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sur 926 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un courrier qui n'est jamais parvenu à son destinataire.
Franz Kafka a vécu toute son enfance dans la crainte de son père, un homme autoritaire et malveillant. A l'âge adulte, alors que la peur de ce père existe toujours, dans cette lettre qui lui est adressée, Franz Kafka essaie d'analyser les conséquences de cette relation destructrice. Cette domination paternelle qui a fait de lui un homme angoissé, solitaire et introverti, incapable de s'engager durablement dans une relation amoureuse.
Une angoisse qui a aussi fait naitre et a porté une oeuvre incomparable.
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J'ai écouté la Lettre au père de Franz Kafka (1913) sur un podcast de France Culture datant de 1997 et toujours disponible dans une traduction de François Rey. Il s'agit de larges extraits lus en continuité avec beaucoup d'énergie et de conviction par André Dussolier. le ton est juste, le plus souvent dur et cassant avec des modulations qui font aussi entendre l'incompréhension douloureuse et la tristesse de Kafka.
Tout dépassement du conflit père-fils est impossible tant les personnalités sont opposées, tant le traumatisme du fils est grand. Hermann Kafka est fort, robuste, plein d'appétit et fier de sa réussite sociale. Franz est frêle, maladif, anorexique, inquiet. Kafka reproche à son père de l'avoir totalement inhibé. A force de subir sa tyrannie, ses ordres absurdes, ses châtiments injustes, Franz s'est auto censuré, il est devenu docile et honteux de l'être. le plus terrible c'est que le fils devenu adulte a accepté de demeurer dans l'ombre du père en refusant le mariage bourgeois qu'il estimait encore trop lié au père. le seul échappatoire possible et la seule expression possible a été l'écriture, un monde inaccessible au père et qui lui répugnait. Mais jusque dans ses livres, Kafka remarque qu'il n'est pas libéré de son emprise car il s'agit encore de lui et de se plaindre de lui.

« C'est l'une des lettres les plus célèbres que compte la littérature contemporaine. En 1919, Franz Kafka a 36 ans, et déjà l'essentiel de sa production littéraire derrière lui – il mourra cinq ans plus tard. Depuis les montagnes de Bohême où il séjourne en compagnie de son ami Max Brod, il écrit à son père une longue lettre, qu'il ne lui remettra jamais. “Une lettre d'avocat”, écrira-t-il à son amie Milena Jesenská, qui met en oeuvre, point par point, une stratégie de défense. Plaidoirie, donc, mais aussi règlement de compte, tentative d'auto-analyse, missive d'amour et de haine, publiée pour la première fois en 1953 seulement, dans la première édition des oeuvres complètes de son auteur. Elle éclaire l'oeuvre d'un jour nouveau, mais peut aussi se lire et s'entendre pour elle-même. En 1997, pour l'émission “Parole donnée”, André Dussollier en faisait résonner les mots au cours d'une lecture organisée en public dans le grand auditorium de la Bibliothèque Nationale de France. »
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La Métamorphose avait été un véritable coup de coeur pour moi. L'univers kafkaïen m'avait complètement retourné. J'avais une terrible envie de m'y replonger pour pouvoir retrouver ce style unique et d'une puissance rare. Cette lettre publiée en 1952 de manière posthume a été écrite à l'attention d'un père. Kafka est un juif et praguois de naissance qui fait preuve de beaucoup d'audace dans l'ensemble de son oeuvre où il traite souvent les mêmes thèmes comme la famille et son oppression, l'amour féroce et le manque total de communication. On peut lire ce petit livre indépendamment des autres même si l'auteur fait des liens entre sa vie et son oeuvre (Cf. le Procès). Dans cet ouvrage, Kafka devient procureur de son père mais il le défend pathétiquement par moments. Ce père a dévalorisé ses enfants, il les a découragés mais aussi humiliés. La mère est aimante mais soumise à un mari tyrannique. Les 80 pages qui composent cette lettre sont d'une violence extrême, on plonge dans l'intimité de Kafka qui constitue un monde inexploré. La sincérité de l'auteur est particulièrement touchante, il se révolte contre une éducation stricte qui lui a laissé des séquelles à vie. L'éducation qu'un enfant reçoit définit son futur, ses émotions et sa vie en générale. Kafka n'a pas réussir à vivre une existence normale à cause de cette haine profonde qui n'a cessé de le ronger, il avait peur de décevoir son père à chaque étape de sa vie. Ses sentiments sont décrits avec beaucoup de précision, les déchirures sont profondes et la souffrance exprimée ici est terrible. Cette lettre doit être lue au moins une fois dans sa vie, elle témoigne des angoisses européennes d'une époque tourmentée.
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Comme j'ai lu très récemment le témoignage de Céline Raphaël, intitulé La démesure, j'ai repensé bien sûr à cette fameuse Lettre au père.
C'est une lettre dont chaque page, chaque mot, même, du fait de la concision du texte, serait à détailler, et il y aurait tant à en dire..... Mais cette concision même fait la beauté de ce texte, sans doute.

