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Rémi Cassaigne (Traducteur)
EAN : 9782330171605
192 pages
Actes Sud (02/11/2022)
4.05/5   189 notes
Résumé :
La première neige est tombée sur Stockholm et Björn vient d’être muté à l’Administration. Mégalomane sur les bords, Björn a une opinion démesurée de son rôle. Arrogant et psychorigide, il est loin de faire l’unanimité parmi ses collègues. Mais Björn n’est pas là pour fraterniser ou bavarder inutilement, il est là pour travailler et montrer le bon exemple à ceux qui n’ont peut-être pas, comme lui, la bureaucratie dans le sang.
Un jour, il découvre une porte en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
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Petit bijou d'audace absurde et décalée, ce livre suédois de Jonas Karlsson m'a fait penser dans un premier temps au Placard du coréen Un-Su Kim. Nous retrouvons en effet le fonctionnement d'une administration dans laquelle est plongé un homme qui semble ne pas être apprécié à sa juste valeur, comme relégué dans un placard. Dans les deux livres, l'absurde règne en maître, satire virulente contre l'Administration et son fonctionnement bureaucratique. Dans les deux livres les narrateurs découvrent un endroit particulier. Dans le placard, comme son nom l'indique, un homme découvre le placard n°13 qu'il parvient à ouvrir à force de patience, ici un homme découvre une mystérieuse pièce. Ces découvertes, dans les deux cas, vont leur permettre de s'évader de leur univers professionnel bureaucratique.
Là s'arrête pourtant la comparaison. le placard va ensuite nous plonger dans un texte fantastique très loufoque, ici le roman se veut plus sobre, teinté certes de fantastique, l'anticonformisme, la folie, l'exclusion étant cependant le véritable coeur du récit.

A Stockholm, Björn vient d'être muté à l'Administration. Nous comprenons rapidement que cette mutation lui a été imposée par son ancien supérieur hiérarchique. Il faut dire que notre homme est particulier : imbu de lui-même, arrogant, parano, psychorigide, maniaque, il ne cesse de juger le travail des autres à l'aune de la très haute opinion qu'il a de lui-même. Il n'a aucune légèreté et aucune capacité à s'émerveiller, à s'émouvoir. Même un dessin d'enfant par exemple sera source d'une analyse glaciale. Dès son arrivée, il ne sympathise pas du tout avec ses collègues, son objectif étant de prendre la place du chef qu'il considère avec mépris. Un jour il découvre l'existence d'une pièce entre l'ascenseur et les toilettes dans laquelle règne une ambiance épurée, minimaliste qui permet à Björn de ressentir un bien-être tel que ses pensées s'éclaircissent, son travail est plus efficace. Un véritable lieu pour se ressourcer, pour méditer. Un sas pour décompresser dans lequel il revient de plus en plus souvent.

« J'ai senti le mur propre et blanc contre mon dos. Les stries légères sous ma main en posant ma paume sur le papier peint. La fraîcheur de l'acier contre ma joue en appuyant ma tête contre l'armoire à documents. le mouvement des tiroirs coulissant en douceur sur leurs rails métalliques. L'ordre. »

Le hic, c'est que pendant que Björn est dans la pièce, les collègues eux le voient planté au milieu du couloir à fixer le mur comme hypnotisé. Son attitude odieuse et son comportement très étrange vont créer un malaise grandissant qui va venir gangrener le service. Björn est-il fou ou ses collègues se sont-ils ligués contre lui pour l'amener à se croire fou ? Qui domine qui ?

C'est complètement kafkaïen…Kafkaïen le travail absurde et sans aucun sens demandé aux employés qui doivent écrire des résumés à partir de rapports d'inspection incompréhensibles. Kafkaïen le comportement de Björn absolument détestable. Kafkaïen la façon dont se diffuse le malaise au sein de l'open-space, tâche poisseuse grandissante étouffant toute légèreté et ambiance d'équipe. Kafkaïenne l'angoisse bien visible du chef qui ne sait comment gérer cette situation inédite entre un employé dérangé et l'ensemble des collègues qui se liguent contre lui, tension inextricable alors que plane la menace de la disparition de cette Administration.

