Mémoire de cendres, tome 1 : Héléna

Philippe Jarbinet débutait ici, bien avant la série Airborne 44 qui a fait sa notoriété, par une série médiévale sur les cathares restée – à tort – très confidentielle. Déjà, à l'époque, il ne laissait à personne d'autre que lui le soin de scénariser ses dessins, et il le faisait ma foi plutôt très bien, préfigurant sa bonne place dans le cercle assez fermé de ceux qui savent tout faire en BD.
Oeuvre de jeunesse, ce volume n'est pas exempt de tout défaut. Ainsi, dès les premières pages, nous avons deux personnages à la tignasse rousse coiffés exactement pareil, qui se ressemblent tant qu'on dirait qu'il s'agit du même. L'un est le sire Byron, le père de la future héroïne, Héléna, et l'autre est Branagh Dun Dornaigil jeune, son futur pire ennemi. On verra ce problème se reproduire plusieurs fois au cours du tome, notamment lorsque un homme qui reçoit le sacrement cathare ressemble à s'y méprendre à Bernard de Lorac, le héros incontestable de ce premier opus. Si vous ajoutez cela à certains personnages que l'on voit avec casque, puis sans casque, et à quelques tentatives de narration certes intéressantes, mais assez osées (cases entrecoupées avant/après, par exemple), vous avez entre les mains l'oeuvre imparfaite d'un futur géant de la BD encore en devenir. D'ailleurs, ces balbutiements se produisent surtout au début du tome, ensuite on les oublie assez rapidement.
Mais LE gros point fort de ce bouquin, c'est incontestablement l'excellence de sa documentation historique. Jarbinet n'y est pas allé par le dos de la cuillère, et va vous servir des prières et des formules sacrées cathares en occitan, et ne commettre aucune des erreurs classiques qui me hérissent le poil habituellement dès qu'il s'agit des cathares, comme les représenter avec une tonsure, ou pire, avec une croix. C'est assez rare pour le signaler.
En bref, si vous voulez avoir une idée de ce qu'était vraiment "l'hérésie" cathare, mais que vous répugnez à vous farcir toute la bibliographie d'Anne Brénon et Michel Roquebert (qui nous a quittés récemment), cette BD est faite pour vous.
Gardez toutefois à l'esprit que seuls les 5 premiers tomes (sur 10) sont encore commercialisés en papier sous forme d'intégrale, les 5 suivants n'existent plus que sous forme numérique, sans doute à cause de la mévente de l'intégrale 1, c'est bien dommage.

Première réalisation de Philippe Jarbinet, la série Mémoire de Cendres a certainement été éclipsée par quelques autres grandes sagas historiques, comme les Aigles décapitées ou les Chemins de Malefosse. C'est très certainement injuste.

L'action se déroule en Pays Cathare, en 1209, au coeur des Corbières. Les troupes françaises, appuyées par des Anglais, progressent dans le pays pour faire rendre gorge aux hérétiques. le lecteur va suivre plusieurs personnages, dont Bernard de Lorac, seigneur cathare tiraillé entre sa foi et la paix. Sur fond de vengeance, de jalousie, de soif d'or et de pouvoir, de violences et de rapines, Jarbinet dresse un portrait fort bien documenté d'une époque troublée. C'est rythmé, plaisant, avec comme fil rouge Helena, recueillie bébé par Bernard de Lorac, fille d'hérétiques.

Les dessinateurs/scénaristes de cette qualité ne sont pas légions. Jarbinet s'inscrit dans une grande tradition où se trouvent des personnages comme Hermann... ce n'est pas rien. C'est un plaisir de découvrir les débuts du dessinateur d'Airborne, et de le voir aussi à l'aise avec des épées et des chevaux qu'avec des fuisls et des jeeps.

C'est une série qui s'inscrit dans la droite ligne de la collection « Vécu » avec toutes ses caractéristiques qui en font son charme.
Le scénario est plutôt intéressant car il nous plonge tout de suite dans l'aventure sur une période un peu méconnue de l'histoire du pays cathare du XIIIème siècle. On suit le destin mouvementée d'une femme sur fond historique. C'est rudement bien documenté sans être rébarbatif !

Les personnages ont véritablement du charisme (notamment Héléna) et l'intrigue est rondement bien maîtrisée. Même le dessin est magnifique avec ce côté réaliste qui me séduit toujours autant. On pourra admirer les décors avec ces beaux châteaux de pierre ainsi que la beauté des paysages. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour nous faire passer un excellent moment de lecture tout en s'instruisant sur le destin du peuple cathare.

J'avais jamais entendu parler de cette série et pour tout vous dire, j'y suis tombé totalement par hasard. Devant autant de qualité graphique et narrative, on se dit que cette série méritait sans doute son heure de gloire. le 12ème tome de Titeuf a été vendu à plus de 1 832 000 exemplaires en France en 2008. Quand on compare la qualité d'une bd, on se dit que c'est forcément injuste pour pas mal d'oeuvre. A croire que le français moyen se complaît avec Titeuf ou les Bidochons dans leurs caddies (sans être méprisable). Il y aurait tant de choses à leur faire découvrir ! A commencer par cette lecture! J'ai toutefois conscience que c'est en demander de trop ! Il est vrai qu'il faut aimer un temps soit peu L Histoire.

Juillet 1209

Carcassonne est tombée !!
Les Français, poussés par Rome et la religion catholique, ont enfin une tête de pont fortifiée en plein pays cathare.

Bernard de Lorac, en qualité de croyant est présent à Carcassonne, dans les rangs catholiques, mais ce dont il est témoin lui ouvre les yeux et le coeur il n'est pas fait pour suivre la voie de Rome.

Témoin de diverses exactions des troupes victorieuses, Bernard doit intervenir dans une auberge pour neutraliser un soldat, un peu ivre, qui tue les "hérétiques" les uns après les autres.
Bernard intervient juste avant que ce dernier, Branagh Dun Dornaigil, ne plante son couteau dans le ventre d'un nouveau né.

Branagh est corrigé et humilié par Bernard de Lorac, qui demande à ce que l'on enterre dignement les victimes du jeune écossais et décide d'emmener le nourisson avec lui. Il finira par l'adopter et lui donner le prénom d'Héléna.

Mais le pays sera à feu et à sang pendant de longues années encore, et douze ans plus tard, Branagh Dun Dornaigil se retrouve, enfin, face à Bernard.
Sa haine et son ressentiment trouvent enfin une opportunité de se venger de cet affront à Carcassonne il y a bien des années...