Sergueï Lebedev dit de son roman :
" Mon but est de désensorcerler l'histoire de la Russie à travers l'histoire de la littérature ."
Un but magnifiquement atteint.
Sergueï Lebedev avec une écriture froide comme les roches du grand nord sibérien nous porte de bout en bout dans ce roman.Son écriture est magique, pleine de la poésie du monde des déchus, les images du cercle de l'enfer nous touchent de si près.
La limite de l'oubli s'inscrit dans une quête et une enquête à travers le grand Nord sibérien, au-delà du cercle polaire, sur les traces laissées par les camps, sur l'engloutissement de l'archipel du goulag.
Le narrateur enfant est lié de façon assez mystérieuse par celui qu'il appele "L'autre grand -père", un vieil homme qui habite la datcha à côté de ses parents, il est aveugle et se prend d'une passion pour ce petit garçon jusqu'à le sauver de la mort.Un jour, un chien enragé mord l'enfant qui va être sauvé par une transfusion sanguine, ce sang c'est celui de "l'autre grand-père qui y perd sa vie en sauvant celle de l'enfant.
Adulte, le narrateur veut en apprendre davantage sur l'identité de son sauveur et de ce sang qui coule dans ses veines.
Cette quête le conduit sur les chemins des camps, des goulags où il apprend que l'autre grand-père était un chef de camp.
Cette quête entraîne le narrateur à travers la taïga, les marécages sibériens, les paysages de désolation et d'abandon que l'on retrouve dans les films de Tarkovski .
Et ce cheminement est fascinant, c'est une véritable introspection du monde des vivants, des geôliers et des détenus qui est passée en revue.
Lebedev s'interroge sur cet univers concentrationnaire, comment il s'est diffusé dans la société russe, à travers la mémoire, l'oubli et le secret.
La description des espaces, de la géographie est immersive, on a l'impression d'être sur place avec le narrateur.
C'est un livre magistral dont la lecture m'a envoûté totalement.Je vais rapidement me mettre à la découverte de
Sergueï Lebedev.
Un roman à lire d'urgence !