C'est un texte qui démarre sur le mot "peur", et c'est un texte encore habité par la peur, du moins au début. En effet, Franz Kafka commence par le disculper, ce père. "Absolument innocent". Ben voyons.Oui, dans un sens, bien sûr. Si le père est ce qu'il est, c'est qu'on a fait de lui ce qu'il est. C'est l'éternelle répétition de l'histoire. Donc, une histoire familiale où l'on note une réussite sociale manifeste, un père donc qui a travaillé tôt et qui pense qu'il suffit de délivrer ses propres enfants (car cette lettre ne concerne pas que le fils, les filles -les soeurs- sont évoquées aussi, et même la nièce) des difficultés matérielles qu'il a endurées, lui, pour qu'ils lui soient reconnaissants. Que du classique.

Mais très vite, le réquisitoire démarre sur une phrase magnifique du père: " Je t'ai toujours aimé et quand même je ne me serais pas comporté extérieurement avec toi comme d'autres pères ont coutume de le faire, justement car je ne peux pas feindre comme d'autres".
C'est un typique exemple du double discours si déstructurant : je t'aime et si je ne te le montre pas, c'est que je ne sais pas feindre.......... Sans commentaires. Il aime qui, là? L'enfant tel qu'il est, ou celui qu'il aurait voulu avoir, c'est à dire lui renouvelé? Tout est dit.

Tout ce qui est à même de détruire la personnalité d'un enfant, une logique de mort dont peu réchappent, d'ailleurs, ou bien abimés:
- l'écrasement et l'humiliation physique (la cabine de douche) et spirituel, une seule vision des choses est acceptable, et ce jusque dans l'inconséquence (très vite notée par les enfants, ça....) et le manque de logique.
- la remise en cause par l'ironie, la moquerie de toutes les paroles, les sentiments, les émotions de l'enfant, ce qui fait qu'il n'a plus qu'une alternative, tout cacher
- l'encore classique " fais ce que je te dis, ne fais pas ce que je fais" (le repas, la religion), ma loi est pour toi, elle n'est pas pour moi, comment dès lors comprendre cette loi?
- la peur entretenue de la violence physique (avec l'excellent exemple du pendu), qui même si elle est rare, est toujours suggérée et entretient la même et constante terreur
- l'ambivalence, avec de temps en temps une éclaircie qui entretient l'amour (même les enfants les plus maltraités aiment leurs parents..): le regard inquiet du père à l'enfant malade, par exemple. Après, il attend d'autres signes, et c'est reparti.
-la tyrannie appliquée dans tout l'univers proche, qui s'étend aux employés et s'arrête complètement à l'extérieur de ces deux cadres, familial et professionnel. le désarroi que peut ressentir un enfant devant cette complète transformation de son père dans un cadre différent, le secret qu'il doit garder, la culpabilité qu'il ressent par assimilation.
- l'emprise, ce que Kafka quelque part nomme "amour" en parlant de la jalousie du père pour ses amis, mais qui n'est pas du tout de l'amour, mais un besoin de possession totale
- le chantage à la maladie, le surmenage, etc

