"Impertinent et critique" tels sont les qualificatifs de la collection dans laquelle s'inscrit le livre. Elle est faite de petits essais accessibles sur des questions du moment dont le traitement se veut à rebours de la pensée unique (eg "Une Rolex à 50 ans. A-t-on le droit de rater sa vie ?"). L'objectif est ainsi de montrer que les choses sont souvent plus complexes que ce que le discours ambiant, jivaro-réduit, veut nous laisser croire. Et de ce côté-là, l'ouvrage est effectivement bien dans le ton. le titre et le sous-titre accrocheurs permettent déjà d'en juger en situant d'emblée le débat dans une certaine provocation et une certaine iconoclastie au sujet de la croyance en Dieu et des religions. Et forcément tout est à l'avenant : l'impertinence est également dans le traitement du sujet, dans le style et dans sa conclusion. Ainsi, pour ce qui est du Paradis, oui nous irons tous, et pour ce qui est de notre niveau de crétinisme, il y a fort à parier que Dieu n'ait pas grand-chose à voir avec le sujet.
Là, j'ai carrément cassé le suspense en révélant la fin de l'énigme ! Mais la nouvelle est tellement importante que je ne peux même pas imaginer que vous ne puissiez l'avoir, même dans l'hypothèse, peu plausible, où, malgré cette critique, vous ne liriez pas le livre.
Bon, mais me direz-vous, vous, on vous la fait pas. C'est pas le tout d'affirmer des choses, même très sympathiques pour l'humanité, mais il faut avoir un minimum d'arguments. Mais là, c'est plus sûr d'acheter le bouquin.
Bon, pour ceux qui ne voudraient toujours pas, voici quelques pistes en très gros, voire en énorme.
Ainsi, l'auteur convoque la philosophie, ses penseurs, son histoire et ses raisonnements pour traiter le sujet en trois parties – comme il se doit – :
1°) Antithèse :
Le Paradis ? Portnimwak ! Et pourquoi pas Nabilla à Polytechnique (non mais allô quoi !) et
Marc Levy à l'Académie française ! Ça fait longtemps qu'on ne croît plus au Père Noël, alors le Paradis… alors Dieu… D'ailleurs, ça fait pas un bail qu'il est mort ? Ben si, notamment à cause des derniers coups de merlins des trois désenchanteurs du monde moderne,
Nietzsche, Marx et
Freud. Ainsi, croire n'est rien moins qu'être faible, aliéné et névrosé. C'est sûr, ça fait pas envie ! D'où l'athéisme ambiant. Mais, athéisme qui peine à trouver des valeurs et un sens au monde, hormis ceux de l'économie de marché et de l'individualisme, sujets à dérives sans réelles limites en l'absence de tels repères de sens.
2°) Thèse :
Blessé seulement. "Dieu respire" encore. Tout d'abord parce que le phénomène religieux ne faiblit pas, n'a jamais vraiment décru et réapparaît spontanément et avec force là où il a été chassé par les adeptes de nos trois teutons susnommés, montrant peu ou prou leur échec. Ensuite, parce que chacun perçoit ces dérives et en vient à se poser la question du sens de la vie ; or cette problématique est justement dans le code génétique des religions. Enfin, parce que des penseurs, à l'initiative de
Kant*, expliquent les limites intrinsèques de la raison et du savoir humains ; limites qui laissent à Dieu un espace d'existence possible dans le champ de la pensée, et non plus uniquement dans celui de la croyance. Ce qui fait tout de même plus sérieux pour quelqu'un qui a tout de même créé l'Univers et Zlatan – excusez du peu – !
3°) Sainte thèse :
Donc puisque Dieu a la possibilité d'exister, qu'est-ce qu'on en fait ? On le prie. Et c'est cette prière qui a le pouvoir de réenchanter le monde parce qu'elle est l'expression la plus haute de la vie de l'esprit. Attention ! Pas la prière magique à deux balles : « Petit Jésus, fais que je puisse avoir une Rolex en or, parce que, Kevina, la sienne, elle est qu'en plaqué ! » ! Non ! La vraie prière que la mystique nous apprend, qui nous fait retrouver notre élan vital, celui qui doit nous désengluer de nos vies matérielles sans issue, et qui donc nous mène recta au Paradis. Auquel, je vous rappelle, nous irons tous puisqu'il n'y a pas d'autres chemins possibles.
L'intérêt de ce petit essai, au-delà du ton sympathique et prenant, est de remettre intelligemment sur la table la question de la compatibilité entre foi et raison en l'abordant via la philosophie et non via la théologie. En ne se référant que peu aux religions, il se veut donc lisible par le plus grand nombre, croyant ou pas, et d'autant plus lisible qu'il fait aussi le choix de la clarté et de l'accessibilité. Il a également l'avantage de permettre à tout le monde de se décomplexer sur la question de Dieu et des religions. Les croyants en les confortant dans le fait que malgré les critiques et moqueries de tout bord, leur démarche a un sens encore plus universel. Les non-croyants en laissant apercevoir que la foi n'est pas forcément une lubie ou une affaire d'extrémistes et/ou de réactionnaires ou une nécessaire béquille à la vie ou la résultante d'une emprise psychologique d'un gourou, qu'elle peut donc inspirer le respect et pas seulement la tolérance, et voire même pour certains que, dans le bazar où est le monde, ça vaut peut-être le coup de jeter un coup d'oeil sur de telles approches alternatives.
Donc, à un de ces jours au Paradisio Club d'Eden Park ! On y est tous attendu !
* « C'est chié ! » dixit Kador**
** le chien des Bidochon, of course !