Page 360, Yvan Jablonka écrit : " Ces derniers temps; mon enquête m'a rendu triste ". La lecture de son livre rend également triste le lecteur, triste, bouleversé et bousculé. C'est un récit poignant qui décrit sans concession, sans camouflage notre société. Après avoir fait revivre ses grands-parents dans un précédent livre : " L'histoire des grands-parents que je n'ai pas eu ", bouleversante histoire de sa famille, juifs polonais émigrés en France, qui vont disparaître dans les camps nazis, il s'attache cette fois-ci à rendre un hommage, à faire revivre une jeune fille de dix-huit ans,
Laëtitia Perrais atrocement assassiné en janvier 2011, dont le meurtre a déclenché un déferlement médiatique et la mise en cause du suivi judiciaire du meurtrier par le Président de la république de l'époque, entraînant une grève nationale des magistrats. Après avoir obtenu l'accord de Jessica, la soeur jumelle de
Laëtitia, rencontré les témoins, les journalistes, les juges, le conseiller justice du président, assisté au procès en appel du meurtrier, parcouru les lieux, en écrivain historien, il retrace leurs vies faites de violence familiale, de placements en foyer, en famille d'accueil, mais aussi d'un indéfectible lien entre elles deux. Il montre qu'avant d'être la victime d'un drame devenu une affaire d'état,
Laëtitia a été une enfant maltraitée, une adolescente anxieuse, une jeune femme qui aspirait à se sortir de cette spirale. Il alterne les chapitres qui traitent de sa vie et ceux qui traitent du meurtre, de l'enquête, de la recherche du corps à l'autopsie, de la personnalité du meurtrier, du procès, de la pression médiatique et de la récupération politique, sans oublier ceux qui concernent le comportement du père de la famille d'accueil, dans laquelle avaient été placées les jumelles, à la fois son comportement devant les médias, mais plus sordide son comportement vis à vis de Jessica, dont il abusait sexuellement. On a des difficultés a imaginer que des enfants puissent être autant malmenés par la vie, mais aussi que des êtres humains, le meurtrier et le père d'accueil puissent avoir des comportements aussi pervers. L'écriture de Yvan Jablonka est très vivante, on est désemparé devant certaines révélations. Avant la victime, il y a une vie!