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EAN : 9782378560942
720 pages
Verdier (04/03/2021)
4.24/5   63 notes
Résumé :
Un soir à la nuit tombante, au début des années quarante, un père et sa fille arrivent dans un village de Haute- Autriche sur une carriole tirée par un cheval, avec leurs malles et leurs meubles, et s'installent dans une ferme abandonnée qui leur a été attribuée. La jeune fille traumatisée serre dans son poing un bouquet de lilas rouge.
Les seuls témoins de leur arrivée sont l'aubergiste du village et un enfant simple d'esprit, le petit Franz, incapable de ra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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"Lui, Ferdinand Goldberger avait dénoncé les gens de son propre village...", menacé de mort par la population il est contraint à disparaître à l'aide du Gauleiter . Nous sommes au début des années 40, Goldberger est chef de section du parti nazi , forcé à quitter l'Innviertel sa terre natale et son immense domaine, il n'a pas d'autre choix que de partir dans une autre région de la Haute Autriche qu'on lui a assigné , au pays de sa femme défunte. Sa fille Martha de 21 ans l'accompagne. Ferdinand aimerait tirer un trait sur son passé, pouvoir être « personne » en un lieu quelconque, ne plus “ devoir remplir ses devoirs envers la patrie “ , mais il en est cerné de tout part. Une histoire terrible sur la destinée tragique sur quatre générations d'une famille de fermiers en Haute-Autriche , " Moi, l'Eternel, ton Dieu, je suis un Dieux jaloux. Je punis la faute des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération." Un châtiment qui frappera en premier sa fille, puis........moins vous en saurez de la suite, mieux vous vous en délecterez.

A travers l'histoire de la famille Goldberger l'écrivain miroite celle très sombre de son propre pays qui prit une part active aux crimes d'Hitler. Ici le silence des personnages, un des principaux thèmes du livre souligne la difficulté voir l'impossibilité de parler de l'indicible, qu'on aurait mieux fait d'exorciser; et là, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Bernhard et Jelinek. Un silence qui pousse les personnages à n'extérioriser leurs sentiments qu'occasionnellement et encore, corporellement ou par divers sons humains, cris , gémissements, sanglots..., rarement de gestes d'affection, leur capacité verbale étant bloquée par la culpabilité ou la souffrance. Mühlecker exprime d'une subtilité inouïe l'intériorisation des sentiments et l'héritage caché d'un passé criminel dont Goldberger continuera à en tirer profit malgré ses remords, notamment dans l'acquisition d'une carrière, mais dont son fils et ses petit-fils en feront les frais, échouant tour à tour intérieurement dans un no man's land. L'unique espoir de rédemption ici est symbolisé par des fleurs : les lilas, fleurs omniprésentes dans l'histoire , notamment celles rouges du titre (en faites violet foncé que seul Martha nomme rouges, et un des petit fils plus tard ) ; des fleurs que la famille chérit, qui défraîchissent mais dont leur refleurissement à chaque saison entraînent l'espoir d'une accalmie. Pourtant l'auteur est loin d'être un pessimiste, il nous fait entrevoir de multiples sources de bonheur fugaces, liées à peu de choses qui semblent simples mais pourtant complexes, ces petites choses qui font le suc de la Vie !

L'auteur Reinhard Kaiser-Mühlecker est l'étoile montante de la littérature autrichienne contemporaine. A côté de Bernhard, Jelinek, Handke ou Michael Kohlmaier il reste de facture classique dans le fond et la forme, dont une prose traditionnelle superbe d'un style naturel, fluide , d'où émane toute la force de ce récit ( et bravo à la traduction, car de l'allemand nullement évident ). Né en 1982 dans une région de forêts et montagnes de la Haute-Autriche, fils de fermier lui-même, alors qu'il n'avait pas encore trente ans, il décide d'écrire cette histoire qui exorcise celle de sa famille , "J'ai cherché à en savoir plus sur ma famille, mais partout je me suis heurté à des murs, à des réponses laconiques et énigmatiques. Alors, j'ai décidé d'inventer l'histoire. On porte toujours un savoir à l'intérieur de soi, dont on n'a pas connaissance. Ecrire, c'est libérer ce savoir. "
Une épopée romanesque dense de 700 pages , simple dans sa lecture, complexe dans son entité, sur fond de somptueuses descriptions de paysages et d'une psychologie fouillée des personnages. Moi qui n'aime pas les pavés ici j'en ai fait une exception qui m'a value la découverte d'un excellent auteur encore jeune mais dont l'oeuvre ici présente, le classe déjà parmi les plus grands auteurs autrichiens contemporains. Un grand roman que je conseille absolument !

