Faire deviner aux enfants vers quels chemins Jouanneau pense nous entrainer… rayon de soleil, rayon de bicyclette ? Ce pourrait être l'introduction pour cette pièce lumineuse. le postulat : Aldébaran, vieux cycliste, attend l'enfant. Il arrive, tout le village de Saint-André-du-Loing l'accueille. Petit cycliste roux, déjà agile comme un écureuil sur son vélo qu'il enfourche pour suivre sa bonne étoile, le vieux Aldébaran, figure du père, du grand-père (ah la sagesse et l'humilité de l'ancien !). Ce dernier l'entraine à travers la campagne pour lui apprendre les oiseaux, les champignons, le goût du pommeau, le prix de la vie. Très belle passation, de la naissance du petit être au départ du vieux, redevenu point lumineux tout là-haut, loin du Loing.
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L'enfant: Mais tu me coupes dans mon élan.
Aldébaran: Stoppe je dis.
Et il greine, Aldébaran
Et il retien le gamin
Et il met pied à terre
Et l'autre doit en faire autant.
L'enfant: Pourquoi tu as fait ça?
Aldébaran: C'est Lourmel en bas.
Et Lourmel j'y vais pas.
L'enfant: Mais...
Aldébaran: J'y vais pas!
Il pose son vélo
Et regarde Lourmel en bas
Un gros bourg, Lourmel
Presque une ville
L'enfant, lui, se tait, fâché.
Aldébaran: Allez petit, on rebrousse.
T'en as assez vu pour aujoud'hui.
L'enfant: J'ai pas envie.
Aldébaran: Soupe au lait!
Ce matin, tu ne voulais pas sortir.
Maintenant tu ne veux plus rentrer.
L'enfant: On allait gagner.
Aldébaran: On leur a montré qu'on pouvait.
L'enfant: Et ça te suffit, toi?
Aldébaran: Oh oui.
L'enfant: Oui?
Aldébaran: Oh que oui.
Oh que oui que ça me suffit.
Moi j'me rentre, pourquoi, ça t'va pas?
T'es contrarié?
Tu voulais quoi?
Me suivre jusqu'à l'arrivée?
Me doubler dans les trente derniers mètres, lever la main droite et franchir la ligne en criant: "Gagné!" Ramasser le bouquet et embrasser miss Lourmel après avoir serré la main du maire, du préfet et de toutes les autorités? C'est ça?
Aldébaran : Ton tour viendra...
L'enfant: Pourquoi qu'tu marmonnes?
Aldébaran : Parce que !
L'enfant: Mais parce que quoi?
Aldébaran: Parce que, parce que, parce que ... parce que regarde devant toi!
Le raidillon, là!
La côte aux oiseaux, vermisseau!
Un nid d'aigle pour toi!
Alors tiens-toi comme il faut, rectifie la position, lève le nez pour commencer, lève le nez, oui, et redresse-toi, mains en haut du guidon, allez allez, pas de discussion!
L'enfant: Te fâche pas!
Aldébaran: Qui c'est qui t'a dit que je me fâchais? Mais pour grimper au sommet, faut savoir jouer du braquet, petit, et sur le faux plat, tu mets seize dents derrière et trente-six devant!
Allez, allez, exécution!
L'enfant: Mais...
Aldébaran: Y a pas de mais, je connais le métier!
On tire donc sur le dérailleur
On resserre les cale-pieds
Et, côte à côte, on grimpe au train
Lentement
Du silence longtemps
On est concentré
Puis ça sifflote dans les branches.
Rencontre avec Joël Jouanneau (lecture par Joël Jouanneau)