Est-ce un livre sur la différence ? L'anticonformisme ? L'exclusion des personnes différentes et atypiques. Oui assurément, mais au lieu d'en faire un livre lumineux sur la différence, la subtilité provient ici des sentiments même que tout lecteur ne peut s'empêcher d'éprouver : nous le détestons immédiatement, instinctivement, viscéralement, ce personnage, il est notre pire cauchemar. Impossible de le défendre. Non ce livre n'est pas un feel-good mettant à l'honneur l'acceptation et l'intégration des personnes différentes, il montre, par le biais d'une satire décalée, une personne atypique qui saccage tout sur son passage et qui est d'une méchanceté rare. Cela donne un texte totalement jubilatoire, féroce, drôle mais en même temps angoissant car nous nous rendons compte que lui-même porte le même regard sur ses collègues, effet miroir qui nous met mal à l'aise et nous interroge…

« Les gens stupides ne savent pas toujours qu'ils sont stupides. Peut-être sentent-ils que quelque chose cloche, peut-être remarquent-ils que les choses ne se déroulent pas comme ils l'attendent mais peu savent que c'est à cause d'eux. Qu'ils sont pour ainsi dire la racine de leurs propres problèmes. Chose qui peut parfois être très délicate à expliquer ».

Ce livre est un petit bijou de causticité à la fois jubilatoire et angoissant, tout du moins dérangeant, j'ai vraiment beaucoup aimé ! Merci beaucoup Christophe (@christophe_bj) de m'avoir fait découvrir cet auteur dont j'ai envie de lire désormais les autres livres.

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Björn vient d'intégrer un nouveau poste à l'Administration. Se voulant exemplaire et scrupuleux dans son travail,il découvre un jour à son étage un petit bureau inoccupé, calme et ordonné, qui devient pour lui un sas de décompression.

Seulement voilà : cette pièce, il est le seul à la voir et ses collègues le remarquent de plus en plus souvent planté devant un mur,le regard fixe.

Anti- héros par excellence, un peu comme Meursault dans "L'étranger",dénué d'empathie ,d'émotions, on ne peut que détester farouchement ce personnage.
Il est le collègue arrogant, sûr de lui et de sa valeur et méprisant son entourage.

Tout le monde le croit fou,mais dans ce récit qui flirte avec le fantastique, on se met à douter,qui dit la vérité, est-ce que cette pièce existe vraiment ?