«  Ne me questionne pas, ainsi je n'aurais pas à te mentir. »
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Lire Lilas rouge est une expérience littéraire forte et rare. Peu de romanciers actuels savent articuler avec autant d'habileté la richesse d'une langue et la complexité d'une intrigue qui repose essentiellement sur la densité psychologique des personnages et la présence habitée de la nature.

1940. Autriche. Ferdinand Goldberger, chef de section du parti nazi, quitte précipitamment l'exploitation familiale avec sa fille Martha. Son fils, Ferdinand, est au front. Les premières pages du roman s'ouvrent sur l'arrivée du père et de sa fille blottie au fond d'une carriole qui contient tout leur effets personnels. Ils traversent le village de Rosental puis prennent possession de la ferme qui leur a été attribuée par le Gauleiter en compensation de la perte de leurs biens. Seul témoin de leur arrivée, le jeune Franz, simple d'esprit, déboule tout excité dans l'auberge du village pour communiquer cet événement inhabituel mais ses gestes et ses mimiques ne sont compris de personne. L'arrivée de la famille Goldberger à Rosental commence sur une incapacité à communiquer qui habitera tout le roman. Celui-ci est avant tout la chronique d'une famille marquée par les non-dits et la culpabilité du père, à l'image de l'Autriche qui a apposé le silence sur son passé nazi. Cette culpabilité non avouée, exacerbée par la malédiction lancée par son beau-frère peu avant le mariage de Martha, va peser inexorablement sur sa descendance et se distiller tel un poison dans les relations familiales, malgré une exploitation florissante enviée par les voisins. En contrepoint se dresse la nature, somptueuse, féconde, symbolisée par le parfum riche et puissant des lilas, fleurissant chaque année au printemps, et accompagnant chaque personnage comme un leitmotiv. le paysage se déploie, au fil des saisons, souverain, immuable, théâtre de la folie des hommes et de leur incapacité à vivre heureux.
Pour conclure, je citerai Betty, le personnage principal du roman de Tiffany McDaniel qui, dans un autre contexte et dans un style différent, parle également de malédiction. « Il n'y a jamais eu de malédiction, Lint. Il n'y a rien de surnaturel dans les épreuves sui surgissent dans notre existence. Il n'y a que notre peur qu'elles le soient. J'en ai assez de craindre qu'une malédiction pourrait m'empêcher de vivre ma vie».

