Un roman graphique exige de l'attention et beaucoup d'efforts pour savourer les images, bien les comprendre, et jouir des mots sans les autoriser à nous fabriquer les images qu'ils pourraient faire jaillir puisqu'elles sont déjà là. Puis faire le lien entre les images et les mots, un peu comme quand on regarde un film en VO dans une langue inconnue.
Les peintures d'
Aude Samama sont magnifiques, les regards de ses personnages éloquents, profonds. Des solitudes qui tentent de se parler, se comprendre, un peu comme chez Hopper. Chacun enfermé dans son monde, son histoire, sa vérité. Sa vie minuscule. Sa monstruosité. Sa souffrance.
Un mot m'est venu assez tôt dans le roman : « gossip ». le propre des villages et des petits quartiers, pour tronquer l'ennui, chasser l'angoisse, une façon d'exister.
Aude peint délicieusement les paysages. Ils nous embarquent, nous enveloppent, convoquent nos sens, évoquent les senteurs, les bruits de la forêt ou de la campagne, le silence du village, sa rumeur au comptoir, à l'abri d'un foyer.
Le roman s'ouvre sur des moutons blancs dans les prés. Il se clôt avec les loups dans la forêt. La rencontre. Bien sûr que l'homme est un loup pour ses propres enfants, et pour ses semblables.
Être un animal, oui.
Les mots de
Cyril Herry, sobres, efficaces. Ils disent l'essentiel. Ils disent la violence des hommes et la beauté du lien. Ils disent l'impossible enfermement. La liberté. Peut-être plus que les mots, c'est le silence qui les accompagne et j'ai aimé ce silence.
C'est très très beau, un conte philosophique, profond et émouvant.