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sur 881 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cet ouvrage, je l'ai acheté un peu par hasard, je voulais acheter « En camping-car » et je suis sortie de la librairie avec Laetitia. A priori, un essai sur un fait divers, ça ne m'intéressait pas vraiment. En plus je n'avais pratiquement aucun souvenir de cette affaire, à croire que j'étais en panne de télé au moment de l'affaire. J'ai aimé ce parti pris de se placer du point de vue de la victime, de tenter de la connaître et de la comprendre. le récit d'Ivan Jablonka déborde d'humanité, il fait preuve d'empathie et en même temps traite son sujet avec une certaine sobriété.
Laetitia et sa jumelle Jessica n'ont connu que violence : violence de leur père, violence du père de leur famille d'accueil, et pour finir violence de Tony Meilhon. Certains n'aiment pas le déterminisme que semble souligner l'auteur. Certes Ivan Jablonka laisse entendre que c'était prévisible, mais prévisible ne veut pas dire sûr et certain, et en ce sens Jessica montre que ce qui est prévisible n'est pas forcément écrit. Entre Laetitia et Jessica ne diffère que le hasard d'une rencontre. Reste que pour certains enfants, tout va de travers, de la toute petite enfance jusqu'à l'âge adulte, et que ces jumelles sont très emblématiques et avaient déjà tout pour l'être, avant même les emballements et errements politico-médiatiques autour de l'affaire. Pour moi ce livre montre à quel point il est extrêmement difficile de se sortir d'une enfance cabossée, et que même si c'est possible, les différents acteurs sociaux dont c'est la tâche n'ont pas toujours les moyens pour aider ou ne sont pas toujours à la hauteur. S'en sortir relève alors du hasard d'une rencontre, bonne ou mauvaise.
Le style d'écriture d'Ivan Jablonka est très agréable à lire, la lecture est facile, les chapitres plutôt courts, alternant les thématiques, variées (histoire de chaque protagoniste, rôle de la justice, des avocats, des services sociaux, nature humaine, politique, journalistes), ce qui permet au lecteur de souffler (psychologiquement). le tout est analysé avec simplicité et sans emphase. Ce qui en fait une très bonne enquête socio-judiciaire, très loin des épisodes de « Faites entrer l'accusé ».
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En janvier 2011, Lætitia Perrais, 18 ans, est enlevée avant d'être poignardée et étranglée. Pendant 2 ans, l'auteur a rencontré les proches, la famille ainsi que les acteurs de l'enquête, avant d'assister au procès du meurtrier. Il livre dans ce livre l'histoire de Lætitia, celle du fait divers devenue affaire; celle sociologique, révélatrice de la violence faite aux femmes; celle, plus intime, d'une adolescente meurtrie qui tente de diriger sa vie. C'est surement grâce à l'écriture de ce troisième regard, celui de l'écrivain, que l'auteur rend hommage à Lætitia, en la racontant elle et non pas uniquement le fait divers ou l'étude sociologique.
Un récit émouvant et juste qui redonne toute sa dignité à cette jeune fille.
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Un récit bien mené, qui sort des sentiers battus et ne rentre pas dans le voyeurisme. Difficile d'avaler les pages d'une traite, il faut de temps en temps prendre du recul tellement le fait relaté est cruel. Mais au delà de la mise en lumière de ce fait divers, de son étude, c'est toute notre société et ses travers qui sont mis en lumière.
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Roman, documentaire, étude historique, essai sociologique, « Laetitia » est un peu tout cela et bien autre chose aussi, un instantané de notre époque, un hommage à cette jeune fille massacrée, une envie de lui redonner sa dignité et une identité de femme en devenir et surtout ne pas la figer dans un statut de victime.
Janvier 2011, Laetitia, 18 ans, est enlevée à quelques mètres du domicile de ses parents d'accueil. Elle sera battue, étranglée puis poignardée. Sa dépouille dépecée ne sera retrouvée que de longues semaines après l'arrestation de son meurtrier Tony Meilhon. Instrumentalisé par la Président de la république d'alors, ce fait divers devient affaire d'Etat et entre dans l'Histoire lorsque de 8 000 magistrats battent le pavé dans une gigantesque et inédite manifestation muette mais ô combien bruyante.