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Faire une recension de ce chef d'oeuvre est un exercice périlleux.
Comment dire que j'ai fait durer cette lecture jusqu'à l'extrême, non parce que le livre fait 700 pages, mais parce que j'ai laissé instiller en moi cette histoire comme on laisse maturer un met d'excellence.
Début des années 40 Ferdinand Goldberger, la soixantaine, chef de section du parti nazi, fuit Innvertiel à la nuit tombée.
Il quitte sa propriété prospère avec sa fille Martha 21 ans.
« Lui Ferdinand Golberger, avait dénoncé les gens de son propre village. Une foule de personnes. Or il se trouvait qu'une seule de ces accusations — la première — était réellement fondée. Il ne parvenait pas à s'expliquer pourquoi il s'était alors acharné, comme possédé, ce qui l'avait conduit à l'infamie. »
Ils arrivent à Rosenthal dans une ferme dévastée qui appartenait à la famille de sa défunte femme.
Tout est à faire, lui qui gérait son domaine, doit se mettre même aux travaux les plus durs.
Il s'y attelle, pour seule distraction une bière à l'auberge du village, avec la charmante Elisabeth.
C'est à Rosenthal qu'il apprendra la fin de la guerre et qu'il attendra le retour de son fils Ferdinand, chez les Goldberger, on s'appelle de Ferdinand de père en fils.
Nous, lecteurs vivons avec cette famille au rythme de cette Autriche rurale et provinciale qui subit non seulement le changement de saison mais où survivent de façon tenace les traces du nazisme.
La construction de cette histoire est au cordeau, 5 parties de 10 chapitres. Il y a le rythme naturel de la nature et des travaux agricoles avec ses changements profonds dus à la mécanisation, mais aussi l'évolution familiale.
Ferdinand junior reviendra de la guerre, à partir de là Ferdinand Sénior deviendra Golberger. le fils ne fera pas de cadeau au père, Il ne saura pas pourquoi son père a dû fuir ni pourquoi sa soeur est traumatisée.
La scène du père qui continue à exercer ses fonctions à Rosenthal, lors de l'exécution d'un prisonnier polonais, est floue. L'auteur n'insiste pas sur les faits, ne les commentent pas, mais donne à voir les conséquences.
Ferdinand fils va évincer le père, il essaiera de savoir comment sa mère est morte, pourquoi sa soeur est comme cela, mais rien ne sortira.
Le mutisme est entré dans cette famille et il est clair qu'il est connexe à la faute du patriarche.
Exode : 34.7 qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent, et qui punit l'iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième génération !
Mais dans la tête de Golberger c'est jusqu'à la septième génération.
Pour ce patriarche à la main de fer il est difficile de laisser la place, mais le fils ne lâchera rien, et tout cela sans prononcer un mot. C'est le fils qui devait hériter de cette propriété il entend bien la faire prospérer.
C'est ce qu'il fait, il s'occupe de tout, est partout à la fois, il gère le mariage de sa soeur, travaille comme un forcené, s'établit, fonde sa famille.
En voyant Ferdinand fils agir le lecteur a le sentiment que si le fils veut rompre avec la figure tutélaire, il y a des gènes qui ne trompent pas.
Notamment dans la manière dont il exerce son pouvoir pour savoir lequel de ses fils reprendra l'exploitation. Ferdinand Junior aura rompu avec la tradition des prénoms, il aura trois enfants : Maria, Thomas et Paul.
Malgré cet amour-haine, la vie se construit.
« Son père lui inspirait toujours de la pitié. Mais la vue de ce vieil homme retranché derrière sa chaise avait été riche de plusieurs enseignements. Elle lui avait aussi permis de comprendre quelque chose : en dépit de tout, Golberger lui était demeuré une sorte d'appui, dans la mesure où il paraissait ne pas avoir changé. Il était une personnification du passé, quelque chose sur quoi on pouvait faire fond. C'en était fini à présent. Golberger était devenu un autre homme ; le passé ne s'incarnait plus en ses traits. Il n'offrait plus un quelconque appui. La pitié que ressentait Ferdinand était aussi un apitoiement sur lui-même. Plus rien ne le soutenait. »
Il n'y a pas que le mutisme qui soit pérenne dans cette histoire familiale, il y a aussi le lilas rouge. Où que soir un Golberger du lilas rouge sera planté, même à l'autre bout du monde.
Symbole du renouveau, chaque floraison est attendu et admirer, on le dit lié au bonheur conjugal et au souvenir ;
Cette prospérité retrouvée sera transmise à Thomas, Paul aura un autre destin que je ne dévoilerai pas.
Golberger à la fin de sa vie demande pardon à Paul.
Alors me direz-vous c'est une histoire de famille comme il y en a beaucoup dans la littérature surtout la littérature classique. Eh bien non, c'est différent.
L'écriture est magistrale, car elle fait renaître une maîtrise qui nous semble en voix d'extinction. La rigueur du cadre allié à la puissance narrative nous fait vivre cette histoire avec une profondeur inégalée. La nature omniprésente a des couleurs qui vous foudroient, elle ne remplit pas le silence de cette famille, elle l'accompagne, l'enveloppe et fait vie car elle a des pulsions qui rythme cette vie et fait sens.
C'est à mon avis cette osmose qui nous accroche à cette famille.
Paul échappera-t-il à son destin ? Et la malédiction s'éteindra-t-elle avec lui ?
Rien n'est moins sûr, car à la fin c'est par lui que cette histoire continuera.
J'attends avec fébrilité Lilas noir.
©Chantal Lafon

Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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La transmission du passé entre héritage et malédiction, culpabilité et calcul. Très ample fresque, toujours à une distante inquiète de ses personnages, de leurs arrangements et de leurs visions du monde, Lilas rouge saisit les illusions, les vides et les décisions qui soudain nous agitent. Reinhard Kaiser Mühlecker signe un roman captivant sur ce qui passe (les lilas de Pâques) et sur ce qui revient (nos désirs de pardons et nos difficultés à l'admettre).
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Quel roman ! Quels moments épiques, romanesques, lyriques ! Quelle beauté d'écriture !

