Un très bel ouvrage à la plume intensément précise. Comment ne pas voir en ce livre des questions personnelles qui touchent tout jeune, devant se battre ou se fondre dans une culture religieuse ? Un livre tout en réflexivité et historicité qui fait réfléchir aux questions de déterminisme et de parcours de vie.
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Livre fascinant dans lequel l'auteur raconte plus ou moins sous forme de fiction ses évolutions d'adolescent.
Issu d'une famille juive peu pratiquante, il plonge dans la religion, fréquente intensément les synagogues, veut devenir rabbin. Puis très brusquement, envahi soudainement par le doute, se tourne vers la philosophie.
Nous avons tous vécu ces valses-hésitations, abandons, décisions communs à tous les hommes mais surtout aux ados. Souvent ils sont subis sans trop comprendre.
Nathan, lui, veut comprendre et nous explique !
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Qu’apporte la philosophie à l’existence ? Que change-t-elle à nos vies ? Dans son brillant essai Penser contre soi-même, le normalien Nathan Devers apporte une réponse très personnelle à ces questions ressassées […]
Lire la critique sur le site : LeSoir
L'auteur et philosophe, qui publie Penser contre soi-même (Albin Michel), analyse la révolution de l'intelligence artificielle à travers le spectre de la littérature.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
En un récit trépidant et captivant, le chroniqueur de Transfuge Nathan Devers nous convie à suivre les aventures de son esprit, de la religion à la philosophie.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Dans "Penser contre soi-même", un récit autobiographique époustouflant, [l'auteur] raconte la tentation rabbinique de son adolescence.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Ce livre foisonnant éclaire comme nul autre les trajets obscurs d’où émerge un désir d’être philosophe. Sa plus intéressante leçon est sans doute de faire entrevoir comment l’existence forge en silence la pensée.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Un ouvrage inattendu et pour le moins salvateur qui désigne les contours même de l’existence inachevée en flirtant volontairement avec certains usages surannés sans pour autant bouleverser les procédés littéraires et les procédures romanesques
Lire la critique sur le site : Actualitte
Il s'agit de discuter dans l'abstrait, qu'est-ce que " la philosophie"?
(...) En à peine quelques minutes, la notion de philosophie avait perdu son centre de gravité pour s'ouvrir sur un bouquet divergents d'aspirations multiples et de passions mobiles.
(...) et si " la philosophie" n'était rien d'autre qu'une volière d'ascension plurielles, un échange de trajectoires, d'itinéraires où chacun s'enfonce seul, en éclaireur de soi ?
(...) le soleil crée en moi un étrange sentiment de culpabilité m'obligeant à tout interrompre sur le champ pour profiter de lui. Sinon, j'ai la mauvaise conscience du tournesol à l'ombre.
La naissance est un décès à l'envers. Une mort qui sourit.
[chapitre 4 de l’épilogue]
Une première solution serait de soutenir que, pour penser par soi-même, il faut commencer par essayer de déconstruire toutes les entraves dont dépend la pensée – et donc de s’en prendre au « soi » qu’on est avant de méditer. Cette tâche est infinie, à l’image de la variété des contraintes qui pèsent sur notre esprit : physico-chimiques (corporelles), historico-géographiques (contextuelles), sociales, familiales, religieuses, idéologiques, mais aussi psychologiques, biographiques, affectives, instinctives… Par-delà leur diversité, ces facteurs tiennent tous à un fait brut : nous n’avons pas choisi d’exister. Nous n’avons pas non plus sélectionné notre point d’entrée dans le monde, qui est à la fois décisif et relatif, incontournable et contingent. Penser contre soi serait ainsi un travail de désobstruction perpétuel. Cette tâche, personne ne l’achèvera jamais, mais est-on seulement capable de s’y aventurer ? Elle paraît, en effet, mener vers une aporie : quand j’essaie de me détacher de mes déterminations, cette volonté n’est-elle pas également le fruit d’autres déterminations ? Pour qu’un « soi » se retourne contre l’image qu’il se fait de lui, il faudrait qu’un autre soi le soumette à un examen critique, qu’un quatrième déconstruise le troisième, qu’un cinquième conteste le quatrième… Régression à l’infini qui conduit à une certaine forme de désespoir. Au constat désabusé que nous n’aurons jamais raison de notre finitude : quand je prétends penser contre moi-même, n’est-ce pas une autre version – un autre masque – de moi-même qui pense ? Ne suis-je pas, toujours, l’otage de mon moi ?