De ce petit livre surgit alors une intense réflexion sur le cynisme,l'intolérance, l'absurdité et l'incompétence, la déshumanisation en marche dans notre société.
Björn représente tout cela. Par un subtil jeu de miroirs,l'auteur arrive à ses fins : j'ai erré jusqu'au bout dans le palais des glaces des fêtes foraines,sans pouvoir trouver la sortie.
L'atmosphère est aussi joyeuse qu'un couloir d'hôpital,la prose est chirurgicale.
Aussi malaisant soit- il,cet ovni littéraire dévoile le génie visionnaire de Jonas Karlsson et restera dans ma mémoire au même titre que l'ouvrage de Camus par cette fine analyse de nos travers.
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Coup de coeur ! ● Björn, le narrateur, vient d'être muté à l'Administration. Dès le début de sa collaboration, son caractère étrange le fait mal voir de ses collègues. Mais de toute façon il ne cherche pas à se faire bien considérer, il est là pour travailler. Un jour, entre les toilettes et l'ascenseur, il découvre une pièce qui lui apparaît parfaite, mais qu'il est le seul à voir et dont il est le seul à pouvoir franchir le seuil. Lorsqu'il y va, les autres employés le voient debout, immobile, occupé à fixer le mur du couloir. le chef, Karl, veut faire valoir le droit de Björn à la différence, mais ses collègues ne sont pas du même avis. ● Ce bref roman concentre beaucoup de qualités. Il décrit une bureaucratie kafkaïenne où les employés font un travail incompréhensible à partir de rapports d'inspection qui leur sont envoyés. Ces rapports sont classés par ordre d'importance et le service de Karl, où Björn travaille, s'occupe des dossiers de moyenne importance. le sens de ce travail échappe au lecteur, qui n'y voit qu'une activité absurde, justifiant la mise en cause de l'existence même de l'Administration qui est apparemment menacée de disparition. ● Là où l'auteur est très habile c'est qu'il fait de Björn un personnage à la fois détestable, ne présentant aucune sensibilité, ne ménageant pas ses collègues, désagréable jusqu'à la méchanceté, orgueilleux jusqu'à l'arrivisme et la mégalomanie, tatillon, paranoïaque, et rejeté en raison de sa différence. ● C'est une sorte de handicapé mental ou de neuroatypique malveillant. Notre envie de défendre sa différence est tempérée par son mauvais caractère et les sales coups qu'il joue à ses collègues. ● « Les individus bornés ne voient pas le monde tel qu'il est. Ils le voient juste tel qu'ils veulent le voir. Ils ne voient pas les nuances. le petit rien qui fait la différence. Beaucoup, plus qu'on ne pense, croient que tout va bien. Ils se contentent des choses telles qu'elles sont. Ils ne remarquent pas les erreurs car ils sont trop paresseux pour s'extraire de l'ornière quotidienne. Ils s'imaginent qu'il leur suffit de faire de leur mieux et que tout va s'arranger. Les gens comme ça, il faut les avertir. Leur ouvrir les yeux sur leurs échecs. » ● C'est brillant et jubilatoire, j'ai adoré et je recommande vivement.
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Une incursion inopinée dans une librairie isséenne ( loin de mes trajets habituels, découverte fin juillet, alors que les trois autres , restantes étaient fermées pour cause de "congés annuels"), je souhaitais acquérir "Gabrïele" des soeurs Berest (Stock), mais il ne paraissait que le 23 août... je suis repartie, sur le conseil de la libraire (dont j'avais apprécié un avis antérieur) ,avec ce petit texte, aux thèmes inhabituels, de cet auteur suédois !

Ambiance assez glaciale, le narrateur, Björn, vient d'être muté dans une administration; bureaucrate dans l'âme, il prend tout et tous, de haut. Psycho-rigide, maniaque , tatillon, en un mot, un bureaucrate gris et antipathique à souhait !!
Il n'est guère " populaire" auprès de ses collègues- Rentabilité, efficacité, l'homme est là pour travailler...il semble dénué de la moindre bienveillance, ou attention envers autrui !
Il découvre un jour une porte... Elle ouvre sur une pièce inoccupée, parfaitement rangée. Il s'y réfugie de plus en plus fréquemment, provoquant malaise et interrogations chez ses collègues... qui ne comprennent guère son comportement intransigeant et ses "absences" !

Etrange texte qui cultive "absurde" et semi-fantastique... car on a du mal à saisir si cette porte fantomatique est réelle ou non, visible de tous , ou non ???

Björn... se révèle paranoïaque, avec un complexe de supériorité , qui le rend peu attachant... convaincu que ses collègues le harcèlent et veulent l'exclure....

Une lecture sûrement originale, atypique... mais dans laquelle je n'ai pas réussi à pénétrer.. Ce n'était peut-être pas le genre de livre dont j'avais envie ou besoin dans l'instant présent...Je me suis résignée non sans une réelle déception, à abandonner ce roman quitte à le reprendre un peu plus tard... et redonner une autre fois, une chance à ce jeune écrivain suédois, auteur à la fois de récits, nouvelles et pièces de théâtre...

Un récit franchement kafkaïen , dans une sorte d'univers aseptisé et absurde...
Une sensation littéralement physique de froid ... pour nous, lecteur !! En tous cas,... ce fut mon ressenti...un univers parallèle, voisin de la folie...Une sorte de fable sur le conformisme, l'exclusion et la peur de la différence....

" j'ai veillé à participer à toutes les pauses-café communes et à toutes les conversations. Personne ne me parlait, ni même me regardait, mais j'étais là. Je participais. Je faisais acte de présence physique, au milieu d'eux.

