Trois nouvelles d'un auteur découvert lors de mes recherches de remplacant(e)s d'Emily Broente, Daphné du Maurier et autres Jane Austen. Bien que masculin, l'auteur a dans son écriture une finesse et une précision que je me vois obliger d'imputer à son coté anglais de la fin du XIXème siècle, même s'il n'était en fait qu'un américain expatrié!
Trois nouvelles donc, mais dont l'intérêt décroit malheureusement au fur et à mesure. "L'élève" est excellente, "L'image dans le tapis" nous captive avec un secret dont nous ne connaitrons jamais le contenu, et "La bête dans la jungle" tente de répondre à ce thème, malheureusement de manière beaucoup moins captivante. Reste qu'à mon avis Henri James est loin d'être un auteur facile, sorte de Marcel Proust anglo-saxon, se perdant dans les méandres de ses pensées et de la complexité humaine.
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Le pauvre jeune homme hésitait et temporisait. Il lui était bien difficile d’aborder la question rétribution, de parler argent à une personne qui ne parlait que sentiment et semblait ne s’intéresser qu’aux choses du grand monde. Prendre congé, pourtant, eût été s’engager de façon définitive. Et il voulait auparavant régler ce côté conventionnel de son affaire. Mais il était embarrassé par les façons affables de cette grosse dame. Assise devant lui, elle tâchait d’introduire une main dodue et chargée de bagues dans un gant sale. Et, tout en pressant ce gant, tout en le faisant glisser, elle répétait des tas de choses excepté ce qu’il aurait voulu entendre, c’est-à-dire le chiffre de son traitement. Juste au moment où il allait nerveusement sonder le terrain, le petit garçon revint — le petit garçon auquel Mrs Moreen avait dit d’aller chercher son éventail. Il revint sans éventail, remarquant sur un ton détaché « qu’il ne pouvait pas le trouver ». En laissant échapper cet aveu cynique, il dévisagea hardiment le candidat à l’honneur de prendre en main son éducation. Ce dernier se dit, non sans mélancolie, que la première chose à apprendre à son petit élève serait de paraître s’adresser à sa mère en lui parlant et surtout de ne pas lui faire de réponse aussi inconvenante.
Lorsque Mrs Moreen s’était avisée de ce prétexte pour éloigner son fils, Pemberton avait supposé que c’était précisément dans l’intention d’aborder le sujet délicat de sa rémunération. En réalité il ne s’agissait que de dire sur cet enfant de onze ans des choses qu’il valait mieux qu’il n’entendît pas. Elle vanta ses qualités de façon extravagante. Mais à certains moments, elle baissait la voix, soupirait et se frappait le côté gauche d’un geste familier : « Il y a pourtant un gros point noir. Il est absolument à la merci d’une faiblesse. » Pemberton en conclut que cette faiblesse était du côté du cœur. Il savait que le pauvre petit n’était pas robuste. Cette question de santé avait été l’origine des pourparlers engagés avec lui par l’entremise d’une dame anglaise. Cette dame, ancienne relation d’Oxford et qui se trouvait alors à Nice, était au courant et des besoins de Pemberton et de ceux d’une aimable famille américaine à la recherche d’un précepteur de premier ordre. La première impression qu’eut le jeune homme de son futur élève ne fut pas la facile attirance sur laquelle il comptait. Morgan Moreen, aussitôt le précepteur introduit, était entré comme pour voir par lui-même de quoi il s’agissait. C’était un enfant d’aspect délicat, mais non maladif. Il paraissait intelligent et certes Pemberton ne l’eût point aimé stupide. Mais il ne pouvait passer pour joli avec sa grande bouche et ses grandes oreilles.
[...] Ils étaient d'une gentillesse extraordinaire avec Morgan et ils avaient pour lui une dévotion sans bornes. C'était une véritable tendresse, une admiration naïve aussi grande que chacun d'entre eux. Ils louaient même sa beauté qui n'était pas grande et ils avaient peur comme s'ils sentaient qu'il était d'une essence plus fine. Ils parlaient de lui comme d'un petit ange, d'un petit prodige et ils déploraient sans pudeur la fragilité de sa santé. Pemberton avait craint d'abord que toutes ces exagérations extravagantes lui fassent prendre l'enfant en grippe, mais au lieu de cela il y avait lui-même cédé presque aussitôt
Le pauvre jeune homme hésitait, temporisait : il lui en coutait tant d'aborder le sujet de ses honoraires, de parler d'argent à une personne qui ne parlait que de sentiments et , apparemment, de aristocratie.
Morgan était le résultat d'une surprenante combinaison ou manquait un grand nombre des qualités qu'on dit propres à l'espèce, mais ou abondait une foule d'autres qualités qui ne sont l'apanage que des êtres d'une intelligence extraordinaire.
Les jeunes filles avaient des cheveux et de la silhouette et des manières et de petits pieds grassouillets, mais n'étaient jamais sorties seules.
Avec "La Bête", le réalisateur Bertrand Bonello reprend à sa manière la nouvelle "La Bête dans la jungle", de Henry James, en plongeant Léa Seydoux dans un futur dystopique qui rappelle notre propre présent et dans lequel les émotions n'ont plus lieu d'être. Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : "La Bête" de Bertrand Bonello, 2024 - Carole Bethuel
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