Ivan Jablonka reprend à la fois la dramaturgie et les codes stylistiques du polar (tension, alternance des chapitres entre hier et aujourd'hui) pour les associer aux outils de recherche communs aux enquêteurs de police, aux journalistes et à l'historien qui y rajoute une dose d'analyse sociologique.
Le résultat est bluffant. le lecteur est accroché par la facette thriller, respecté par les apports documentaires. A chacun de se faire son opinion, son propre chemin, même si Jablonka indique clairement son point de vue.
Analysée comme un objet d'histoire, la vie et la mort de Laetitia illustre dramatiquement mais justement la violence faite aux femmes. le regard affuté de l'auteur s'attache également à éclairer des champs peu investis par la fiction et les médias : la vie dans une province moyenne, son prolétariat, sa culture populaire et les modes d'expression contemporaines où le journal intime est remplacé par Facebook.
A la manière d'un Emmanuel Carrère ou d'un Truman Capote, Jablonka prend fait et cause dans le récit, y apporte ses connaissances d'historien sans mettre de côté pour autant sa sensibilité et son engagement d'homme. Si on peut être choqué par la violence et la brutalité des faits et des êtres, on reste cependant admiratif du travail de la police et de la justice sur le terrain. Ivan Jablonka s'attache à dresser avec force et justesse les portraits de toutes les parties prenantes : les parents, la famille d'accueil, Jessica sa soeur jumelle et même Tony Meilhon. Curieusement, surgit au centre de cette galerie de personnages l'absente. Laetitia, bien que morte, reprend alors toute sa place. Ainsi Jablonka la restitue en tant que personne vivante, vibrante, une adulte en devenir. En cela, l'exercice d'hommage est réussi.
Il est également important de dire, que la finesse et la clarté de son analyse s'appuie sur une écriture précise et nerveuse. On est saisi tant par le fond que par la forme.
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Un grand merci à Ivan Jablonka pour ce livre. Il nous raconte ce qui s'est passé le 18 janvier 2011. Laetitia a été enlevée à 50 mètres de chez elle, avant d'être tuée. Elle avait 18 ans. Ce livre éclaire sa fin tragique et notre société toute entière: un monde où les femmes se font harceler, frapper, violer, tuer.
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Ce livre est tout simplement magnifique et bouleversant. C'est un peu la chronique d'une mort annoncée. L'auteur nous démontre combien ce n'était pas un hasard, hélas, si Laetitia est devenue une proie, la proie d'un homme, ce mardi 18 janvier 2011. Laetitia était une victime non pas désignée mais latente car son système de protection était désactivé depuis l'enfance. "La manière dont Laetitia se jette dans la gueule du loup a quelque chose de suicidaire, sa mise en danger volontaire a une résonance tragique qui est l'écho de son enfance... Soumission à la loi des hommes... Laetitia en est l'héritière."
"Comprendre comment un fait divers en tant qu'objet d'histoire, c'est se tourner vers la société, la famille, l'enfant, la condition de la femme, la culture des masses, les formes de la violence, les médias, la justice, la politique... faute de quoi le fait divers reste un arrêt du destin."
Avec ce livre, Ivan Jablonka parvient à ne pas réduire Laetitia Perrais à sa mort et à une victime d'un fait divers. Il lui redonne la vie qu'elle méritait. A lire absolument
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Ce roman est d'un type particulier. Il vient d'obtenir plusieurs prix. le romancier est d'abord un historien mais son écriture, la structure de sa pensée, sont en adéquation avec l'histoire de cette oeuvre. La narration de l'horreur est toujours délicate. Comment ne pas sombrer dans la dépression tout au long de ces 370 pages ? Grâce au talent de l'auteur, il est possible ( parfois c'est difficile ) de lire avec ferveur, parfois avec douleur, le récit détaillé, précis d'un fait divers datant de 2011. Merci et encore bravo au romancier.
