Je précise tout d'abord que ma lecture, ma compréhension et mon appréciation de ce livre n'engagent que moi, c'est un avis tout personnel.
Derrière ce titre en forme d'oxymore,
Delphine Horvilleur parle de la mort, de sa vie de femme et de rabbin confrontée à des morts diverses et variées et à ceux et celles qu'elle accompagne dans sa fonction de rabbine. Et ce n'est pas parce qu'elle est « habituée » comme on le lui dit souvent qu'elle apprivoiserait la mort sans aucune crainte.
Les différentes histoires qu'elle nous raconte ont des liens avec sa vie personnelle de femme, d'étudiante, de rabbine. Elle commence par les funérailles d'
Elsa Cayat, assassinée le 7 janvier 2015, plusieurs mois après, celles de Marc, son correspondant avec qui la psychanalyste de
Charlie Hebdo allait écrire un livre. Elle nous parle avec chaleur et respect des deux amies,
Marceline Loridan-Ivens et de
Simone Veil, les filles de Birkenau devenues des icônes des droits des femmes. Elle évoque son amie Ariane, emportée bien trop tôt par une tumeur au cerveau, dont elle a accompagné la fin de vie sur le fil étroit entre amie et rabbin. Elle raconte Myriam, rencontrée quand
Delphine Horvilleur étudiait à New York, une vieille juive américaine obsédée par la préparation de ses funérailles. Elle nous parle de son oncle Edgar, enterré en Alsace. Elle raconte aussi des figures bibliques, Isaac, Ismaël, Jacob, et le grand Moïse qui vécut jusqu'à 120 ans, mourut, nous dit la Torah, en pleine force de l'âge et dont personne ne connaît la tombe.
Autant de récits, bibliques ou non, qui disent la vie, la mort, la peur de la mort, l'incompréhension, le chagrin, qui tissent des liens entre le visible et l'invisible, entre ce que l'on vit et ce que l'on croit de l'au-delà. Des extraits de la Torah éclairent avec à-propos les histoires individuelles, ils sont particulièrement intéressants (à mon sens) parce que les traductions apportent une fraîcheur, un éclairage nouveau et qu'elles sont intimement mêlées aux interprétations proposées au long des temps par le Talmud, entre autres. Les histoires rencontrées interpellent donc la rabbine dans sa vie personnelle et tissent des liens précieux. L'humour n'est pas exclu et j'y ai goûté d'excellentes blagues juives.
A la fin du livre,
Delphine Horvilleur évoque l'assassinat d'Itzhak Rabin en 1995. On comprend entre les lignes que l'auteure défend un sionisme ouvert, un sionisme qui laisse la place à l'autre, qui reconnaît qu'il n'est pas seul sur le terrain. Lire cela m'a fait du bien en ce moment où la « Terre sainte » résonne de violence, d'horreur et de prises de pouvoir insensées au détriment des populations civiles israéliennes et palestiniennes. Lire
Delphine Horvilleur, c'est entendre sa voix musicale, souvent sollicitée dans les médias, c'est entendre une voix ouverte, chaleureuse, attentive à tous. Une voix qui dit que la religion peut être une source de vie, de bon vivre ensemble. Une voix libre.
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