-et enfin, la mère........ Dans un film australien, Shine, l'histoire de David Helfgott, un père détruit son fils, pianiste virtuose, et le rend fou. C'est un peu la même chose, la mère n'est qu'évoquée. Et pourtant. Quel rôle important a la mère dans ces drames familiaux. Là, Kafka le dit aussi, la mère aime plus son mari que ses enfants. Et c'est ce qui complète le tableau, elle a une position très ambivalente qui est juste suggérée, mais qui n'a pas dû aider un fils à véritablement faire ce qu'il avait à faire, c'est à dire ou se révolter, ou au moins fuir.
Cela aboutit donc fatalement à un personnage qui par définition rate tout..Normal, pour le personnage le plus important de sa vie, ce père pervers (avec lequel il ne cesse d'entretenir une relation d'un masochisme assumé d'ailleurs, faut être deux pour que ça continue, ce genre de relations), dans tout ce qu'il fait, dit, ressent, exprime, il n'y a jamais rien eu à admirer. Et il le constate avec une lucidité admirable. La fin de cette lettre, les réflexions sur son incapacité à fonder sa propre famille et les propos prêtés au père sont un miracle d'intelligence et d'introspection.

Ce texte devrait être plus lu, à mon avis, tant il est puissant et intelligent, mais il parle peut être plus à une certaine catégorie de lecteurs, ceux qui ont vécu d'une manière ou d'une autre ce que Kafka décrit. Qu'ils aient pu -un peu- dépasser ce genre d'enfance, ou pas encore. C'est d'ailleurs à mon avis un texte qui pourrait en aider beaucoup à ce que l'on nomme maintenant la résilience.

Je ne pense pas que ce texte soit vain parce qu'il n'a pas été envoyé. A mon sens, il ne servait à rien de l'envoyer, car son destinataire, tel que décrit (et je n'ai aucun doute quant au réalisme du portrait) n'était pas à même de le recevoir. Enfin, intellectuellement et affectivement, non. Ce genre de personnage ne peut se permettre une telle déstabilisation, tant son identité tient justement dans les tares reprochées. S'il les admet, il n'est plus rien.Mais cette analyse, de par sa lucidité, aurait pu être le début d'une autre étape dans la vie de Kafka, lui permettre de repérer les situations dans lesquelles il se remettait lui-même dans la même position qu'on l'avait contraint à adopter dans l'enfance. Il avait tout compris........ un peu tard. Or, pour se sortir (plus ou moins...) des ornières (à savoir rejeter tout le malheur de sa vie sur l'enfance vécue, même si elle a été tragique), il faut impérativement, et le plus tôt possible, comprendre ce que l'on a vécu. Céline Raphaël l'a fait.
Maintenant, c'est évident que cette enfance dramatique, et l'incapacité de la dépasser, cette pure création -quasi expérimentale (et pourtant si fréquente..) -d'une névrose majeure d'angoisse, a permis l'oeuvre de Kafka. Qui n'est qu'angoisse.
Après, c'est tout le problème de la souffrance nécessaire-ou non- à la création.






Lien : http://www.youtube.com/watch..
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Merci d'avoir écrit cette lettre. Je te vois parler à mon père ce que je n'ai jamais fait. Mais je t'ai toujours aimé. Texte traduit par Marthe Robert. En effet, je me retrouve en toi. Fais ce que tu veux. Tu es majeur. Impossible d'avoir des relations normales avec toi. Qu'il crève donc! Ce chien malade. N'a jamais été père.
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A 36 ans, Franz Kafka analyse, à l'intention de son père, la relation particulière qui les lie; une lettre sans réponse parce que jamais envoyée, et le "tu" employé à chaque ligne résonne comme un déchirant appel dans le vide.

Très touché par ce double portrait, celui d'un père autoritaire, tyrannique, "pervers narcissique" selon des déclinaisons singulières; celui en miroir du fils blessé, qui se livre, à coeur ouvert, dans la nudité de sa souffrance.

Se construit sous nos yeux cette figure paternelle, bien charpentée, pourvue de solides contrepoids. Elle suscite la fascination du jeune Franz, mais une fascination toxique, destructrice. du haut de son imposante stature, le père transpire la santé, la force, la vitalité, quand le fils est de nature chétive et fragile. le père a un équilibre mental inébranlable, quand le fils ploie intérieurement, non armé, sous le poids d'un modèle écrasant. de là, la formation d'un caractère anxieux, en proie au doute, à la culpabilité... états que le père entretient en humiliant son fils en public, en taclant ses réussites, ses demandes de reconnaissance, ou encore en dépréciant ce qu'il apprécie. Pour le jeune Kafka, ses tentatives d'émancipation sont vouée à l'échec. La tyrannie, l'ironie perverse, les colères insensées du père, viennent saper impitoyablement tous ses efforts.