Philippe Dumoulin

« Je me suis dit que raconter la vie d'une fille du peuple massacrée à l'âge de 18 ans était un projet d'intérêt général, comme une mission de service public »
Si les criminels sont toujours tout petis, du fait même qu'ils en soient, Ivan Jablonka lui, est un très grand écrivain. Et c'est une jeune fille défiant son sort, qui voulait s'en sortir malgré toutes les barrières que la vie lui avait mises depuis sa naissance (père violent, mère dépressive, famille d'accueil incestueuse) dont il fait le portrait sensible et fort, l'accompagnant avec courage, détermination et méthode (Jablonka est historien et sociologue) jusque dans les plus sombres et fatals recoins de son destin. Rien n'est moins divers qu'un fait divers, nous dit l'auteur. Et c'est avec une intelligence qui force l'admiration ainsi qu'avec une irréprochable probité, à l'image d'un Zola, qu'il retrace les faits, les procès, les responsabilités.

A.L Boistard
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Autopsie d'une tragédie sociale

"Les contours de la littérature française sont-ils en train de se redessiner, bousculés et dérangés par la vitalité des sciences sociales ?" se demande Juliette Cerf dans Télérama, à propos du dernier livre d'Ivan Jablonka, "Laetitia ou la fin des hommes". Ça me fait penser à cette dédicace qu'Annie Ernaux m'a écrit en première page de son livre, Mémoire de fille : "Pour Stéphanie, par compréhension de ce qu'apporte la sociologie à la littérature".
L'affaire Laetitia, 2011. Je n'en ai d'abord pas de souvenir. L'évocation du nom de Tony Meilhon me rafraichit un peu la mémoire. Meurtre sordide. Point. Je n'ai plus les détails, je ne situe même plus l'histoire dans sa géographie, celle qui m'est pourtant proche puisqu'elle s'est déroulée à quelques dizaines de kilomètres de chez moi. Une zone côtière de l'Atlantique que j'associe à l'été, au plaisir des ballades en bord de mer.
Or, Ivan Jablonka va me replonger dans l'affaire de ce féminicide en me livrant page après page l'autopsie d'une tragédie sociale. Et là après l'intérêt de côtoyer de plus près des personnages que j'ai eu l'occasion de rencontrer ici à Nantes, dans la ville où je vis et travaille, une avocate, un procureur…Après l'intérêt de vivre de l'intérieur l'expérience d'une enquête criminelle, ses méthodes, ses tensions, les réflexions de ses différents protagonistes, arrivent successivement une colère sourde et une infinie tristesse face à l'impitoyable description de ce destin où les déterminismes psychosociologiques n'auront de cesse d'anéantir les élans, l'énergie, le courage, l'envie de vivre et de s'en sortir d'une jeune fille , Laetitia Perrais, née le 4 mai 1992 à Nantes et morte à 18 ans près de Pornic, sans que l'on arrive précisément à situer le lieu du décès .
On peut invoquer toutes les sirènes de la méritocratie, rejeter la sociologie de Bourdieu, je ne vois pas comment on peut nier après cette lecture le déterminisme social à l'oeuvre dans les trajectoires de vie. Comme l'écrit Ivan Jablonka: "L'affaire Laetitia révèle le spectre des masculinités dévoyées du XXIème siècle, des tyrannies mâles, des paternités difformes, le patriarcat qui n'en finit pas de mourir […] "Comprendre ce que Laetitia a fait et ce que les hommes lui ont fait, n'est pas sans rapport avec la démocratie".
Alors oui, j'ai pleuré vers la fin du livre mais ce que j'ai aimé et ce que je vais retenir, c'est l'humanisme de cette écriture qui rend admirablement sa dignité aux victimes de ces tragédies sociales. Un humanisme qui appelle à poursuivre sans relâche, le combat pour l'égalité et la lutte contre les violences faites aux femmes.
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C'est une enquête, non c'est un essai, non c'est un roman, c'est une vie racontée surtout, une vie de jeune femme achevée avant de prendre son envol, cernée par des hommes peu ou pas du tout bienveillants. Parce qu'elle semble n'avoir existé qu'à travers les gros titres des journaux papier ou télévisuels, Jablonka tente de redonner vie et grâce à Laëtitia pour qu'elle ne soit pas uniquement que la victime d'un crime atroce, mais qu'elle redevienne la jeune femme de 18 ans, qui construisait sa vie après des débuts difficiles dans ce monde, qui voulait laisser derrière elle le passé et se construire un joli avenir.
