la part d'ironie explore et explose allègrement les rapports de domination entre les sexes, règle ses comptes au milieu éditorial et assimile les références, les sources et les influences pour recréer un monde illusoire totalement libéré des contraintes littéraires.
Auteur non-conformiste s'il en est, d'une totale indépendance d'esprit, Laiseca signe un roman inclassable issu de ses propres déboires de créateur et dont certains passages sont à eux-seuls des morceaux d'anthologie.
Liberté, culture, humour et désinvolture…les lettres argentines ont encore accouché d'un auteur surprenant aux joyeuses élucubrations !
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130 pages d'hommage ultime, bouillonnant de sens et de drôlerie, à la littérature expérimentale.

Publié en 1982 en Argentine, en 2013 en France grâce aux toujours remarquables éditions Attila et au talent du traducteur Antonio Werli, le deuxième roman d'Alberto Laiseca, en deux apparemment modestes volets de 70 et 60 pages, s'installe parmi ces oeuvres, relativement rares malgré tout, qui peuvent marquer durablement et profondément leur lecteur.

Un romancier maudit vit dans une mansarde, sous la coupe de sa redoutable ogresse de logeuse, tentant de mettre la dernière main, depuis des années, à un monument de 1 500 pages, roman qui doit être à la littérature ce qu'Arnold Schonberg fut à la musique : un foisonnement thématique aussi total que subverti dans la sérialité et, donc, l'atonalité. projet à la fois mystérieux, résolument expérimental et comme de juste, totalement invendable... Jusqu'à ce que le meilleur ami de ce romancier, pour lui permettre d'échapper à l'indignité subie de la part de sa propriétaire, finisse par dénicher un éditeur suicidaire, qui, pour des raisons lui appartenant, souhaite faire faillite, et qu'il est donc aisé de convaincre que ce roman-ci en sera le parfait vecteur. Las, grâce à la réaction enthousiaste de la critique française, même l'édition argentine, d'abord logiquement conspuée dans son propre pays, connaît le succès, et le livre devient un best-seller littéraire mondial... Et c'est là le récit du premier cahier de 70 pages.

Monté tête-bêche avec le premier, un second cahier nous livre le seul fragment existant encore de ce roman ultime, "L'épopée du roi Thibaut", qui raconte l'assaut lancé par les divisions de chevaliers montés sur dinosaures du roi en question contre la Russie musulmane, et tout particulièrement le siège de Minsk, la bataille de Smolensk, l'intervention de la secte des Assassins depuis leur repaire de l'Oural, et le quasi-balayage de la civilisation par une peste particulièrement sévère qui saisit l'opportunité de ces batailles titanesques pour se répandre dans les armées, puis dans les peuples...

Ce roman est un miracle, une narration qui parvient à défier l'entendement. En 130 pages, il élabore une construction d'un incroyable brio, parvenant à faire saisir, intellectuellement et aussi émotionnellement, tout le foisonnement potentiel de la cathédrale littéraire sans cesse évoquée, et pourtant montrée uniquement par fragment et allusion, à faire deviner au lecteur, comme se jouant de lui avec sérieux, l'ultra-référentialité du récit actuel et du récit possible, à faire exister ces centaines de pages imaginaires.

Comme un hommage essentiel à la notion même de littérature, parcouru d'une incessante drôlerie à la fois totalement baroque et déjantée, et totalement ambitieuse dans son propos expérimental et théorique. Un très rare tour de force. Un bonheur de lecture.

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Pour parler d'«Aventures d'un romancier atonal», on a envie d'user d'un train de qualificatifs : flamboyant, érudit, hétéroclite, délirant et férocement drôle, surtout quand on connait le lien entre l'histoire de ce romancier, auteur d'un roman fleuve expérimental impossible à publier, et la biographie d'Alberto Laiseca.

Grâce à l'intervention efficace de son ami Pico de la Mirandole, un écrivain admirateur de Schönberg, vivant dans la misère sous la coupe d'une logeuse qui a tout de la sorcière, réussit à faire publier son roman atonal par un éditeur sadomasochiste, qui cherche par cet acte à parachever son suicide.

«L'éditeur avait ses quartiers remplis de microphones, d'enregistreurs, de bandes magnétiques, de microfilms, de livres, de disques, etc., tout dans le plus grand désordre. Coco trouva le maitre des lieux allongé sur le sol, voué à une drôle d'activité. Il était précisément en train d'enrouler son oreille droite dans un fil de cuivre. Il avait pour objectif, à très courte échéance, de brancher le tout dans une prise de courant, et de s'électrocuter.»

En retournant le livre, on peut lire soixante pages miraculées du roman atonal en question, disparu dans un séisme après un succès aussi immense qu'inattendu, comme une fenêtre ouverte sur un monde foisonnant et démesuré, et dont on semble ici réellement ne saisir qu'un fragment. La destinée du roman, et ses rebondissements, sont à l'image de l'écriture d'Alberto Laiseca, géniale et déroutante, et avant tout, libre. On a donc juste hâte de continuer à explorer son oeuvre, «Palais du Facteur Cheval littéraire » selon les mots d'Antonio Werli en postface.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Elle avait deux yeux de verre, Doña Clota la pantouflarde. Deux yeux de verre, et pourtant elle voyait tout. À toute heure, été comme hiver, elle portait des nuisettes à capitons multicolores, aux surfaces usées desquelles s'agglutinaient d'immondes et minuscules pompons. L'incomparable tortillon royal ! De toute évidence, le chignon était venu au monde le premier ; à sa suite seulement, la bonne femme. Là résidait sa puissance, le secret de sa force. Personne ne le savait. Pourtant, qu'un accident la prive de cette authentique tour, non seulement l'effondrement psychique aurait lieu, mais encore l'écroulement physique de toute la pension Usher. ici, donc, comme sur une table d'émeraude, reposait son secret philosophal. Samson et les philistins, pour ainsi dire.
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