Et s’il s’agissait plutôt de désobstruer le « soi » ? Non pas de penser à rebours de soi-même, mais contre l’idée selon laquelle on serait un « soi-même » ? Car cette notion est auréolée d’une certaine confusion. Que nomme-t-on le moi ? Il y a déjà chez Descartes une différence entre le moi biographique – celui qui a étudié à l’université, qui a appris la littérature, les mathématiques, la théologie, l’histoire de la philosophie – et le moi méthodique : celui qui décide de s’enquérir de la vérité. Chez Kant, cet écart se déplace. Il conduit à distinguer le « je » et le « moi ». D’une part, le pôle de la subjectivité ; de l’autre, le moi concret, celui de l’expérience psychologique que j’explore quand je me livre à l’introspection. Or, ces deux instances ne se fondent jamais l’une dans l’autre. Il n’y a pas de miroir qui permette à l’esprit de se réverbérer. Le « moi » n’est jamais « je ».
Mais si le « je » était lui-même un piège ? Si nous étions dupes de la transparence supposée de notre conscience ? Et si c’était toujours un « moi » qui pensait : un moi incarné, subjectif, biaisé, qui ne présente en lui-même aucun critère, aucune norme qui puisse guider sa pensée ? Un moi qui ne soit rien d’autre que le produit d’un corps engagé dans une histoire relative ? Tel est peut-être le mirage du doute cartésien : c’est un doute momentané. Un doute qui s’arrête dès la Deuxième Méditation. Un doute qui croit qu’il a fini le travail, sous prétexte qu’il bute prétendument sur un point de vérité : le cogito. Mais qu’est-ce que le cogito ? Comment savons-nous qu’il émane d’un « ego » ? D’où sommes-nous sûrs qu’il « pense » ? Et s’il importait donc de se libérer non seulement des tutelles étrangères, des maîtres de conscience mais aussi et surtout de l’emprise du « soi-même » ? L’enjeu n’est pas, à travers cette question, de tenir nécessairement le cogito pour un mirage de plus. Il est incontestable que j’ai l’expérience du « je pense », que je me sens exister, que je me pose des questions, que je suis en proie à certaines croyances. Mais ces phénomènes ne justifient pas d’interrompre le travail du doute. Ce qui n’est pas légitime, en ce sens, c’est la somme des évidences qu’on peut leur associer : pourquoi mon cogito serait-il l’œuvre d’un pur esprit rationnel, autonome, doté d’une lumière fiable, susceptible enfin de devenir le fondement absolu de mes méditations ?
Mais à quoi ressemblerait une philosophie qui enverrait valser toutes ces certitudes ? À une vie, justement : une âme organique, un esprit fait de chair. Une quête incorporée.
Nathan, tu le sais à présent : ce sont les livres qui lisent à l’intérieur des hommes. Leur but n’est pas d’exprimer ce que l’auteur veut dire mais de t’examiner. Tandis que tu t’échines à étudier leur sens, ils analysent ton âme. Ils ont ce singulier pouvoir, alors que tu te crois maître de leur exploration, de palper tes secrets. Ils creusent dans ton coeur, ils sondent tes mystères. En visiteurs des songes, ils auscultent ce que ta conscience n’a jamais su nommer. À mesure que tu les traverses, ils exhument tes failles, ils réveillent tes ombres. Silencieux malgré le grand bruit de leur verbe, ils opèrent leur guerre de vérité. Leurs phrases sont des miroirs et leurs pages des yeux : ils deviennent, tout rédigés qu’ils soient, les lecteurs de leurs propres lecteurs. Ce n’est qu’une fois leur travail achevé que tu finis par comprendre qu’ils ne déroulent rien d’autre qu’un commentaire de toi. Et j’ai vu dans ton être sitôt que tu m’ouvris.
Nathan Devers raconte dans son nouveau livre, intitulé "Penser contre soi-même", comment il est passé de futur rabbin à écrivain. Au-delà de ce changement d'orientation, c'est le processus de changement de paradigme que Nathan Devers cherche à mettre en lumière, ce moment où l'on va "désapprendre à naître", c'est-à-dire "sortir de soi". À travers cette expression il fait référence à plusieurs prises de conscience qui visent à se dire : "j'aurais pu naître ailleurs, j'aurais pu naître autrement. J'aurais peut-être défendu avec le même acharnement des idées, des croyances complètement contraires. J'aurais peut-être eu des pratiques contraires". L'auteur et philosophe explique que c'est la recherche de questionnements plutôt que de réponses qui l'a poussé vers la philosophie. Ainsi, penser contre soi-même consiste pour lui à "ne jamais être dupe de son époque, de sa culture, de son identité". Il évoque la rigueur, l'éthique et l'auto-critique sur toutes ses formes dont l'humour pour essayer de sortir de ce carcan. Cependant, il concède qu'il n'est pas totalement possible d'adopter ce type de raisonnement.
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