Jablonka a indéniablement été touché par Laëtitia et sa soeur, Jessica avec laquelle elle formait un "couple" sororal : l'une cheveux longs, gracieuse, adoptant tous les codes féminins et l'autre, plus sèche, cheveux courts, arborant comme en permanence une tenue de combat pour se protéger sans forcément réussir. Certaines vies sont terrifiantes d'injustice et de cruauté et elles ne se passent pas toujours au delà de nos frontières, mais près de chez nous, autour de nous : nous ne les voyons que lorsqu'elles nous explosent au visage dans le bruit, la fureur et les aboiements des hommes.
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Un portrait touchant d'une jeune fille, Laetitia Perrais, dont la vie chaotique et la fin tragique auraient pu rester un fait – comme on le dit malencontreusement – divers ; un de ces évènements qui ne s'inscrit nulle part et nous plonge dans l'horreur, mais qu'on se plait à reléguer bien vite au rang des exceptions. Comme ce monstre qui l'a, non seulement violée, mais démembrée pour ajouter du sordide à l'atrocité et au malheur. Pourtant il n'y a rien de « divers » dans ce drame ni dans le parcours de celui qui a commis cet acte innommable sinon un inextricable réseau de causes et d'effets d'origine sociale bien souvent difficile à démêler.
Que dire d'une société impuissante à protéger de jeunes enfants de parents toxiques, incapables de discerner les failles d'un père d'accueil, véritable tartuffe, qui va se révéler, in fine, un homme abusif et violeur? Quant au meurtrier : on a envie de prononcer à son encontre le mot déchet et d'oublier que lui aussi est potentiellement une victime.
Derrière tout cela se dessine en creux le machisme et l'inceste, sa résultante qui déstructure des vies entières. Sans omettre la violence, sur fond de misère, accrue par le chômage, les ravages de l'alcool et des drogues ; l'incompétence des services sociaux à détecter la détresse des enfants. Lesdits enfants lorsqu'ils sont interrogés (expérience perso) le sont dans la maison des parents d'accueil qui par ailleurs sont toujours prévenus de l'arrivée d'une assistante sociale. Ils sont donc briefés et savent qu'ils doivent contrôler leurs paroles sous peine de représailles ou d'être à nouveau transbahutés dans une autre famille qui sera peut-être pire. Quant aux foyers, ils ne peuvent pallier, en aucun cas, le manque affectif.

Concernant la récidive, je ne m'inscris pas vraiment dans les propos de l'auteur, p 148 « aucune société, fût-elle totalitaire, ne peut éradiquer le crime. le mal, le désir de transgression, l'envie, la folie étant constitutifs de l'espèce humaine, le risque zéro n'existe pas. »
Certes, si le risque zéro n'existe pas, je suis convaincue qu'une vraie société de partage, plus éthique, peut faire baisser le seuil de récidive de façon significative en offrant des structures d'accueil plus adaptées, un travail valorisant et en privilégiant l'éducation et la culture ; et aussi en donnant à la justice les moyens d'accomplir sa mission (Sarkozy s'insurge contre ses dysfonctionnements, mais ne prend à aucun moment la mesure de la responsabilité qui incombe à l'État sur ce sujet.)

Quant à l'aliénation soulignée par les médias, Laetitia compose avec du mieux qu'elle peut. Et, dans ce marasme ambiant, on perçoit à la fois malgré son désespoir latent, une générosité et une force de caractère peu commune qui la maintient en vie jusqu'à ce triste jour, où on ne comprend pas vraiment pourquoi, on s'interroge encore sur ce basculement qui tient de l'attitude suicidaire, elle va briser ses repères et, contre toute attente, suivre dans un premier temps un individu louche qu'elle connait à peine.
C'est le mérite de ce livre d'avoir donné une voix et un visage au désespoir de cette toute jeune fille qui n'avait pas les mots pour le dire, ce qui permet peut-être à sa soeur jumelle Jessica de trouver un semblant de réconfort et va à l'encontre de cette indifférence généralisée dont elles ont été toutes deux les victimes dans leur enfance.
C'est avant tout un récit profondément humain qui interroge…
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