Lire
Gil Jouanard, c'est entrer dans la fête de l'intelligence, ce qui nous change salutairement de la foire de la bêtise à laquelle nous contraint le plus souvent le quotidien.
Gil Jouanard est poète parce qu'il n'écrit pas pour raconter des histoires: il habite naturellement la non-imagination: «Rien ne restant à raconter, / il reste tout à dire». Sachant pertinemment que la poésie en a désormais fini avec les formes fixes et que son statut n'est plus clairement défini,
Jouanard peut se laisser dire poète, n'en doutons plus. Et c'est, particulièrement, un poète de la présence au monde ; on lit ce voyageur, ce «marcheur attentif», cet «aventurier solitaire du réel poétique», comme on suit un guide : pour apprendre, pour découvrir, pour comprendre, pour rencontrer et pour apprécier. Chacun de ses textes est une promenade, une «errance méditative» — dans l'espace ou dans le temps.
Poète et moraliste, ce forcené de la connaissance est curieux de tout depuis l'enfance. Même s'il tient ses carnets, à la façon d'un
Julien Gracq, pour creuser «son doute et ses convictions», l'écriture est, pour lui, «jubilation savante»... et, pour nous, transmission. Une écriture qu'il ne prend pas plus au sérieux qu'il ne saurait la négliger confesse-t-il : «le combustible auquel je me réchauffe et me constitue, ce sont les mots» (...) «Je n'écris pas pour écrire. J'écris d'écrire. Si l'on veut : c'est écrire qui me fait écrire».