À son âge déjà avancé, Franz examine avec plus de lucidité les hypocrisies du père, ses injonctions paradoxales, ses mécanismes retors, et on devine les eaux troubles dont il a dû se dépêtrer avant d'atteindre ce niveau de clarté - en grande partie grâce à l'écriture.

Son analyse de ses difficultés à se marier est particulièrement émouvante. À l'idée de se trouver une épouse, il se dit pris dans le mouvement double et incompatible de devenir l'égal de son père (s'élever à lui) et en même temps de succomber à son exemple (et donc rester dans l'aliénation), entraînant un conflit psychique qui l'empêche d'avancer, et le condamne à une certaine solitude sentimentale.

Un dernier point: je ne perçois aucun esprit de revanche dans son écriture. Au contraire, Franz s'excuse constamment de s'exprimer ainsi, de devoir - pour continuer à vivre - formuler ainsi ces reproches. On peut y voir la marque, en plus d'une intimidation qui perdure, d'un amour filial resté très vif. Kafka produit dans cette lettre un merveilleux exercice de lucidité, de mise à plat, de courage aussi. J'ai personnellement peu de souvenirs d'un texte de confession dont l'écriture proviendrait d'un tel besoin de démêler, mais se refuserait autant à indisposer l'interlocuteur. Kafka retient toutes les cartes qu'il avance, et c'est déchirant.

PS: je trouve déplacé le court commentaire fait par Folio en 4e de couverture:
"Réel et fiction ne font qu'un dans la lettre désespérée que Kafka adresse à son père."
Où voit-on de la fiction ici?
Ou encore:
"Il tente, en vain, de comprendre leur relation..."
En vain? Il me semble qu'il comprend plutôt très bien. Plus que cela, il nous le fait, à nous lecteur, comprendre et ressentir.
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Magistral! Brillant!

Mon premier Franz Kafka et assurément pas le dernier! Je tiens d'ailleurs à remercier ceux qui avant moi ont partagé cette Lettre au père considéré comme la clé de compréhension pour appréhender son oeuvre!

Pourquoi un tel engouement? Tout simplement parce que cette lettre dépasse le seul fait d'un fils qui s'adresse à son père. C'est aussi une brillante analyse de celle - ci à une époque où la psychanalyse n'en est qu'à ses débuts!

Pour rappel Kafka naît en 1883 et les premières mentions du mot "psychanalyse" sont apparus vers 1896.

Or toute la lettre portée par un style superbe, intense et profond, est le plus bel exemple de ce que peut être un chemin sur soi et sa compréhension, en prenant ce qui nous appartient et en rendant à l'autre ce qui lui appartient! Quel regard porté sur son père, ce qu'il en a compris, ce qu'il a lui senti qu'il héritait, ce qu'il en a fait, ce que l'impact de cet héritage a encore dans sa vie alors qu'il l'a conscientisé... C'est d'une clarté!

Quelle maturité aussi dans ce texte qui témoigne que pour se libérer de ce qui nous entrave, il ne suffit pas seulement de les porter à la lumière de notre esprit... de le nommer. Que cette partie n'est qu'une première étape dans notre reconstruction...

Combien je comprends à partir de là l'analyse et le regard que certains ont entre autres porté sur son oeuvre célèbre si pas la plus célèbre, le Procès, y voyant dans ce texte plus un lien avec ce fameux père qu'avec l'institution en tant que tel! Parce que tout ce qui de près ou de loin réveille en nous une souffrance peut revêtir une valeur symbolique qui agit comme un bouton déclencheur de celle - ci dès que nous sommes en présence de se transfert opéré...

