Je sais que ce livre risque de me mettre sérieusement en colère, mais j'estime que l'ouvrage de la grande experte en France,
Valérie Igounet, du lamentable phénomène du négationnisme est un ouvrage qu'il faut avoir lu. En colère, parce que les gens curieux lisent pour s'instruire, tandis qu'une poignée s'applique à fabriquer consciencieusement de fausses histoires.
Les motifs de ces esprits créateurs peuvent se résumer à essentiellement deux ; l'antisémitisme et la gloire personnelle et très souvent les deux combinés. À moins que la publication de livres sert de justification pour avoir été du mauvais côté lors de la dernière guerre mondiale, comme ce fut notamment le cas de
Marc Augier (1908-1990) qui a écrit des romans sous le nom de plume
Saint-Loup et qui s'était engagé dans les Waffen-SS et a combattu sur le front de l'Est.
Pendant des années j'ai suivi les péripéties du négationniste notoire britannique, David Irving, né dans l'Essex en 1938, et qui a joui d'un certain succès dans les pays anglo-saxons avec des oeuvres historiques ou soit-disant historiques. Comme il n'est pas historien de formation il a pensé pouvoir se permettre des libertés quant aux sources et réalité historiques. Ainsi, il a accusé
Churchill de la mort du général Wladyslaw Sikorski, chef du gouvernement polonais en exil, or qu'il a été victime, avec sa fille Zofia, d'un accident d'avion en 1943 près de Gibraltar.
En 1996 il a porté plainte contre l'historienne américaine,
Deborah Lipstadt, qui dans son ouvrage "Denying the Holocaust" (nier la Shoah), l'avait accusé de négationniste. Un procès qu'il a grandiosement perdu et pour les frais duquel il a été obligé de vendre sa maison. Selon Irving Hitler ignorait tout de la Shoah !
Contrairement à Irving,
Valérie Igounet a un doctorat en histoire contemporaine et est actuellement directrice adjointe de l'Observatoire du conspirationnisme. Elle a écrit, en 2014, "
Le Front National de 1972 à nos jours". En 2000, elle a publié chez Seuil un volumineux ouvrage "
Histoire du négationnisme en France" de presque 700 pages.
Le livre que j'ai en main est paru dans l'excellente collection "Que sais-je" en février dernier et ne compte que 127 pages.
Cette
histoire du négationnisme en France commence déjà en 1948 avec la publication de "
Nuremberg ou la Terre promise" par
Maurice Bardèche (1907-1998). D'après lui, les victimes sont les Allemands et les Juifs sont les véritab
les responsables de la Seconde Guerre mondiale ! En 1952, il est condamné à un an de prison et une grosse amende. Bardèche a été le beau-frère de
Robert Brasillach, fusillé en février 1945. Il s'est vanté d'être fasciste et est, avec
Paul Rassinier (1906-1967), considéré comme le fondateur du négationnisme français.
Rassinier a parcouru l'échiquier politique de l'extrême gauche (d'abord communiste, puis socialiste) à l'extrême droite.
Pendant la guerre il a été incarcéré au camp nazi de Buchenwald. Sa biographe,
Nadine Fresco, a dėvoilé les liens de Rassinier avec des néo-nazis allemands. Il est l'auteur, en 1967, de "Les responsables de la Seconde Guerre" : les Juifs, bien entendu !
La "star" du négationnisme en France pendant très longtemps se nomme
Robert Faurisson (1929-2018). Un homme sûrement intelligent, expert en littérature, mais dont le souci majeur consistait à être au centre de l'intérêt. Il aurait dit ou écrit n'importe quoi afin qu'on parle de lui. Comme l'auteure, qui lui a déjà consacré une monographie en 2012, ce personnage m'inspire une profonde horreur et je ne tiens nullement à m'attarder sur ces fines réalisations. le fait d'avoir lié le dossier des chambres à gaz "bidon" à celui de la diabolisation de l'État d'Israël, lui a valu une réception d'honneur à Téhéran par le président Mahmoud Ahmadinejad. L'homme s'est qualifié lui-même de "pape du révisionnisme".
Robert Badinter, devant une cour parisienne, l'a traité de "faussaire de l'histoire". Et c'est exactement ce qu'il a été : un falsificateur et un menteur professionnel !
L'apparition d'internet et des groupes sociaux ont favorisé grandement l'expansion inquiétante du négationnisme et de l'antisémitisme. Surtout depuis l'an 2000 les supporteurs de ces "doctrines" forment comme le note
Valérie Igounet "une nébuleuse fourre-tout qui regroupe, entre autres, anciens écologistes, ultra-gauchistes, islamistes, communistes, catholiques intégristes, tiers-mondistes ou encore néonazis....
L'auteure passe aussi en revue des auteurs tels
Roger Garaudy (1913-2012),
Thierry Meyssan et son aberrant "L'effroyable imposture" (2002),
María Poumier, Vincent Renouard (qui nie même le massacre d'Oradour-sur-Glane), l'essayiste François Duprat,
Alain Soral, Dieudonné M'Bala M'Bala, Béatrice Pignède etc. etc. etc.
Dans ce contexte, père et fille le Pen ne sauraient manquer au tableau, quoique l'auteure se montre relativement indulgente envers
Marine le Pen, qui essaie de libérer son Parti du négationnisme.
Il y a de quoi se mettre en boule lorsqu'on apprend que messires Pierre Guillaume et
Serge Thion ont créé en 1996 le site Aaargh ou "Association des anciens amateurs de récits de guerres et d'holocaustes". Dans le genre "débiles dangereux", il est difficile de faire mieux !