Les premières pages du roman s'ouvrent sur l'arrivée nocturne du père et de sa fille, blottie (cachée) au fond d'une carriole qui contient leurs peu d'effets personnels, comme un exode honteux.

Nous sommes en Autriche, en 1940. Ferdinand Goldberger, chef de section du parti nazi, quitte précipitamment l'exploitation familiale avec sa fille Martha (on dira qu'il est exfiltré !)…
Pendant que son fils, Ferdinand aussi, est au front.

Ils traversent le village de Rosental puis prennent possession de la ferme qui leur a été attribuée par le Gauleiter (genre de préfet politique, économique, social nazi) en compensation de la perte de leurs biens. Seul témoin de leur arrivée, le jeune Franz, simple d'esprit qui n'arrive pas à formuler au villageois qu'il a vu, compris ou senti de la situation d'arrivée. Incapacité qui se poursuit pendant tout le roman… Cette incapacité à parler, formuler, s'exprimer.

Lilas Rouge est principalement la chronique d'une famille marquée par les non-dits et la culpabilité du père, à l'image de l'Autriche qui est marqué au fer rouge par son passé nazi.

Cette culpabilité tue, exacerbée par quelque malédiction va pourrir inexorablement sa descendance et s'insinuer tel un poison dans les relations familiales symbolisée par le parfum riche et puissant des lilas, fleurissant chaque année au printemps, et accompagnant, inlassablement, chaque protagoniste.

Un livre écrit dans une langue précise et superbe qui tient en haleine ; de descriptions incroyables en langueur et lenteur, des répétitions des évènements sur des générations pour marquer l'empreinte au fer rouge de la faute du grand-père ; ces non-dits, ces omissions, cette obsession du pouvoir matériel sur la raison, le bonheur, le malheur, les sentiments... la vie, même.

Le paysage se déploie, au fil des saisons, immuable, à la folie des hommes et de leur incapacité à vivre heureux.

Pour moi, l'auteur s'en prend aussi aux idioties de certaines croyances religieuses qui absout toute responsabilité de deux prières et quelques génuflexions. (faute avouée à demi-pardonné, tu avoues, je te pardonne, et tout va bien !)…

Un bijou absolu !
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critiques presse (1)
LeMonde
26 avril 2021
Voix montante de la littérature autrichienne, il partage pourtant son temps entre écriture et agriculture. L’un de ses grands romans paraît en France, « Lilas rouge », qui laboure l’histoire de l’Autriche et son héritage nazi.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et les larmes lui montèrent au yeux, car elle comprit en cet instant que le début de la fin avait commencé. Une joie anticipée la submergea, elle se réjouit à l'idée de l'été, de l'automne, de l'hiver à venir, savoura l'instant présent, paisible et bienheureux, la clarté persistante de ce ciel si haut, le vin lourd, sombre et chaud, et s'étonna des prodiges qui s'étaient accomplis pendant cette journée. Mais rien ne lui prodiguait une joie plus puissante que la certitude de s'approcher de la fin, de ne plus être éloignée de l'instant où elle retournerait à l'éternité.
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Jamais encore Goldberger n’était entré dans l’eglise de Rosental. Il s’étonna de sa beauté et de sa simplicité. Et tandis qu’il s'abandonnait encore à sa surprise, il fut saisi d’un second étonnement : comme la simplicité était une chose complexe !
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Ferdinand n'avait pas le mépris instinctif. Pour qu'il y accède il lui fallait le truchement de la réflexion.
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Chacun portait ses propres lunettes et voyait le monde à travers elles.
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Ce jour-là aussi, elle avait sursauté, et lâché l'allumette qu'elle venait de frotter sur la plaque brûlante de la cuisinière en fonte, dont l'orifice rond s'ourlait d'un résidu de cendre gris .
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