Au début, j'ai remarqué que tout s'arrêtait dès que je me joignais au groupe. J'ai fait comme si de rien n'était. Peu à peu, je me suis approprié le rôle de participant passif, celui dont personne ne se préoccupe, mais qui est là,
comme une condition préalable à la vie sociale du groupe" (p. 140)
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Après un bref coup d'oeil aux autres critiques, tout me semble déjà dit. Et dans l'ensemble, je suis d'accord avec ce qui est dit. On pense bien sûr à Kafka. Ce pauvre employé est complètement décalé dans cette administration. On peut se demander qui est fou, Björn où l'administration qui l'emploie ou plus largement, la société dans laquelle il évolue ? C'est peut-être bien le monde qui est malade. Björn ne fait que suivre le mouvement. Jonas Karlsson ne fait que poser la question à travers son personnage. le texte est épuré au maximum pour donner l'impression d'étrangeté qui finit par régner dans le service. Finalement, on en vient à se demander si cette pièce existe véritablement. Les autres employés finissent par s'interroger et douter d'eux-mêmes. Et nous lecteurs, sommes rattrapés par l'absurdité ambiante.
C'est le premier livre que je lis de cet auteur, mais sûrement pas le dernier.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Pour étendre mes contacts, le mieux était bien sûr de commencer par le voisinage, puis de progresser de proche en proche. Comme des ronds dans l’eau. Et puis John donnait une impression si désespérément banale. Que pouvait-il m’apporter ? Que je n’aie déjà ? Pour mon profil, il aurait été fâcheux de prendre contact avec une personne aussi terne, de la vieille génération, et de se voir du coup directement associé aux falots.
Ann était certes une femme et je voulais éviter de me lier trop intimement à des femmes, ce qui risquait de me faire paraître intrusif ou flatteur, mais j’ai estimé pouvoir adopter une attitude sexuellement plus neutre pour commencer. Cela profiterait à mon image moderne et montrerait une certaine vivacité d’esprit.
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La première fois que je suis entré dans la pièce, j’ai presque aussitôt fait demi-tour. J’allais aux toilettes et m’étais trompé de porte. J’ai senti un relent de renfermé en ouvrant, mais je ne me souviens pas d’y avoir accordé une attention particulière. Je n’avais pas remarqué quoi que ce soit dans ce couloir, à part les toilettes, avant l’ascenseur. Ah tiens, ai-je pensé. Une pièce. J’ai ouvert et refermé. Et ça en est resté là.
(Incipit)
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j'ai veillé à participer à toutes les pauses-café communes et à toutes les conversations. Personne ne me parlait, ni même me regardait, mais j'étais là. Je participais. Je faisais acte de présence physique, au milieu d'eux.

Au début, j'ai remarqué que tout s'arrêtait dès que je me joignais au groupe. J'ai fait comme si de rien n'était. Peu à peu, je me suis approprié le rôle de participant passif, celui dont personne ne se préoccupe, mais qui est là,
comme une condition préalable à la vie sociale du groupe. (p. 140)
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Je n'avais pas pleuré depuis l'école primaire, et je n'aimais pas ça. C'était mouillé et poisseux. Pleurer, c'est pour les faibles. (...)
Pleurer , c'est bon pour les enfants et les oignons.
Mais ces pleurs-là avaient quelque chose de différent. C'étaient des pleurs calmes et posés. De bons pleurs. De l'eau qui rinçait les canaux, un peu comme on purge des gouttières encombrées de feuilles et d'aiguilles de sapin. Une façon de faire disparaître l'énergie négative et de faire de la place pour quelque chose de mieux. Je sentais toutes les idées fausses s'envoler et des idées nouvelles prendre leur place. Meilleures. Une nouvelle chance.
Un nouveau moi. (p. 124)
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Les gens stupides ne savent pas toujours qu'ils sont stupides. Peut-être sentent-ils que quelque chose cloche, peut-être remarquent-ils que les choses ne se déroulent pas comme ils l'attendent, mais peu savent que c'est à cause d'eux. Qu'ils sont pour ainsi dire la racine de leurs problèmes
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