Oui magistral! Parce qu'aujourd'hui, malgré toutes les découvertes et témoignages auxquels nous avons accès, j'ai rarement lu un propos aussi lucide!
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Lettre au père est un aperçu privilégié dans la psyché d'un enfant devenu adulte, enfin prêt à affronter son père.
On assiste donc à une sorte de logorrhée de Kafka à son père, où il lui dit tout ce qu'il n'aurait pas pu lui dire de vive-voix. On se sentirait presque voyeurs, témoins de cet échange unilatéral où toutes les émotions sont mises à vif. On ressasse le passé, les traumatismes d'enfance, les mécanismes de défense, la violence du Pater, les schémas familiaux et au fur et à mesure de la lecture on se sent de retour sur les bancs de la fac en cours d'intro à la psychanalyse.
Un texte poignant, biographie partielle de l'homme que nous connaissons comme l'auteur, gorgé d'humanité et de tristesse. Un texte qui se retrouve entre nos mains, à défaut d'avoir réussi à joindre son destinataire.
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Il est très impressionnant de penser que cette "Lettre au père" a exactement un siècle car Franz Kafka y décrit de façon universelle l'impossibilité d'avoir des rapports sereins entre père et fils.
Il l'a écrite dans la première quinzaine du mois de novembre 1919, en Bohême, alors qu'il a 36 ans. C'est un moment charnière de sa vie car il projette de se marier et son père s'y oppose. Kafka va donc lui écrire en faisant le bilan de sa vie, de ses terreurs enfantines et des incompréhensions qui se sont accumulées durant toutes ces années.
Il montre à force d'exemples qu'il n'arrive plus à parler à son père, comme un dialogue qui devient impossible. Il lui dit les phrases terrifiantes qu'il a entendues quand il était enfant et qui traumatisent, les reproches et l'ironie blessante alors que son père aimerait qu'il reprenne son magasin de produits de mercerie en gros à Prague quand il se voue à l'écriture. Franz Kafka va parfois tenter de chercher l'apaisement mais sans vraiment trop y croire.
Pourtant, cette lettre n'a jamais été envoyée. Il l'a sans doute écrite comme une tentative de sauvetage de soi par l'écriture.
C'est un très beau texte sur la psychologie masculine qui ne laisse pas indifférent.

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Lettre au père de Franz Kafka, traduit de l'allemand (Autriche) par Bernard Lortholary, Folio.

Cette missive date de 1919 et ne fut jamais remise à son destinataire. Elle fut publiée de manière posthume, en 1952.
Quand Kafka rédige cette lettre, il a 36 ans. Peu à peu, ce texte, qui commence comme la biographie d'un homme qui a travaillé dur pour mettre sa famille à l'abri du besoin, devient un véritable réquisitoire contre son géniteur. En effet, son père vient de refuser qu'il se marie…

Quel texte complexe et ambivalent ! J'y ai lu de l'admiration et du dégoût, de l'affection et de la crainte, du respect et du mépris…
Franz Kafka a toujours voulu fuir son père, pourtant, il n'a jamais franchi le pas, ne réussissant ni à fonder une famille ni à quitter vraiment la maison familiale. Il décrit un père autoritaire, inflexible, qui a toujours raison ; il dépeint des relations familiales dans lesquelles la mère joue un rôle de temporisation et de consensus. Jusque-là, c'est presque normal pour l'époque et le milieu. Cependant, ce père pouvait se révéler injurieux et violent, dévalorisateur dans ses jugements ; ainsi, il avait en horreur l'activité littéraire de son fils.
Tout se complique encore plus quand Kafka se dépeint comme un jeune homme faible, voué à l'échec, sans amour-propre, manquant totalement de confiance en lui, en proie à un immense sentiment de culpabilité, indifférent parfois au monde qui l'entoure, méfiant vis-à-vis de tous et surtout de lui-même, qu'il impute son attitude au comportement de son père tout en reconnaissant qu'il est tout cela intrinsèquement, donc indépendamment de lui...

Le choix de la lettre non envoyée permet à Kafka de s'exprimer sans être interrompu, sans possibilité de réponse de la part de celui qu'il apostrophe et accuse.

J'ai pour habitude de relire Kafka quand je ne vais pas bien… Sans doute ai-je besoin, en ce moment, de « tuer le père »… Je me suis reconnue parfois dans cet adolescent bégayant et introverti…

J'ai trouvé dans cette lettre des similitudes avec la solitude du héros de la Métamorphose, rejeté par les siens, condamné et écrasé, ou celui du Château qui ne parvient jamais à entrer en relation avec son employeur : « Dans mes livres, il s'agissait de toi, je ne faisais que m'y plaindre de ce dont je ne pouvais me plaindre sur ta poitrine. C'était un adieu que je te disais, un adieu intentionnellement traîné en longueur, mais qui, s'il m'était imposé par toi, avait lieu dans un sens déterminé par moi ».

Un texte à connaître qui éclaire une partie de l'oeuvre de Kafka.

Lien : https://www.facebook.com/pir..
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